Le rôle de l’OTAN dans la production industrielle de défense

  • Mis à jour le: 23 Jul. 2024 14:10

Bien que chaque pays de l’Alliance soit maître du développement de ses capacités militaires (systèmes d’armes, véhicules et autres équipements majeurs), l’OTAN a également un rôle important à jouer à cet égard. Elle aide en effet les Alliés, au travers d’un travail de coordination, à recenser et à acquérir – tout en bénéficiant d’économies d’échelle – les équipements dont ils ont besoin pour se défendre, eux-mêmes et les uns les autres, en toutes circonstances. Elle veille également à ce que les systèmes nationaux puissent bien s’intégrer et opérer ensemble en cas de besoin. Dans ce contexte, la coopération avec l’industrie de défense est essentielle.

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  • Une industrie de défense robuste et flexible contribue à renforcer le dispositif de dissuasion et de défense de l’Alliance. Les pays de l’OTAN sont résolus à assurer dans la durée le niveau de capacité de production industrielle de défense requis en temps de paix comme en période de crise ou de conflit.
  • L’OTAN joue un rôle essentiel d’établissement de normes et de consultation ; elle aide les Alliés à harmoniser leurs demandes d’acquisition d’équipements de défense et les industriels à appréhender les besoins des Alliés, ce qui assure la continuité des approvisionnements.
  • Dans le cadre leur engagement en matière d’investissements de défense (au titre duquel les pays se sont engagés à consacrer 2 % au moins de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense), les Alliés sont convenus que 20 % au moins de leurs dépenses de défense devaient être consacrées à l’acquisition de nouveaux équipements majeurs, y compris à la recherche et au développement à cet égard.
  • Au sommet de Vilnius, en 2023, les dirigeants des pays de l’Alliance ont approuvé un plan d’action sur la production pour la défense visant à accélérer les processus d’achat en commun, à renforcer les capacités industrielles et à accroître l’interopérabilité entre les pays de l’OTAN.
  • Au sommet de Washington, en 2024, les Alliés ont approuvé un engagement en faveur d’un renforcement des capacités industrielles des pays de l’OTAN, initiative destinée à accroître la coopération transatlantique en matière d’industrie de défense et à aider les Alliés à reconstituer leurs stocks tout en continuant de fournir une aide militaire à l’Ukraine.

 

Accroître les investissements dans la production de défense

Tout au long de l’histoire de l’OTAN, les Alliés ont investi dans la production de défense afin de faire en sorte de disposer des capacités nécessaires pour assurer la dissuasion et la défense, les niveaux de dépense et de production fluctuant au gré de l’évolution de l’environnement de sécurité au sens large. Par exemple, au sortir de la Guerre froide, la plupart des budgets militaires ont chuté. Après les attentats du 11-Septembre, les Alliés ont investi dans les capacités dont ils avaient besoin pour mener des actions de lutte contre le terrorisme au niveau national et des opérations hors zone au Moyen-Orient. Suite à l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, en 2014, et face à la menace grandissante venant de l’est, les Alliés ont accru leurs investissements dans les capacités requises pour assurer la dissuasion et défendre leur territoire.  

Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, les Alliés ont encore augmenté leurs investissements dans la production de défense pour renforcer leurs propres capacités de dissuasion et de défense, d’une part, et pour reconstituer les stocks amenuisés par le soutien à l’Ukraine, d’autre part. Au cours de l’année écoulée, les Alliés ont accompli des progrès considérables pour faire monter en puissance leurs capacités industrielles et leur production. Ils ont notamment :

  • adopté ou actualisé des stratégies de défense nationales et promulgué des lois visant à améliorer la coopération industrielle de défense et les relations entre pouvoirs publics et acteurs industriels ;
  • revu leurs processus d’acquisition d’équipements de défense afin de déterminer ce qui pouvait être fait pour réduire les délais d’acquisition et favoriser la collaboration interalliée ;
  • réalisé des investissements ciblés dans leur production industrielle de défense, l’idée étant de remettre en marche ou de créer des lignes de production de munitions et d’explosifs ;
  • passé d’importants contrats à long terme appelés à renforcer leurs capacités de défense au travers d’investissements massifs dans diverses capacités – chasseurs multirôles, hélicoptères, drones aériens, chars de combat, véhicules de combat d’infanterie, munitions tactiquement décisives, systèmes de défense aérienne et antimissile, etc. ;
  • participé à des initiatives conjointes d’acquisition et de développement capacitaire, notamment à des accords de coopération bilatéraux dans le domaine de la défense.

Parallèlement à cela, entre le sommet de Vilnius (2023) et celui de Washington (2024), les Alliés ont acheté, par l’intermédiaire de l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA), pour plus d’un milliard d’euros de munitions tactiquement décisives telles que des munitions de 155 mm, des munitions pour mortiers de 120 mm et des missiles surface-air de défense aérienne et antimissile.

 

Engagement en faveur d’un renforcement des capacités industrielles des pays de l’OTAN

Forts de l’élan initié par ces avancées, les dirigeants des pays de l’Alliance ont adopté, au sommet de Washington, en 2024, un engagement en faveur d’un renforcement des capacités industrielles des pays de l’OTAN, initiative visant à accroître la coopération transatlantique en matière d’industrie de défense et à aider les Alliés à reconstituer leurs stocks tout en continuant d’aider l’Ukraine sur le plan militaire. En particulier, les pays de l’Alliance ont pris les engagements ci-après.

  • Renforcer l’industrie de défense à l’échelle de l’Alliance, notamment en aplanissant les obstacles qui freinent les investissements et les échanges commerciaux entre les Alliés, et en envoyant aux industriels un signal de demande clair au travers de marchés et de commandes fermes.
  • Adopter une approche plus systémique du développement de l’industrie de défense, l’idée étant que les Alliés établissent des stratégies et des plans nationaux et qu’ils les partagent entre eux, et que chaque pays puisse ensuite décider de transposer à son échelle les bonnes pratiques et les enseignements d’autres Alliés pour renforcer son industrie.
  • Fournir d’urgence les capacités essentielles afin que l’Alliance puisse exécuter ses plans de défense et continuer d’aider l’Ukraine.
  • Favoriser les initiatives multinationales pour l’acquisition à grande échelle de capacités de défense, ce qui permettra de garantir des niveaux élevés de demande groupée et de simplifier les ordres d’exécution des industriels, qui pourront ainsi se faire une idée plus claire des besoins communs des armées. 
  • Accélérer l’adoption de nouvelles technologies susceptibles de renforcer la posture de dissuasion et de défense de l’Alliance.
  • Renforcer la coopération avec l’Ukraine et avec d’autres partenaires, notamment l’Union européenne et les partenaires de l’Indo-Pacifique.
  • Mieux normaliser la production de matériel de défense à l’échelle de l’OTAN afin de garantir l’interopérabilité des systèmes et des équipements des pays de l’Alliance ainsi que l’interchangeabilité de leurs munitions.
  • Protéger les chaînes d’approvisionnement essentielles à la défense (par exemple celle des micropuces présentes dans les équipements militaires modernes) et renforcer leur résilience face aux menaces extérieures.

À propos de ce dernier engagement, les ministres de la Défense des pays de l’Alliance ont déjà entériné une feuille de route pour la sécurité des chaînes d’approvisionnement essentielles à la défense, document qui recense des pistes de coopération à explorer pour protéger les chaînes d’approvisionnement des Alliés contre toute perturbation susceptible d’affecter la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN.

Les Alliés examineront régulièrement l’avancement des travaux menés au titre de ces engagements et adopteront les mesures qui s’imposent pour faciliter leur concrétisation.

 

Plan d’action sur la production pour la défense

Adopté en 2023 au sommet de Vilnius, le plan d’action sur la production pour la défense définit toute une série de mesures et de projets spécifiques devant permettre à l’Alliance d’intensifier sa collaboration avec l’industrie de défense. Ce plan d’action, qui s’articule autour de trois grands axes – agréger la demande, relever les défis associés à l’industrie de défense et améliorer le niveau d’interopérabilité –, est mis œuvre à la lumière des initiatives déjà menées ou engagées dans d’autres organisations internationales, en particulier l’Union européenne.

Agréger la demande

L’agrégation de la demande consiste à regrouper un grand nombre de commandes d’équipements émanant de pays de l’OTAN et à harmoniser les besoins spécifiques. L’idée est de fournir à l’industrie une liste claire des besoins prévisibles, en vue de l’aider à comprendre précisément ce dont les Alliés ont besoin et de l’encourager à investir dans des capacités de production à long terme. Le plan d’action sur la production pour la défense vise à faciliter l’agrégation de la demande, notamment au travers de contrats d’acquisition pluriannuels, à aider à trouver des mécanismes de financement et d’acquisition plus agiles, et à donner aux industriels davantage d’indications et de précisions sur les besoins en matière de stocks et de production.  

Ce texte préconise de recourir plus largement aux cadres OTAN existants pour l’agrégation de la demande ainsi que de créer de nouveaux mécanismes flexibles permettant de répondre aux besoins critiques. Agréger la demande au travers de la coopération multinationale, notamment via les projets à haute visibilité de l’OTAN, contribue à améliorer l’interopérabilité des systèmes clés et l’interchangeabilité des munitions.

Les Alliés mènent également, en dehors du cadre de l’OTAN, toute une série d’initiatives conjointes en matière d’acquisition, de production et de développement capacitaire dans les domaines suivants :

  • systèmes de défense aérienne
  • munitions, munitions pour mortiers et explosifs
  • systèmes d’artillerie, propergols, roquettes et missiles
  • véhicules blindés et chars
  • armes antichars et drones
  • systèmes de combat terrestre et aérien
  • capacités maritimes et sous-marines
  • cyberdéfense
  • recherche et développement
  • coopération industrielle et militaire

Relever les défis associés à l’industrie de défense

Le plan d’action sur la production pour la défense souligne la nécessité de disposer de capacités industrielles de défense suffisantes et durables. Au vu de l’accroissement des commandes passées par les Alliés, les délais de livraison de certains types de munitions se sont allongés. L’OTAN s’emploie donc à établir une série de métriques qui permettraient de mieux appréhender les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement de l’industrie de défense et à ses capacités en général.

Afin de mieux coordonner leurs initiatives en la matière, les Alliés ont créé le Bureau Production industrielle de défense (DIPB), un organe articulé autour de trois groupes de travail respectivement chargés d’évaluer la capacité industrielle de manière générale, de mieux comprendre les chaînes d’approvisionnement, et de s’atteler aux questions d’interopérabilité et de planification industrielle.

Le plan d’action souligne également la nécessité de renforcer les mécanismes de collaboration avec les industriels, de manière à ce que leur point de vue soit pleinement pris en compte.

Depuis l’entérinement du plan d’action, de nombreux Alliés ont adopté ou actualisé des stratégies industrielles de défense, notamment en promulguant des lois visant à améliorer la coopération en matière d’industrie de défense et les relations entre pouvoirs publics et acteurs industriels. Bon nombre d’Alliés ont en outre pris des mesures pour sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement, par exemple en construisant des installations logistiques ou des entrepôts.

Améliorer le niveau d’interopérabilité

Le troisième objectif du plan d’action sur la production pour la défense concerne l’interopérabilité et la normalisation, l’accent étant mis dans un premier temps sur les munitions tactiquement décisives (Terre). L’interopérabilité permet à tous les Alliés d’opérer ensemble pour atteindre des objectifs communs, grâce, entre autres, à l’utilisation d’équipements conformes aux normes OTAN. Le plan d’action présente une série d’activités destinées à améliorer le processus de révision des normes techniques, à avoir une meilleure vue d’ensemble de l'état d’avancement et de la mise en application de ces normes au sein de l’Alliance, et à aider les pays à les intégrer dans les besoins capacitaires qu’ils communiquent aux industriels.

La Conférence des directeurs nationaux des armements (CDNA) commencera à actualiser le plan d’action avant la fin de l’année 2024.

 

Préserver l’avance technologique de l’OTAN

Au sommet du pays de Galles, en 2014, les Alliés ont adopté l’engagement en matière d’investissements de défense, s’accordant ainsi à consacrer, pour 2024, au moins 2 % de leur PIB à la défense afin que la disponibilité opérationnelle reste assurée à l’échelle de l’Alliance.

Dans le cadre cet engagement, les Alliés sont également convenus que 20 % au moins de leurs dépenses de défense devaient être consacrées à l’acquisition de nouveaux équipements majeurs, y compris à la recherche et au développement à cet égard. Cette métrique est perçue comme un indicateur déterminant de l’ampleur et du rythme de la modernisation. Dans les cas où ce seuil de 20 % n’est pas atteint, il y a un risque accru que les équipements deviennent obsolètes, que l’écart se creuse entre Alliés en termes de capacités et d’interopérabilité, et que la base industrielle et technologique de défense s’affaiblisse.

En plus de prendre des mesures destinées à maintenir dans le temps le niveau de capacité de production industrielle, l’OTAN coopère également avec l’industrie de défense dans le domaine de l’innovation afin de préserver l’avance technologique de l’Alliance.

Les technologies émergentes et de rupture telles que l’intelligence artificielle, les systèmes autonomes, les biotechnologies et les technologies quantiques modifient la nature des conflits. L’OTAN collabore avec ses pays membres, ses partenaires et le secteur privé pour développer et adopter de nouvelles technologies, définir des normes applicables à l’échelle mondiale et ancrer des principes d’utilisation responsable qui reflètent les valeurs démocratiques de l’Alliance.

 

Principaux mécanismes de coordination

La Conférence des directeurs nationaux des armements (CDNA), qui réunit les hauts responsables des acquisitions de défense des pays membres et des pays partenaires de l’Alliance, est le principal organe au sein duquel l’OTAN peut coordonner le développement capacitaire et les échanges avec l’industrie de défense.

La CDNA met en œuvre les décisions prises par les Alliés dans le cadre du processus OTAN de planification de défense (NDPP). Le NDPP permet à l’OTAN de recenser les capacités requises ainsi que de favoriser leur développement et leur acquisition par les Alliés.

Le Bureau Production industrielle de défense (DIPB), créé en décembre 2023 en application du plan d’action sur la production pour la défense, rassemble des experts des pays de l’Alliance en vue de permettre l’échange de bonnes pratiques concernant la planification industrielle de défense et d’autres thématiques connexes comme les acquisitions et les chaînes d’approvisionnement. Le DIPB se réunit régulièrement et rend compte de ses travaux à la CDNA.

Le Groupe consultatif industriel OTAN (NIAG) est un organe consultatif de haut niveau composé de hauts représentants des industries des pays membres et des pays partenaires de l’OTAN. Il conseille la CDNA sur la façon d’encourager la coopération en matière d’armement au sein de l’Alliance, que ce soit entre pouvoirs publics et acteurs industriels, ou au sein du secteur privé.

L’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA) contribue aux activités de l’Alliance ayant trait à la logistique et à la passation de marchés. Elle assure l’acquisition, l’exploitation et la maintenance d’un large éventail de capacités à l’appui de l’OTAN, des Alliés, des partenaires et d’autres organisations internationales.