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Monsieur le Secrétaire Général,
Messieurs les Présidents et Premiers Ministres,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un privilège exceptionnelle que de pouvoir m'adresser au nom du peuple roumain, à cette réunion marquant un tournant majeur dans l'histoire de l'Europe et du monde. J'ai reçu de mon peuple le mandat d'y exprimer sa volonté irrévocable d'être accepté à part entière dans ce processus historique, qui décide de l'architecture de sécurité à venir.
Cette nouvelle architecture n'est pas un simple projet politique - si grandiose fut-il : c'est la forme structurée de l'énorme vague de volonté par laquelle les peuples de l'Europe Centrale ont conquis, en 1989, leur liberté, mettant fin aux divisions de l'Europe et, partant, du monde.
Les Roumains sont le seul peuple de l'histoire de l'Europe Centrale et Orientale a avoir payé de leur sang cette liberté. C'est pourquoi nous sommes aujourd'hui les plus intéressés à rejoindre dans les meilleurs délais l'OTAN - l'alliance politique et stratégique qui, depuis sa création et jusqu'aujourd'hui s'est avérée être le dispositif le plus efficace pour la sauvegarde de la liberté, de la souveraineté et de la démocratie. Tous les sondages d'opinion prouvent, sans aucun doute possible, que plus de 90 pour cent de la population roumaine désire l'intégration immédiate de la Roumanie à l'OTAN. Cette option massive exprime notre confiance dans le fait que l'OTAN est, au-delà de sa signification purement stratégique, une alliance créée autour des valeurs fondamentales de notre civilisation : la démocratie, la liberté, la paix, la stabilité. Ces valeurs sont nos valeurs, et nous voulons que notre adhésion soit reconnue et prise en compte.
La création du nouveau Conseil de Partenariat Euro-Atlantique ouvre l'accès des pays qui y participent a un véritable laboratoire de l'OTAN. A coté de l'harmonisation strictement militaire, réalisée par le Partenariat pour la Paix, une nouvelle dimension s'annonce, celle de l'harmonisation politico-stratégique et de la gestion des décisions. Les réunions des experts politiques vont s'ajouter à celles des experts militaires, pour un débat qui pourra aboutir, en fin de compte, à l'émergence d'une culture stratégique commune.
Examinant les structures de sécurité du siècle à venir, la Roumanie a fermement choisi de développer une politique régionale créative, qui a guéri d'anciennes plaies et qui a ouvert des voies de collaboration par de nombreux projets communs. Cette politique régionale contribue déjà à la stabilité de la zone - combien sensible - où la Roumanie se trouve, à la jonction de l'Europe Centrale et de l'aire sud-est européenne avec celle de l'Est du continent. Nous avons ajouté ainsi aux éléments certains de stabilité que les Traités avec la Hongrie et l'Ukraine génèrent, un réseau de coopérations régionales trilatérales, destinées à ancre notre région dans un dispositif général de paix et d'entente cordiale. Par l'accord tripartite entre la Roumanie, l'Ukraine et la République de Moldavie, signé il y a quelques jours, ainsi que par les futures trilatérales dont nous sommes déjà convenus - entre la Roumanie, la Pologne et l'Ukraine, où entre la Roumanie, la Hongrie et l'Autriche, nous essayons de construire une structure à la fois flexible et résistente, qui va permettre de décharger les éventuelles tensions et prévenir - localiser, au pire - tout conflit. La Roumanie retrouve ainsi sa vocation historique de médiateur et de zone de convergence, en ajoutant à cette tradition la dimension moderne de la politique préventive.
La prévention des conflits ne peut pas, en effet, se limiter a une vision géopolitique globale : elle doit prendre en compte les microstructures régionales, qui, dans la plupart des cas, sont responsables des tensions dont l'inflammation doit - et peut - être arrêtée a temps, mais un art ; dans notre vision, elle doit représenter l'art par excellence du siècle à venir. C'est un art difficile, mais que l'histoire d'un pays pas trop grand et souvent menacé, comme la Roumanie, nous a obligé d'apprendre avant d'autres, et que nous désirons maintenant développer.
Si l'on scrute le contexte dans lequel a lieu l'élargissement de l'OTAN, il est facile de comprendre que les foyers potentiels de conflits ne sont plus les mêmes que ceux de la période de la Guerre froide : le péril d'une agression armée contre tout Etat membre est infime, par rapport aux dangers auxquels tous les Etats membres sont confrontés quant à la protection des sources d'énergie, ou bien à cause du terrorisme et du trafic de drogues, de l'immigration clandestine ou des dramatiques décalages économiques entre les pays développés et les autres. L'intolérance, les diverses formes de fondamentalisme, sont autant de menaces beaucoup plus tangibles que les guerres traditionnelles. C'est pourquoi une médecine stratégique préventive ne peut pas ignorer ce que j'appellerais la forme contemporaine de la guerre, mais doit lui opposer la forme contemporaine des alliances politico-militaires qui vont de la gestion des conflits à la prévention des ces conflits.
Dans cette perspective, le processus de l'élargissement de l'Alliance peut représenter un avantage majeur, dans la mesure où cet élargissement envisage, par exemple, de garantir des sources alternatives d'approvisionnement en énergie et la sécurité des trajets ; dans la mesure où il envisage la création de zones aptes plutôt à absorber les tensions qu'à représenter une barrière rigide, et, partant, éphémère; dans la mesure où, enfin, il vise non seulement l'interopérabilité des troupes - qui reste essentielle - mais aussi l'harmonisation des hiérarchies de valeurs et des concepts - ce que j'appellerais l'interopérabilité des citoyens, des communautés et des peuples. Cette dimension possible de la future OTAN est sans doute celle qui fera de l'OTAN l'Alliance du futur.