Le Traité fondateur

  • Mis à jour le: 12 Jul. 2022 17:27

Le 4 avril 1949, la signature du Traité de l'Atlantique Nord, plus connu sous le nom de traité de Washington, pose officiellement les fondements de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

The North Atlantic Treaty

 

  • Le traité de Washington – ou Traité de l'Atlantique Nord – est le socle de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).
  • Il a été signé à Washington le 4 avril 1949 par les 12 membres fondateurs de l'Organisation.
  • Le Traité trouve son fondement dans l'article 51 de la Charte des Nations Unies, où est réaffirmé le droit naturel des États indépendants à la légitime défense, individuelle ou collective.
  • La défense collective est au cœur du Traité, et ce principe est consacré dans l'article 5. Cet article, par lequel les pays membres s'engagent à se protéger mutuellement, instaure un esprit de solidarité au sein de l'Alliance.
  • Le Traité est court – il ne contient que 14 articles –, et son libellé offre une grande souplesse à tous les égards.
  • Malgré un environnement de sécurité en constante évolution, le texte d'origine n'a jamais dû être modifié, et chaque Allié peut le mettre en application en fonction de ses capacités et de sa situation.

 


  • Valeurs et principes fondamentaux du Traité

    Avec seulement quatorze articles, le traité de Washington est l'une des conventions internationales les plus courtes. Élaborés avec soin, ces articles ont fait l'objet de plusieurs mois de discussions et de négociations avant que le Traité soit signé. En effet, la Belgique, le Canada, le Danemark, la France, l'Islande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, le Royaume-Uni et les États-Unis ont dû s'entendre sur plusieurs points avant d'adopter le document qui a donné naissance à l'Alliance atlantique.

    Le 4 avril 1949, les douze pays ont signé le Traité de l'Atlantique Nord dans le Grand auditorium du Département d’État à Washington, ville qui a donné son nom au document.

    Chaque pays signataire du Traité est tenu de partager les risques, les responsabilités et les avantages de la défense collective, un concept qui est au cœur même de l'Alliance. En 1949, l’objectif premier du Traité était de mettre en place un pacte d’assistance mutuelle visant à contrer le risque de voir l’Union soviétique étendre le contrôle qu’elle exerce sur l’Europe orientale à d’autres parties du continent. Le Traité oblige par ailleurs les pays signataires à ne prendre aucun engagement international qui serait en contradiction avec le Traité, et ceux-ci s'engagent également à l'égard des buts et principes de la Charte des Nations Unies. Par ailleurs, le Traité précise que les Alliés adhèrent à un ensemble de valeurs et de principes (libertés individuelles, démocratie, droits de l'homme et règne du droit).

    L'Organisation se définit non seulement par le principe de la défense collective et par ses valeurs essentielles mais aussi par la règle de la prise de décision par consensus et par l'importance qu'elle attache aux consultations entre les pays membres. Elle se caractérise également par sa nature défensive et par sa souplesse.

    La signature du Traité a marqué la naissance de l'Alliance, mais ce n'est que plus tard qu'une organisation à part entière a vu le jour. Dans les faits, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) constitue la structure qui permet de réaliser les objectifs de l'Alliance. À ce jour, ces objectifs n'ont pas fondamentalement changé et le Traité lui-même n'a pas été révisé. Les seuls amendements apportés jusqu'ici sont les divers protocoles d'accession qui ont été adjoints au Traité au moment de l'adhésion de nouveaux membres, ce qui témoigne de la clairvoyance des rédacteurs et de leur capacité à concilier préoccupations et objectifs internationaux, d'une part, et intérêts nationaux, d'autre part.

  • Contexte politique de la naissance de l'Alliance

    L'hostilité qui marquait les relations entre l'Union soviétique et les puissances occidentales depuis 1917 a grandi progressivement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce clivage Est-Ouest était alimenté par des conflits d'intérêts et des divergences idéologiques. Accords de paix et réparations ont donné lieu à des confrontations, et les tensions ont été exacerbées par des événements tels que le blocus de Berlin d'avril 1948, le coup d'État de juin 1948 en Tchécoslovaquie et les menaces directes visant la souveraineté de la Norvège, de la Grèce et de la Türkiye.

    L'emprise croissante de l'Union soviétique sur plusieurs pays d'Europe de l'Est a suscité des inquiétudes parmi les pays d'Europe de l'Ouest, qui redoutaient que Moscou n'impose son idéologie et son pouvoir dans toute l'Europe. Or, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, les gouvernements occidentaux avaient commencé à réduire leurs appareils de défense et à démobiliser leurs troupes. En janvier 1948, Ernest Bevin, ministre britannique des Affaires étrangères, a évoqué la nécessité d'un « traité d'alliance et d'assistance mutuelle », qui établirait une alliance de défense et un groupement régional dans le cadre de la Charte des Nations Unies.

    Les États-Unis n'entendaient fournir un soutien militaire à l'Europe qu'à la condition qu'elle soit unie. C'est ainsi qu'en mars 1948, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont signé le traité de Bruxelles, qui a donné naissance à l'Union occidentale. Conçu pour renforcer les liens entre les signataires tout en instaurant un système de défense commun, ce traité a servi de base au traité de Washington.

    Entre-temps, le Sénat américain a adopté la résolution Vandenberg, qui a changé le cours de la politique étrangère des États-Unis puisqu'elle autorisait ce pays à prendre part, dans le respect de sa constitution, à un système de défense collective en temps de paix.

    Les conditions étaient alors réunies pour que puissent commencer les négociations sur un traité transatlantique.

  • Négociation et rédaction du Traité

    Les pourparlers sur le futur traité de Washington ont eu lieu entre les puissances signataires du traité de Bruxelles (à l'exception du Luxembourg, représenté par la Belgique) ainsi que les États-Unis et le Canada. Les représentants du Canada, du Royaume-Uni et des États-Unis constituaient le noyau de l'équipe de rédaction mais les autres pays ont également contribué aux premiers débats, assistés par un groupe de travail. Ces discussions, connues depuis sous le nom de « pourparlers des six puissances », ont débouché sur la publication, le 9 septembre 1948, du « document de Washington », qui contenait, à l'état d'ébauche, le texte d'articles susceptibles de figurer dans le Traité.

    C'est le 10 décembre 1948 qu'a débuté officiellement la négociation du Traité, au sein du Comité des ambassadeurs à Washington. Pour ces pourparlers, le Luxembourg a dépêché son propre représentant. Plus tard, le Danemark, l'Islande, l'Italie, la Norvège et le Portugal ont été invités aux dernières sessions de négociation, qui ont commencé le 8 mars 1949. Bien que les pays participants aient été d'accord pour placer la défense collective au cœur de la nouvelle alliance, plusieurs autres questions devaient être réglées avant que l'Alliance ne puisse se concrétiser.

    Défense collective

    Les avis divergeaient à propos de l'application de l'article 5. Les États-Unis avaient précédemment affirmé qu'ils voulaient éviter officiellement les interventions hasardeuses à l'étranger. Ils craignaient que l'article 5 ne les entraîne malgré eux dans un conflit. Il a donc fallu faire en sorte que les États-Unis puissent envoyer de l'aide aux pays victimes d'une agression sans devoir pour autant entrer en guerre.

    Les pays européens, de leur côté, voulaient s’assurer que les États-Unis leur apporteraient de l'aide en cas d'attaque de l'un d'eux. Les États-Unis ne souhaitaient pas prendre cet engagement, estimant qu'ils n'auraient pas le soutien de leur opinion publique. Ils proposèrent donc une solution qui permettrait à chaque pays membre de prêter assistance aux autres signataires comme il le « jugerait nécessaire ». En d'autres termes, aucun membre ne se retrouverait automatiquement dans l'obligation de déclarer la guerre ou de s'engager militairement. L'action jugée nécessaire serait laissée à l'appréciation de chaque pays membre. Le point de vue des États-Unis sur la défense collective finit donc par l'emporter.

    Coopération politique et militaire

    Certains rédacteurs ne voulaient pas que le Traité se limite à une simple coopération militaire entre les signataires. Ils souhaitaient également une coopération dans les domaines social et économique, mais les avis divergeaient quant à la manière de traiter les questions non militaires. L'article 2 a finalement été adopté et il constitue aujourd'hui le fondement des activités politiques, et plus généralement non militaires, de l'Alliance.

    L'article 4, qui encourage les Alliés à se consulter chaque fois que l'un d'eux le juge nécessaire, vient compléter l'article 2 et faciliter la recherche du consensus. Grâce à des consultations et à des échanges d’informations réguliers, les pays renforcent les liens qui les unissent et connaissent mieux les préoccupations des autres, si bien qu'ils peuvent plus aisément s'accorder sur des politiques communes ou prendre les mesures voulues.

    Portée géographique du Traité

    La portée géographique du Traité (zone de compétence de l’Alliance) est un autre sujet qui a divisé les négociateurs. Les États-Unis et le Royaume-Uni envisageaient l’OTAN comme une organisation régionale alors que d’autres pays, dont la France, estimaient qu’elle devrait plutôt jouer un rôle à l’échelle mondiale.

    Voici ce qui est dit à ce sujet dans l’article 6 du traité de Washington :

    « Article 6¹

    Pour l’application de l’article 5, est considérée comme une attaque armée contre une ou plusieurs des parties, une attaque armée :

    • contre le territoire de l’une d’elles en Europe ou en Amérique du Nord, contre les départements français d’Algérie2, contre le territoire de la Turquie ou contre les îles placées sous la juridiction de l’une des parties dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer ;
    • contre les forces, navires ou aéronefs de l’une des parties se trouvant sur ces territoires ainsi qu’en toute autre région de l’Europe dans laquelle les forces d’occupation de l’une des parties étaient stationnées à la date à laquelle le Traité est entré en vigueur, ou se trouvant sur la mer Méditerranée ou dans la région de l’Atlantique Nord au nord du Tropique du Cancer, ou au-dessus de ceux-ci.
    1. La définition des territoires auxquels l’article 5 s’applique a été modifiée par l’article 2 du Protocole d’accession au Traité de l’Atlantique Nord de la Grèce et de la Turquie, signé le 22 octobre 1951.
    2. Le 16 janvier 1963, le Conseil de l’Atlantique Nord a noté que, s’agissant des anciens départements français d’Algérie, les clauses pertinentes du Traité étaient devenues inapplicables à la date du 3 juillet 1962. »

    Composition de l’Alliance

    Sur la question de savoir qui inviter à rejoindre l’Alliance, les rédacteurs du Traité ont également eu des avis divergents. Le Royaume-Uni voulait s’en tenir à une alliance compacte et puissante, et éviter de s’engager à l’égard de pays de la périphérie, alors que les États-Unis préconisaient d’inviter des pays susceptibles de succomber à une agression soviétique. La France, pour sa part, se souciait avant tout de protéger ses territoires coloniaux. Mais c’est l’Allemagne qui constituait la principale préoccupation de ces trois pays : en raison de la complexité de sa situation, l’idée de son adhésion fut écartée à ce stade.

    Les rédacteurs du Traité ont envisagé également d’inviter l’Italie, la Grèce, la Türkiye, le Portugal, l’Islande et les pays scandinaves, essentiellement pour leur importance stratégique. L’Italie, le Portugal et l’Islande ont finalement fait partie des membres fondateurs de l’Alliance, tandis que la Grèce et la Türkiye ont rejoint celle-ci en 1952. L’Islande a subordonné son adhésion à celle du Danemark et de la Norvège, qui figuraient également parmi les membres fondateurs, en 1949. La Suède, pour sa part, refusa tout lien avec l’OTAN en raison de son profond attachement à la neutralité.

    Il a également été envisagé de proposer à l’Irlande, à l’Iran, à l’Autriche et à l’Espagne d’adhérer à l’OTAN mais cette idée a été abandonnée, du fait principalement de la situation intérieure de ces pays.

    Territoires coloniaux

    La question des colonies a été l’une des plus grandes sources de dissension lors de la rédaction du traité de Washington. La France a insisté pour inclure l’Algérie dans le Traité, la Belgique faisant de même pour le Congo. Toutefois, les États-Unis et le Canada souhaitaient exclure les territoires coloniaux dans leur ensemble, craignant surtout que l’OTAN se retrouve obligée de résoudre les problèmes des populations locales.

    Finalement, les rédacteurs ont accédé à la demande de la France concernant l’inclusion de l’Algérie2, qui était pleinement intégrée dans les structures politiques et administratives de la France grâce à son statut de département, mais ont rejeté la demande de la Belgique concernant le Congo.

    Durée du Traité

    Les pays n’étaient pas d’accord sur la durée que devait avoir le Traité. Certains étaient favorables à un accord à long terme, qui fixerait la durée initiale du Traité à vingt ans, alors que d’autres craignaient qu’un engagement au-delà de dix ans ne soit perçu comme une prolongation inutile de l’effort de guerre. En fin de compte, à la demande insistante du Portugal, la validité du Traité a été fixée à dix ans, au terme desquels le Traité pourrait être révisé (article 12). En outre, il a été décidé que le Traité devait avoir été en vigueur pendant au moins vingt ans pour qu’un membre puisse quitter l’Alliance (article 13). À ce jour, aucun de ces deux articles n’a encore été invoqué : le Traité n’a jamais été révisé et aucun membre ne s’est retiré de l’Organisation.