Résilience et préparation du secteur civil – Article 3

  • Mis à jour le: 24 Jun. 2022 16:18

Chacun des pays membres de l’OTAN doit avoir la résilience nécessaire pour résister à un choc majeur – catastrophe naturelle, défaillance d’infrastructures critiques, attaque hybride, attaque armée, etc. – et rétablir ensuite la situation. La résilience, qui est l’aptitude d’une société à résister à ces chocs et à s’en remettre, s’appuie à la fois sur la préparation du secteur civil et sur des capacités militaires. La préparation du secteur civil est un pilier de la résilience des pays de l’OTAN et l’un des éléments facilitateurs critiques de la défense collective de l’Alliance, et l’OTAN aide ses membres à évaluer et à améliorer cette préparation.

Montage de tentes peloton à la Rockhal

 

  • Le principe de la résilience est ancré dans l’article 3 du traité fondateur de l’Alliance : « Afin d’assurer de façon plus efficace la réalisation des buts du présent Traité, les parties, agissant individuellement et conjointement, d’une manière continue et effective, par le développement de leurs propres moyens en se prêtant mutuellement assistance, maintiendront et accroîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée ».
  • L’article 3 est l’un des éléments qui donnent à l’OTAN les moyens d’accomplir ses tâches fondamentales, en particulier la défense collective.
  • L’engagement individuel de chacun des Alliés à maintenir et à renforcer sa résilience réduit la vulnérabilité de l’OTAN dans son ensemble.
  • La résilience est d’abord et avant tout une responsabilité nationale ; chaque pays membre doit être suffisamment fort et capable de s’adapter pour faire face à tout l’éventail des crises anticipées par l’Alliance.
  • Les efforts militaires visant à défendre le territoire et les populations des pays de l’Alliance doivent donc être complétés par une solide préparation du secteur civil afin de réduire les vulnérabilités potentielles et le risque d’attaque, en temps de paix comme en période de crise ou de conflit.
  • La préparation du secteur civil comprend trois fonctions essentielles : la continuité des pouvoirs publics, la continuité des services essentiels à la population et le soutien du secteur civil aux opérations militaires. Ces trois fonctions critiques ont été traduites en sept exigences de base pour la résilience des pays, à l’aune desquelles les Alliés peuvent mesurer leur niveau de préparation.
  • Les forces militaires, surtout celles déployées en période de crise ou de conflit, sont fortement tributaires du secteur civil et du secteur commercial pour ce qui est des transports, des communications, de l'énergie ou même des produits de base comme l’eau et la nourriture pour accomplir leurs missions. La préparation du secteur civil permet de s’assurer que ces secteurs soient prêts à résister à des attaques externes ou à des perturbations internes et restent capables de fournir si nécessaire un soutien à une opération militaire de l’OTAN.
  • Globalement, la politique de l’OTAN en matière de résilience et de préparation du secteur civil est guidée par le Comité pour la résilience, qui relève directement du Conseil de l'Atlantique Nord, le principal organe de décision politique de l’OTAN.

 

  • Les vulnérabilités dans un environnement de sécurité en évolution

    L’environnement de sécurité d’aujourd’hui est imprévisible. Les menaces peuvent émaner d’acteurs étatiques comme non étatiques et prendre la forme d’attentats terroristes, mais aussi de cyberattaques ou encore de guerre hybride, qui rendent plus floue la distinction entre conflit conventionnel et non conventionnel. Elles peuvent aussi être dues au changement climatique, à des catastrophes naturelles comme des inondations, des incendies ou des tremblements de terre, ou à des risques biologiques comme la pandémie de COVID-19. Il est d’autant plus difficile de s’adapter et de répondre à ces différents types de menaces que certaines tendances ont radicalement transformé l’environnement de sécurité.

    Initialement, à la fin de la Guerre froide, les budgets de défense ont été réduits et bien qu’elle ait été inversée depuis lors, cette tendance a accru la dépendance globale de l’OTAN à l'égard des capacités et moyens civils et commerciaux comme les voies ferrées, les ports, les aérodromes et les réseaux électriques, pour le transport et le soutien rapides et efficaces des forces militaires. En conséquence, dans de nombreux domaines, les ressources civiles et les infrastructures critiques sont détenues et exploitées par le secteur privé. Quelques chiffres illustrent l’ampleur de ce phénomène :

    • environ 90 % des transports militaires pour des opérations militaires d’envergure sont assurés par des moyens civils affrétés ou réquisitionnés dans le secteur privé ;
    • plus de 70 % des communications par satellite à des fins de défense sont assurées par le secteur privé ;
    • le trafic internet transatlantique, y compris les communications militaires, est acheminé à environ 90 % par des réseaux fibre optique sous-marins dont la maintenance est assurée par des infrastructures civiles ;
    • en moyenne, le soutien du pays hôte aux opérations de l'OTAN provient pour 75 % d’infrastructures et de services commerciaux locaux.

    En dépit de cette situation, et obéissant à plusieurs objectifs parmi lesquels la recherche de l’efficacité maximale, le secteur privé a éliminé la plupart des redondances, qui alourdissent les coûts. Or, la diversité des moyens privés est d’une importante critique pour la continuité des pouvoirs publics et des services essentiels en cas de crise à impact élevé, ce qui représente une vulnérabilité plus importante que par le passé. Du temps de la Guerre froide, par exemple, il existait des capacités et des mécanismes de défense territoriale prêts à soutenir un effort de guerre, mais ceux-ci ont aujourd’hui disparu.

    En outre, avec la généralisation de l’utilisation des nouvelles technologies, nos sociétés sont devenues interconnectées et interdépendantes dans les domaines économique, financier, informationnel et cyber. Cette interconnexion a été un grand atout et elle a fortement bénéficié à nos sociétés, mais elle peut aussi engendrer des vulnérabilités et des dépendances. Dans l'environnement de sécurité actuel, la résilience face à ces menaces exige une gamme complète de capacités, tant militaires que civiles, et une approche mobilisant l’ensemble de la société, avec une coopération soutenue entre les pouvoirs publics, le secteur privé et la société civile.

  • L’accroissement de la résilience

    Plus les Alliés sont préparés, moins ils sont vulnérables et susceptibles d’être attaqués, ce qui renforce l’OTAN dans son ensemble. Les Alliés peuvent accroître leur résilience, par exemple, en renforçant leurs capacités nationales de défense, en garantissant l’accès aux infrastructures critiques et en établissant des plans de secours en cas de crise ; ils peuvent aussi mettre régulièrement à l’épreuve leur capacité à apporter un soutien et des services essentiels au secteur militaire par des moyens civils, commerciaux ou autres. Pour déjouer ou contrer efficacement les menaces ou perturbations qui pourraient affecter le secteur civil, et pour se relever de pareils événements, il faut disposer de mesures de réponse et de plans clairs, qui soient définis bien à l'avance et qui fassent l'objet d'exercices réguliers.

    Les travaux de l'OTAN visant à renforcer la résilience se font selon une approche tous risques, et non en fonction d’une vulnérabilité spécifique. Ils contribuent à protéger le territoire et les populations des pays de l’Alliance contre tous les dangers potentiels. Au sommet de l’OTAN à Varsovie, en 2016, les dirigeants des pays de l'Alliance ont décidé de renforcer la résilience de l’OTAN face à toute la gamme des menaces et de continuer à développer la capacité individuelle de leurs pays et la capacité collective de l’OTAN à résister à toute forme d'attaque armée. Ils ont approuvé sept exigences de base pour la résilience au niveau national à l’aune desquelles les États membres peuvent mesurer leur état de préparation :

    1. la garantie de la continuité des pouvoirs publics et des services publics essentiels – par exemple, la capacité de prendre des décisions, de les communiquer et de les faire appliquer en période de crise ;
    2. la résilience des approvisionnements énergétiques – plans et réseaux électriques de secours, au niveau national et au-delà des frontières ;
    3. l’aptitude à gérer efficacement des mouvements incontrôlés de personnes et à faire en sorte que ces mouvements n’interfèrent pas avec les déploiements militaires de l’OTAN ;
    4. la résilience des ressources en nourriture et en eau – s’assurer que ces ressources sont à l’abri de perturbations ou d’actes de sabotage ;
    5. l’aptitude à gérer un grand nombre de victimes et des crises sanitaires perturbatrices – s’assurer que les systèmes de santé civils peuvent faire face à la situation et que des fournitures médicales en nombre suffisant sont stockées en lieu sûr ;
    6. la résilience des systèmes de communication civils – s’assurer que les réseaux informatiques et de télécommunications fonctionnent même en cas de crise, et qu’il existe des capacités de secours suffisantes. Cette exigence a été actualisée en novembre 2019 par les ministres de la Défense des pays de l’OTAN, qui ont souligné la nécessité de disposer de systèmes de communication fiables, y compris la 5G, d’options robustes pour le rétablissement de ces systèmes, d’un accès prioritaire pour les autorités nationales en temps de crise, et d’évaluations rigoureuses de tous les risques pour les systèmes de communication ;
    7. la résilience des systèmes de transport – s’assurer que les forces de l’OTAN peuvent se déplacer rapidement à travers le territoire de l’Alliance et que les services civils peuvent compter sur les réseaux de transport, même en période de crise.

    Ces exigences reflètent les trois fonctions essentielles, à savoir la continuité des pouvoirs publics, les services essentiels à la population et le soutien du secteur civil au secteur militaire, qui doivent être maintenues même dans les circonstances les plus difficiles. Tous ces éléments sont liés, ce qui signifie que si un domaine est affecté, un autre pourrait aussi être touché.

    Assorties d'un ensemble de directives, de critères d'évaluation, d'analyses et d'une boîte à outils adaptée, ces exigences de base visent à aider les Alliés à accroître leur résilience et à leur donner des points de repères pour évaluer l'état de préparation de leur secteur civil. 

    Le sommet de l'OTAN en 2016 a jeté les bases d’un renforcement de la résilience, avec l'élaboration de critères d’évaluation destinés à aider les pays à évaluer eux-mêmes leur résilience à l'échelon national. Depuis 2018, sur la base de ces évaluations, l’OTAN procède tous les deux ans à des analyses du niveau global de résilience de l’Alliance. Ces analyses font ressortir les domaines dans lesquels des travaux supplémentaires sont nécessaires, et l’OTAN offre un soutien aux Alliés en donnant des orientations sur les moyens d’améliorer leur état de préparation pour les sept exigences de base.

    En 2019, les dirigeants des pays de l’OTAN ont pris acte de la nécessité d’accroître la résilience de leurs sociétés, ainsi que celle des infrastructures critiques et de la sécurité énergétique des Alliés. Ils se sont également engagés à garantir la sécurité de leurs communications, s'agissant notamment de la 5G, conscients de la nécessité de recourir à des systèmes sécurisés et résilients.

    La pandémie de COVID-19 a mis à très rude épreuve la résilience des pays membres de l'OTAN. La réponse de l’Alliance a souligné l’importance de l'engagement et de la coopération civilo-militaires et a montré le rôle crucial joué par les forces armées des pays de l'Alliance en soutien des sociétés civiles. L’OTAN et ses différents pays membres ont travaillé sans relâche à améliorer l’état de préparation de l’ensemble des pouvoirs publics, en particulier dans le secteur de la santé.

    Depuis 2016, la résilience des pays membres de l’OTAN s’est accrue, mais il reste encore des défis et des lacunes. Parallèlement, les Alliés sont confrontés à de nouveaux défis qui pourraient compromettre l’accès assuré aux infrastructures critiques essentielles par les autorités nationales et par les militaires en période de crise.

    En 2021, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Alliance ont agréé un engagement renforcé en faveur d'une meilleure résilience en vue d’accroître encore la résilience et la préparation du secteur civil aux niveaux national et collectif. Les Alliés sont convenus, entres autres engagements, d’intensifier les efforts pour sécuriser et diversifier les chaînes d’approvisionnement, d’assurer la résilience des infrastructures critiques et des industries clés, y compris en les protégeant des activités économiques préjudiciables, et de faire face à l’impact des catastrophes naturelles, aggravées par le changement climatique.

    Les Alliés ont également décidé de définir, d’évaluer et de revoir des objectifs collectifs de résilience, et d'en assurer le suivi, pour orienter l'élaboration, au niveau national, d’objectifs et de plans de mise en œuvre en matière de résilience. Il s’agit, par ces efforts, de mettre en place une approche plus intégrée et plus coordonnée pour le renforcement de la résilience à l'OTAN. Étayés par un nouveau cycle de planification et d’examen, les objectifs nationaux en matière de résilience visent à opérationnaliser les objectifs collectifs de résilience afin de remédier aux vulnérabilités de l’Alliance pour les sept exigences de base.

  • Une coopération civilo-militaire renforcée

    Le regain d'attention porté à la résilience donne lieu à un renforcement de la coopération entre parties prenantes civiles et militaires. Les accords de collaboration entre celles-ci s’avèrent mutuellement bénéfiques, en temps de paix comme en période de crise. L’assistance militaire aux autorités civiles a par exemple été d’une aide précieuse pendant la pandémie de COVID-19, durant laquelle les ressources civiles ont été mises à rude épreuve.

    Les exercices sont un moyen efficace de tester réellement les arrangements nationaux, en particulier pour ce qui est de faire face à des défis majeurs, comme une attaque au moyen d’armes de destruction massive ou des actes relevant de la guerre hybride. À cet égard, la résilience est un domaine d’étude important, raison pour laquelle on élabore actuellement de nouveaux outils d’évaluation destinés à améliorer la capacité de l’Alliance et de ses membres à identifier les vulnérabilités, à évaluer l’état de préparation et à développer les capacités. Pour tester les réactions des Alliés face aux situations de crise, des éléments de préparation du secteur civil sont intégrés aux exercices militaires de l’OTAN à tous les niveaux, depuis les exercices de gestion de crise de niveau stratégique et les exercices à haute visibilité jusqu’aux exercices de poste de commandement de niveau moins élevé et aux exercices sur le terrain.

  • Des partenariats pour renforcer la résilience

    Le renforcement de la résilience et de la préparation du secteur civil fait aussi partie du soutien de l’OTAN à ses partenaires et est une manière de projeter la stabilité dans le voisinage de l’Alliance. Les différents déploiements d’équipes d’experts de la préparation du secteur civil en soutien de l’Ukraine, en 2014, de la Jordanie, en 2015, et de l’Iraq, en 2019, sont autant d’exemples de coopération pratique. La coopération avec la Jordanie, qui s’est poursuivie de 2019 à 2022, a donné lieu à un projet conjoint OTAN-ONU de trois ans destiné à aider la Jordanie à améliorer son état de préparation en matière de défense contre les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN).

    Une collaboration dans la durée avec le secteur privé et avec d’autres organisations internationales comme l’Union européenne et les Nations Unies est également essentielle pour renforcer la résilience, notamment en développant une lecture commune de la situation. L’Union européenne, plus spécialement, reste un partenaire unique et d’importance essentielle pour l’Alliance, en particulier à travers des consultations interservices et une coopération pratique dans différents domaines en lien avec la résilience.

  • Évolution

    Pendant la Guerre froide, nombre d'éléments clés des infrastructures civiles, comme les chemins de fer, les ports, les aérodromes, les réseaux électriques ou l'espace aérien, étaient gérés par le secteur public et pouvaient aisément passer sous le contrôle de l'OTAN en période de crise ou en temps de guerre.

    Suite à l’effondrement de l'Union soviétique et à la réduction considérable de la menace militaire conventionnelle qui pesait sur l’Alliance, l’attention portée à la préparation du secteur civil et les investissements dans ce domaine ont commencé à baisser.

    Face à l’aggravation des menaces liées au terrorisme international, l'OTAN a adopté une posture expéditionnaire requérant des capacités et des moyens différents de ceux développés pendant la Guerre froide. Sachant que les opérations et missions de l’Alliance se déroulaient de plus en plus hors du territoire de l’OTAN, il n'était pas justifié à cette époque de mobiliser largement les ressources alliées pour la préparation du secteur civil. Durant cette période, le recours à des contractants pour les tâches, les besoins et les capacités militaires non essentiels au combat est devenu la norme et s'est également répandu parmi les nouveaux pays membres de l'OTAN. Bien qu’offrant un rapport coût-efficacité intéressant, l’externalisation a entraîné une dépendance croissante du secteur militaire à l'égard des ressources et des infrastructures civiles.

    Les événements récents ont recentré l'attention sur des défis plus proches du territoire de l'OTAN. Dans le cadre de sa réponse, l’Alliance s’emploie à renforcer sa posture de dissuasion et de défense,  ce qui inclut le renforcement de la préparation du secteur civil et de la résilience au niveau national. Dans cette optique, les Alliés réévaluent actuellement leurs vulnérabilités et leur niveau de préparation afin d'assurer une dissuasion et une défense efficaces face aux menaces qui pèsent aujourd'hui sur la sécurité.