L’OTAN et le programme FPS : comment un duo improbable est devenu inséparable
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2020 est une année phare pour les femmes, la paix et la sécurité. C’est l’année où nous célébrons le 20e anniversaire de la première résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur les questions FPS reconnaissant les rôles importants des femmes dans les domaines de la paix et de la sécurité. Cette année nous offre l’occasion de mettre en lumière les nombreux obstacles que les femmes doivent encore surmonter pour participer pleinement et de manière significative à la prise de décision dans le domaine de la sécurité, et aussi de mener un vrai travail de réflexion sur l’évolution future du programme FPS, notamment sur les moyens d’accélérer les changements qui s’opèrent en profondeur.
Alors que nous nous projetons dans l'avenir, il est important de rappeler comment tout a commencé et de mesurer le chemin parcouru. L'OTAN s'est dotée d'une politique spécifique sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU en 2007, et elle a étudié pendant près de 20 ans la manière dont les principes du programme FPS s'appliquent à notre corps de métier. L'anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU offre une possibilité d'analyser comment l'OTAN a évolué dans le prolongement du programme FPS et comment elle va faire progresser sa mise en œuvre.
Une résolution qui a ouvert la voie
La résolution 1325, la première consacrée à la cause des femmes, de la paix et de la sécurité, a été adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU le 31 octobre 2000. Ce texte historique admettait, pour la première fois, l’existence d’un lien entre l’égalité des genres et la paix et la sécurité internationales. La résolution 1325 prend spécifiquement en compte la manière dont les conflits ont un impact différent sur les femmes et les filles, et reconnaît le rôle essentiel des femmes dans la prévention des conflits violents et l’instauration d’une paix durable. Elle repose sur trois piliers distincts : 1) la participation des femmes au processus de consolidation de la paix, y compris aux efforts accrus à l’appui de l’intégration de la dimension de genre dans les opérations de secours et d’assistance, 2) la protection des femmes et des filles contre la violence sexuelle et sexiste, et 3) la prévention des violations des droits des femmes. Depuis 2000, neuf résolutions supplémentaires ont été adoptées et constituent ce que l’on appelle aujourd’hui le « programme pour les femmes, la paix et la sécurité ». Chaque résolution renforce l’engagement pris au niveau mondial à l’égard des rôles des femmes en période de conflit et en temps de paix, rôles dont l’importance est négligée et sous‑évaluée.
Un rôle pour l'OTAN ?
Initialement, il n'était pas prévu que l'OTAN joue un rôle dans la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est dans le contexte des opérations de paix de l'ONU que le programme FPS a vu le jour, porté par des femmes qui militaient pour la paix. Cependant, la résolution 1325 a changé la manière d'aborder le thème de la sécurité et la question de savoir qui doit jouer un rôle. À mesure que progressait la réflexion plus générale relative aux rôles des femmes dans la paix et la sécurité, il n'est pas étonnant que l'OTAN ait commencé à prendre conscience de la pertinence du programme FPS pour les activités de l'Alliance.
En quête d'une participation

Bien avant la résolution 1325, l'OTAN s'employait déjà à augmenter la proportion de femmes au sein des forces armées des pays membres. En 1954, elle a débattu pour la première fois du rôle des femmes militaires dans le cadre du Comité d'examen annuel sur le service militaire national, et, à partir de 1961, des conférences ont régulièrement porté sur l'analyse des obstacles auxquels sont confrontées les femmes au sein des forces armées. En 1976, le Comité du personnel féminin des forces de l'OTAN a été officiellement mis en place.
Le programme FPS met en avant l'importance du rôle positif des femmes. Il ne s'agit pas seulement de viser la parité hommes-femmes. Il s'agit de donner les mêmes chances aux hommes et aux femmes et d'agir collectivement en vue de garantir pleinement l'égalité des genres.
"L'inclusivité compte. Aucun des droits dont les femmes bénéficient aujourd'hui ne leur a été présenté sur un plateau ; ces droits ont été conquis de haute lutte et ils doivent être protégés. Il importe que les femmes soient de plus en plus présentes à l'OTAN lors des débats sur les différents défis en matière de sécurité. "
Radmila Šekerinska, ministre de la Défense de la République de Macédoine du Nord
Dans cet esprit, au début des années 2000, l'OTAN a élargi son champ d'action : en plus de ses efforts centrés sur la question des femmes dans les forces armées, elle a pris des mesures pour recruter davantage de femmes au Secrétariat international et pour leur proposer de meilleures perspectives. En 2003, elle a approuvé sa toute première politique d'égalité des chances et de diversité, un document d'orientation qui est à présent complété par des plans d'action pour la diversité et l'inclusion actualisés à intervalles réguliers, et par une politique sur la protection contre la discrimination et le harcèlement.
Il reste beaucoup de chemin à parcourir avant que l'OTAN puisse assurer pleinement l'égalité des genres, mais de grands changements ont été enregistrés ces vingt dernières années. Du côté militaire, les femmes représentent maintenant 12% de l'effectif des forces nationales des pays alliés, soit deux fois plus qu'il y a 20 ans. Au Secrétariat international, le pourcentage de femmes n'a jamais été aussi élevé - 41% - et cela dans des fonctions plus variées. Le nombre de femmes occupant des postes de direction a augmenté au fil des années et, pour les postes de hauts responsables, nous en sommes depuis peu à 30% de femmes - ce que l'on considère souvent comme un « point de basculement » pour un changement durable et significatif.
La prise en compte des rôles des femmes dans les domaines de la paix et de la sécurité ne doit pas se limiter aux femmes qui participent à des processus de paix. Lorsque la paix et la sécurité sont en jeu, les femmes ont une contribution à apporter dans tous les domaines. L'OTAN est déterminée à créer des environnements inclusifs propices à une participation réelle, pleine et entière, des femmes.
Plus on en sait ...
Les pays membres de l'OTAN et leurs partenaires au sein du Conseil de partenariat euro-atlantique ont élaboré, en 2007, la première politique de l'Alliance sur les femmes, la paix et la sécurité. Cette politique était fondée sur l'expérience acquise par l'OTAN dans le domaine FPS au cours des quelques années antérieures - principalement en Afghanistan. Dans le cadre de la mission de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) dirigée par l'OTAN, nous avons appris combien l'intégration de la dimension de genre était importante pour l'opération. Nous avons vu que les femmes militaires déployées à l'appui de la mission avaient d'autres possibilités d'interaction avec les communautés afghanes que leurs homologues masculins. Nous avons vu aussi comment nous pouvions aider les femmes afghanes à s'impliquer dans leurs propres sociétés, notamment en assurant leur protection pour qu'elles puissent participer au processus politique. Les données

À travers leur regard – rendre visible l'invisible
La finalité première de la résolution 1325 est de rendre visible l'invisible : ouvrir des espaces et éliminer les obstacles qui entravent la participation des femmes aux décisions concernant les conflits et la paix.
L'OTAN, très attachée à cette tradition, a organisé pendant la deuxième quinzaine d'octobre une exposition de photos de Sebastian Rich, un célèbre photographe de guerre.
Ces photos illustrent les origines de la résolution 1325 et les raisons pour lesquelles cette résolution a marqué un tournant si important dans la réflexion menée au niveau mondial. Elles nous rappellent que l'environnement mondial ne peut pas être pacifique, prospère et stable si les besoins, les voix et les points de vue des femmes ne sont pas pris en compte de manière appropriée. La force silencieuse et pourtant très évocatrice de ces images montre le visage humain du programme FPS - un visage qui disparaît souvent entre les lignes des documents d'orientation. À mesure que l'environnement de sécurité évolue et que sa complexité multiforme s'accentue, et à mesure que l'OTAN s'adapte pour répondre aux exigences de sécurité et de stabilité imposées par cet environnement, c'est cela que nous devons garder à l'esprit alors que nous franchissons le seuil des deux prochaines décennies. d'expérience recueillies dans ce cadre ont été prises en compte dans cette première politique de 2007, qui était centrée sur les questions FPS dans un contexte opérationnel et qui partait du principe que la responsabilité de la mise en œuvre du programme FPS pour l'OTAN incombait aux militaires.
Depuis lors, nous avons fini par comprendre que les principes FPS s'appliquent à toutes les activités de l'Alliance. Cela signifie que si nos activités, quelles qu'elles soient, ont un impact sur des individus, nous devons tenir compte du fait que cet impact peut être différent pour les hommes et pour les femmes. Cela vaut pour la gestion de crise - comme nous l'avons constaté en Afghanistan, en Iraq et au Kosovo, mais cela concerne également notre manière d'assurer la défense collective des membres de l'OTAN, de travailler avec nos partenaires, de communiquer avec le public, et tant d'autres domaines.
Aujourd'hui, notre politique FPS reflète cette prise de conscience. Inspirée par les idées qui sous tendent le programme FPS, notre politique actuelle s'appuie sur les principes d'intégration, d'inclusivité et d'intégrité. L'intégration vise à inclure la dimension de genre dans toutes nos activités. L'inclusivité consiste à mettre en place des environnements dans lesquels la participation réelle, pleine et entière, des femmes peut continuer à se développer. L'intégrité garantit que nous respectons les normes de comportement les plus strictes et inclut les engagements que nous avons pris de protéger les femmes et les filles contre ce fléau qu'est la violence sexuelle liée au conflit et contre d'autres menaces existant pour leur sécurité. C'est ainsi que l'OTAN a fait sien le programme FPS.
Des principes à la pratique
La mise en œuvre du programme FPS à l'OTAN comporte nécessairement des aspects pratiques, parmi lesquels l'établissement de politiques. L'année dernière, nous avons adopté la toute première politique OTAN sur la prévention de l'exploitation et des abus sexuels et sur les moyens d'y réagir. Il s'agit d'une avancée historique. Cette nouvelle politique, qui s'applique à l'ensemble du personnel, définit les comportements qui sont inacceptables, les moyens de les prévenir et la manière dont les Alliés travailleront ensemble pour garantir la redevabilité. Nous nous employons aussi à mettre à jour nos directives existantes visant à prévenir et à combattre la violence sexuelle liée aux conflits, et à élaborer, sur cette base, une nouvelle politique en la matière. Affaire à suivre ...
Rencontre avec des conseillères/conseillers OTAN pour les questions de genre
Les conseillères/conseillers pour les questions de genre (GENAD) de l'OTAN déployés au sein de tous ses commandements sont la clé du succès de la mise en œuvre du programme FPS. Qui sont ces femmes et ces hommes ? À quoi ressemble leur travail au quotidien ? Pourquoi ces GENAD sont-ils si importants pour l'OTAN ?
Les politiques comptent beaucoup – et la responsabilité de leur application revient toujours aux individus. Les conseillères/conseillers pour les questions de genre (GENAD) de l'OTAN sont à cet égard des acteurs essentiels. Intégrés dans un vaste réseau composé de militaires et de civils en poste dans toute la structure de commandement de l'OTAN, les GENAD ont pour mission de donner des avis sur la dimension de genre applicable à toutes nos activités. L'OTAN est fière d'avoir déployé des GENAD dès 2009, et elle cherche sans relâche à renforcer l'efficacité de ce dispositif.
La redevabilité est essentielle
Ce mois-ci, nous avons mis sur pied une équipe spéciale FPS au niveau des cadres, présidée par le secrétaire général délégué. Cette équipe se compose de cadres issus du Secrétariat international, de l'État-major militaire international et des agences de l'OTAN et elle offre une tribune pour examiner les principaux problèmes liés à la mise en œuvre du programme FPS et pour étudier les possibilités de progresser encore.
Il va sans dire que l'intégration de la dimension de genre ne doit pas reposer seulement sur les épaules des GENAD. Pour que cette intégration se fasse avec succès et de manière durable dans l'ensemble des activités de l'OTAN, il faut que les individus soient impliqués à l'échelle de l'Organisation et qu'ils comprennent en quoi leurs domaines de responsabilité sont concernés. C'est dans ce but que nous avons déployé des réseaux de points de contact pour les questions de genre. Ces points de contact sont des membres du personnel en poste dans toutes les structures civiles et militaires de l'OTAN, qui contribuent à faire en sorte que la dimension de genre soit intégrée dans chaque politique, chaque programme et chaque activité de l'OTAN. Certains travaillent dans les domaines de la diplomatie publique, des opérations, du renseignement, et de l'investissement de défense. D'autres sont actifs au sein du Bureau OTAN de normalisation, ou encore de l'Agence OTAN d'information et de communication. Il est un fait que tout ce que nous faisons comporte une dimension de genre, et nos points de contact pour les questions de genre sont précisément là pour aider chacun d'entre nous à en prendre conscience. Tout cela n'est possible qu'avec le soutien de la hiérarchie dans toutes les structures civiles et militaires.
Dans un monde parfait, chacun comprendrait pourquoi la prise en compte des besoins distincts des hommes et des femmes en matière de sécurité rend l'OTAN tellement plus efficace, et chacun saurait comment évoluer dans le bon sens. Mais, en attendant un monde parfait, nous sommes déterminés à fournir à nos équipes le soutien nécessaire, de manière à garantir l'intégration de la dimension de genre dans toutes nos activités.
Joyeux anniversaire !

Le 20e anniversaire de la résolution 1325 offre une excellente occasion de mener une réflexion et des discussions sur ce que l'OTAN a réalisé, sur ce qu'elle peut faire de mieux, et sur la manière de poursuivre la mise en œuvre du programme. Nous sommes bien conscients que l'environnement de sécurité dans lequel nous opérons se transforme rapidement et de manière inédite.
« La résolution 1325 a eu un profond impact à l'échelle mondiale; les principes du programme pour les femmes, la paix et la sécurité ont un rôle important à jouer dans l'adaptation de l'OTAN à un environnement de sécurité complexe et difficile. »
M. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN
Prenons par exemple le changement climatique, la cyberdéfense, et même les pandémies - le monde change et nous devons faire en sorte de changer avec lui. Cela signifie que notre travail de mise en œuvre du programme FPS continuera lui aussi d'évoluer.
Dialogue en ligne sur l'avenir du programme pour les femmes, la paix et la sécurité à l'OTAN
Le 20e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies offre l'occasion de poser un regard lucide sur l'avenir du programme FPS, et de réfléchir aux moyens de faire en sorte que celui-ci reste adapté aux besoins et puisse continuer d'accélérer les changements qui s'opèrent en profondeur. L'OTAN prend part avec enthousiasme à ce débat, sachant qu'elle a récemment lancé l'initiative OTAN 2030 (#NATO2030) pour que l'Alliance reste prête à relever les défis de demain. C'est dans ce contexte que, le 15 octobre 2020, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg ; a souhaité rencontrer Radmila Šekerinska, Melanne Verver, Robert Egnelle et Kristina Lunz pour leur demander de nous aider à réfléchir à la façon dont le programme FPS devrait évoluer et s'adapter aux nouveaux défis de sécurité qui concernent le changement climatique, la cyberdéfense, et même les pandémies. Ces entretiens ont permis d'examiner comment l'OTAN devrait adapter son approche FPS face à de telles transformations et comment elle pourrait renforcer son rôle dans l'action FPS. Notre principale conclusion? N'arrêtons jamais d'apprendre, n'arrêtons jamais de progresser.
Pour suivre le débat en ligne, veuillez cliquer ici.
Nous sommes constamment à l'affût de bonnes idées qui nous aideront à nous adapter et à être les meilleurs pourvoyeurs de sécurité possible. Notre nouveau recueil d'articles présente des points de vue variés et intéressants sur la manière dont l'OTAN doit faire avancer la cause FPS. Nous venons d'ailleurs d'avoir un premier échange de vues avec des experts afin de déterminer comment l'OTAN et les responsables du programme FPS doivent se préparer aujourd'hui à répondre aux défis de sécurité de demain.
L'OTAN n'a peut-être pas été à l'avant-garde ni au cœur du programme FPS en 2000, mais nous avons repris le flambeau et nous sommes déterminés à promouvoir l'égalité des genres dans l'architecture de sécurité mondiale. L'OTAN et l'action FPS cheminent main dans la main, et nous comptons bien tirer parti des avancées des deux dernières décennies et renforcer le rôle des femmes dans les domaines de la paix et de la sécurité au cours des prochaines années.