COVID-19: au cœur du programme pour les femmes, la paix et la sécurité

Considérations sur les conséquences de la pandémie selon le genre

  • 12 May. 2020 -
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  • Mis à jour le: 09 Jun. 2020 13:57

La pandémie qui frappe actuellement la planète a suscité une vaste réflexion : chercheurs, décideurs, professionnels de la santé, spécialistes des questions de genre, experts en sécurité, seigneurs de guerre et responsables politiques ont tous eu leur mot à dire. Les aspects genrés de cette crise de santé publique ont fait l’objet d'une grande attention, ce qui n'a pas été le cas lors des précédentes pandémies. Il s'agit en fin de compte d'une bonne nouvelle pour la communauté d'intérêt Femmes, paix et sécurité (FPS), dont le message semble enfin être entendu : crises et conflits n'ont pas les mêmes répercussions selon que l'on est un homme ou une femme, un garçon ou une fille, et force est de constater que la prise en compte de la dimension de genre est indispensable pour appréhender une situation donnée dans sa globalité.

Selon certains commentateurs, la cause « femmes, paix et sécurité » n'a jamais été autant d'actualité qu'en cette période de crise. Les experts estiment que la pandémie de COVID-19, aux multiples dimensions de sécurité, démontre en fait le rôle essentiel du programme FPS dans les enjeux de paix et de sécurité du monde d'aujourd'hui. De fait, les questions si souvent mises en lumière par la communauté FPS sont profondément pertinentes s'agissant de la pandémie actuelle. Il peut donc être utile de réfléchir à certaines d'entre elles.

“S’il est un temps où des approches axées sur les personnes et intégrant la dimension de genre sont nécessaires, c’est bien aujourd’hui.”

Tout d'abord, l'analyse comparative entre les sexes est un outil clé en période de crise. Le programme FPS préconise d'analyser les causes et les conséquences des crises selon le genre et de recenser les individus, les collectivités et les institutions concernés. Une telle analyse est essentielle si l'on veut que les mesures d'alerte précoce, de préparation, d'atténuation, de réaction et de relèvement tiennent compte d'un contexte plus large et puissent ainsi former un tout plus efficace et plus pérenne. Il est indispensable de disposer de données ventilées par sexe pour comprendre l'impact du virus et pour élaborer les stratégies de réponse et de relèvement nécessaires. Il est également crucial de comprendre que les politiques établies n'auront pas les mêmes incidences sur les hommes que sur les femmes.

Dans le cas de la COVID-19, il conviendrait par conséquent de mener des analyses et de prendre des mesures concernant, par exemple, les aspects suivants :

L’évolution de la pandémie et ses conséquences en fonction du genre - Qui est contaminé, et pourquoi ? Le constat dressé à l’échelle mondiale (bien que les données ventilées par sexe soient pour le moment incomplètes) est que les hommes sont nettement plus nombreux à succomber au virus. Quelles en sont les implications ? Par exemple, quelles sont les conséquences de l'augmentation du nombre de mères de famille et de femmes âgées devant désormais composer seules avec le quotidien ? Les répercussions socio-économiques de ces facteurs devront être prises en compte afin de réduire l'insécurité sur le long terme.

L’influence du genre sur la composition des personnels de santé et les risques élevés encourus par ces derniers - L'OCDE a récemment fait part d'une information intéressante, à savoir que, si les femmes constituent la majorité des personnels de santé (près de 50 % des médecins, 85 % des personnels pratiquant les soins infirmiers ou la maïeutique et 90 % des personnels de soins de longue durée), elles n’occupent toujours qu'une minorité de postes d'encadrement de haut niveau dans le secteur de la santé.

Le caractère genré des responsabilités parentales - Lorsque les écoles et les structures d'accueil sont fermées, ce sont principalement les femmes qui assument la responsabilité de s’occuper des enfants.

Les conséquences de la quarantaine imposée selon le genre - Les besoins respectifs des femmes et des hommes - sur les plans matériel, culturel, sanitaire et de la sécurité - sont-ils pris en considération ? Pour ce qui est des besoins en matière de sécurité individuelle, de nombreux pays signalent par exemple que les cas de violence familiale ont fortement augmenté.

Face à cette situation, ils ont notamment dû veiller à ce que les centres d'accueil restent ouverts, à ce que du personnel soit disponible pour répondre aux appels d'urgence et à ce que des programmes de formation pour les agents de police et des campagnes de sensibilisation du public soient mis en œuvre.

 

Le saviez-vous?

L'OTAN soutient activement la lutte contre la pandémie de COVID-19 en veillant à ce que fournitures et équipements arrivent à bon port. L'Espagne et l'Italie ayant demandé à recevoir du matériel médical, la République tchèque a livré 10 000 combinaisons médicales de protection ainsi que d'autres fournitures à chacun de ces deux pays. La Turquie a envoyé un avioncargo militaire A-400M rempli de masques, de combinaisons médicales et de solutions désinfectantes. Autant d'exemples d'actions coordonnées par le Centre euro-atlantique OTAN de coordination des réactions en cas de catastrophe. Ces initiatives viennent directement en aide aux personnels de santé locaux, qui peuvent ainsi continuer à soigner les malades nécessitant un traitement. Et ce n'est là qu'une partie des efforts que déploie l'OTAN pour soutenir les populations durement touchées.

Cliquez ici pour plus d'informations sur la manière dont l'OTAN lutte contre la pandémie de COVID-19. 

Deuxièmement, l'importance accordée dans le programme FPS à la participation et à la capacité d'action des femmes en matière de prévention et de résolution des conflits, ainsi que de consolidation de la paix, est également très pertinente au regard de la crise actuelle. En temps de conflit comme en temps de crise, les acteurs locaux, souvent des femmes, sont en première ligne. Non seulement celles-ci représentent 70 % des personnels de santé dans le monde, mais elles jouent aussi un rôle prépondérant dans l'action sociale de proximité et dans les divers secteurs de la société civile à travers le monde.

Elles se mobilisent face à la menace que représente la COVID-19 en mettant tout en œuvre pour parer aux risques liés à la pandémie. Ces femmes, par leur action locale, sont essentielles au processus de réaction et de relèvement, car leurs connaissances peuvent guider l’élaboration et l’amélioration des mesures. C’est pourquoi il est crucial quelles participent à l’évaluation des différents contextes, à la prise de décision, ainsi qu’à la conception et à la mise en œuvre des interventions. Les travaux de la Commission consultative de la société civile, avec laquelle l’OTAN coopère, ont apporté, à cet égard, un éclairage précieux fondé sur la réalité vécue dans divers pays.

Troisièmement, le programme FPS préconise une plus large participation des femmes à la vie politique et à la prise de décision concernant les questions de paix et de sécurité. La crise née de la COVID-19 montre bien la pertinence de cet appel à un leadership inclusif. Les mesures efficaces prises par plusieurs dirigeantes dans le monde (par exemple en Finlande, en Allemagne, en Nouvelle-Zélande et en Norvège) méritent d’être notées, car elles témoignent d’une action déterminée et proactive face à ce défi.

Enfin, le programme FPS plaide pour des approches de la sécurité humaine axées sur les personnes et intégrant la dimension de genre. S’il est un temps où de telles approches sont nécessaires, c’est bien aujourd’hui. La crise liée à la COVID-19 change la donne dans le débat sur les menaces émergentes pour la sécurité et, à l’instar de l’action FPS, remet en question les concepts traditionnels de sécurité individuelle, de sécurité étatique et de sécurité nationale. Elles mettent toutes deux en évidence la nécessité d’envisager de nouvelles approches de la sécurité, mais aussi de faire évoluer les priorités, la répartition des ressources et l’éventail des compétences disponibles de manière à inscrire tant les besoins des femmes que ceux des hommes au cœur du concept de sécurité, tel qu’appréhendé dans chaque société.

L’année 2020 est une année phare pour le programme FPS : riche de grands moments à célébrer, elle donne matière à réflexion. Parmi ces temps forts figure le 20e anniversaire de l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 1325, la première d’une série de résolutions qui placent les femmes au centre de l’action mondiale pour la paix et la sécurité. La communauté internationale commémorera également le 25e anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et de l’adoption de la déclaration et du programme d’action de Beijing (1995). À tous points de vue, il s’agit d’une année charnière qui permettra d’accélérer la concrétisation de l’égalité des genres et l’autonomisation de toutes les femmes et filles dans le monde entier. Même si la plupart des activités prévues cette année ont été reportées ou annulées, la pandémie de COVID-19, et les nouvelles réalités quelle augure, susciteront peut-être une plus grande prise de conscience de l’importance cruciale que revêt le programme FPS.

Article tiré de l’édition du printemps 2020 du Bulletin FPS de l’OTAN. Téléchargez le numéro complet ici.(ENG / FRE)