Synthèse de la stratégie de l’OTAN relative aux technologies quantiques

  • 16 Jan. 2024 -
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  • Mis à jour le: 19 Jan. 2024 15:07

Introduction

  1. Les progrès récemment enregistrés dans le domaine des technologies quantiques nous rapprochent d’un point de bascule scientifique et technologique dont les répercussions pour nos économies, notre sécurité et notre défense s’annoncent majeures. Les technologies quantiques pourraient révolutionner la détection, l’imagerie, le positionnement-navigation-datation, les communications, l’informatique, la modélisation, la simulation et les sciences de l’information. Cependant, elles pourraient également avoir des conséquences perturbatrices et nuire à la capacité de l’Alliance à assurer la dissuasion et la défense. Elles forment donc un domaine de compétition stratégique.
     
  2. Les technologies quantiques pourraient donner lieu, dans les domaines de l’informatique, des communications et de la connaissance de la situation, à des capacités sans commune mesure avec ce qui se fait actuellement, et pourraient dès lors conférer à l’Alliance un avantage stratégique non négligeable. Malheureusement, elles peuvent tout aussi bien profiter aux compétiteurs stratégiques et adversaires potentiels de l’Alliance.

Vision stratégique : une Alliance prête pour le quantique

  1. Pour se préparer au quantique, l’OTAN et les Alliés favoriseront l’émergence d’un écosystème sûr, résilient et compétitif, apte à suivre le rythme soutenu de la compétition technologique dans le secteur qui l’occupe. Ils devront pour cela réaliser des investissements cohérents, coopérer sur les opportunités de développement technologique, se doter d’une main-d’œuvre qualifiée et la protéger, et renforcer la connaissance de la situation ainsi que le partage d’informations. Ils devront également élaborer et déployer une série de technologies facilitatrices essentielles. Il faudra en outre qu’ils dissuadent leurs adversaires de s’en prendre à leurs systèmes et réseaux et qu’ils défendent ces derniers contre les attaques par voie quantique ou autre.
     
  2. Pour permettre à l’Alliance de réaliser son ambition stratégique de préparation au quantique, l’OTAN et les Alliés mettront les technologies quantiques au service de ses tâches fondamentales et s’emploieront à faire en sorte :
  • que les Alliés et l’OTAN aient recensé les plus prometteuses des applications militaires et à double usage, des expériences et des possibilités d’intégration des technologies quantiques répondant à des besoins de planification de défense et de développement capacitaire ;
  • que l’OTAN ait élaboré, adopté et mis en œuvre des cadres, politiques et normes permettant d’améliorer l’interopérabilité des logiciels et des matériels ;
  • que les Alliés coopèrent au développement des technologies quantiques dans le but de préserver l’avance technologique de l’OTAN et leurs propres capacités sur le terrain ;
  • que l’OTAN ait recensé, compris et exploité les avancées dans le domaine des technologies quantiques ainsi que les technologies facilitatrices correspondantes, en convergence avec les autres technologies émergentes et technologies de rupture (TE/TR) ;
  • que l’OTAN se soit dotée d’une communauté transatlantique du quantique entretenant des liens stratégiques avec les pouvoirs publics, le secteur privé et les milieux universitaires et qui soit en prise avec les écosystèmes d’innovation de l’Alliance ;
  • que l’OTAN ait adopté le chiffrement résistant aux attaques quantiques pour ses systèmes cryptographiques ;
  • que les stratégies, politiques et plans d’action relatifs au quantique soient mis en œuvre et actualisés selon l’évolution des besoins ;
  • que les Alliés soient en mesure de détecter (et, s’ils le souhaitent, de contrer) les tentatives adverses de s’immiscer dans les écosystèmes quantiques de l’Alliance, notamment au moyen d’investissements, ce qui pourra nécessiter de procéder à une revue des chaînes d’approvisionnement concernées.
  1. Par ailleurs, l’OTAN sera le forum transatlantique de référence pour les technologies quantiques prises sous l’angle de la défense et de la sécurité ; l’Organisation contribuera à la mise en commun des connaissances relatives à ces technologies ; elle favorisera l’exploitation de leur potentiel ; et elle protégera l’Alliance des usages qui pourraient en être faits à son encontre.

Préparer l’Alliance au quantique

  1. Dans un monde où leurs compétiteurs à parité adoptent eux-mêmes le quantique, les Alliés et l’OTAN doivent de toute urgence accélérer le développement de technologies quantiques capables d’accroître leurs capacités et d’empêcher l’émergence de nouvelles lacunes capacitaires. Ces technologies étant par nature à double usage, ils ne pourront prendre l’avantage qu’en coopérant étroitement avec les écosystèmes quantiques des pays de l’Alliance et en adoptant une approche axée sur « l’apprentissage par la pratique » lorsqu’il sera question d’intégrer les considérations relatives aux technologies quantiques dans la mise en œuvre de leurs concepts opérationnels, dans leurs cycles de planification de défense, dans leurs cycles de développement capacitaire et dans leurs activités de normalisation.
     
  2. Lorsque le DIANA et le Fonds OTAN pour l’innovation seront pleinement opérationnels, leurs activités sur les deep tech viendront également alimenter l’approche stratégique de l’OTAN en matière de technologies quantiques et renforcer les liens entre l’Organisation et l’écosystème quantique de l’Alliance.
     
  3. La convergence entre les technologies quantiques et les autres TE/TR pose des questions importantes en matière de défense et de sécurité. Elle est également susceptible de donner lieu à une série d’applications et de capacités militaires : les capteurs quantiques, par exemple, pourraient améliorer la collecte de données depuis l’espace et autoriser des fonctions de positionnement-navigation-datation ne nécessitant pas le recours aux systèmes mondiaux de navigation par satellite.
     
  4. L’OTAN est consciente du fait que, pour parvenir à prendre l’avantage dans le domaine des technologies quantiques, l’une des ressources les plus critiques est le personnel ; celui-ci sera un facteur déterminant pour la future trajectoire de l’Alliance dans ce domaine. La demande en experts titulaires d’un diplôme avancé dans le quantique est appelée à augmenter en parallèle avec le taux d’adoption de ces technologies.

Innovation responsable

  1. Bien que les implications éthiques des technologies quantiques soient moins évidentes à discerner que pour d’autres TE/TR (on pense en particulier à l’IA, aux systèmes autonomes ou encore aux biotechnologies et à l’amélioration des capacités humaines), les Alliés et l’OTAN sont déterminés à favoriser une approche responsable de l’innovation dans ce domaine. Cette approche portera principalement sur trois éléments : la confidentialité des données, l’anticipation de l’évolution des normes internationales et la soutenabilité.
     
  2. Les Alliés échangeront et coordonneront au sein des comités de l’OTAN leurs vues sur les normes relatives au quantique dans le contexte de la sécurité internationale, à mesure que ces normes émergeront. Ces échanges tiendront compte de la présente stratégie ainsi que de ce qui se passe dans d’autres enceintes internationales.
     
  3. Le Comité de surveillance Données et intelligence artificielle (DARB) pourra, afin d’apporter un éclairage supplémentaire sur les risques et les opportunités liés aux technologies quantiques, remettre des avis sur les incidences que pourraient avoir sur ce champ de recherche les évolutions enregistrées dans le domaine des données et de l’IA.

Communauté transatlantique du quantique

  1. Pour préparer l’Alliance aux technologies quantiques, il faut avant tout renforcer la coopération entre les Alliés et mettre en place un écosystème quantique résilient et capable de faire plus qu’accorder des financements. Le succès de l’adoption à grande échelle des technologies quantiques dépend également de la disponibilité de technologies facilitatrices et de la mise en place de liens efficaces entre les nouvelles avancées en matière de recherche et les méthodes d’ingénierie. Les technologies quantiques sont particulièrement tributaires des technologies facilitatrices : la réalisation d’un ordinateur quantique, par exemple, exige des outils de métrologie précis, des moyens de production sécurisés, des procédés de fabrication spécialisés et des systèmes cryogéniques.
     
  2. Les utilisateurs finaux et les grands noms de l’industrie de défense jouent un rôle crucial dans la transposition des cas d’utilisation prometteurs en capacités à grande échelle. L’OTAN est particulièrement bien placée pour faire le lien entre secteur privé, pouvoirs publics et utilisateurs s’agissant des possibilités offertes par les TE/TR. En raison de l’évolution rapide des technologies quantiques, ce travail de coordination et d’harmonisation de l’action des Alliés doit se faire suivant une approche cohérente, qui sera mise en œuvre par la création d’une communauté transatlantique du quantique.

Protéger l’Alliance de la menace quantique

  1. Dans le domaine de la cybersécurité et de la cyberdéfense, les technologies quantiques sont à la fois une épée et un bouclier, c’est-à-dire qu’elles peuvent aussi bien profiter à l’attaquant qu’au défenseur. Adoptées correctement et rendues pleinement fonctionnelles, elles pourraient permettre aux acteurs privés et publics de l’Alliance de renforcer rapidement et fiablement la protection de leurs données et de leurs communications. Une Alliance prête pour le quantique sera mieux à même de détecter et de bloquer les incursions potentielles dans le cyberespace.
     
  2. Les protocoles de chiffrement actuels pourraient être cassés au moyen d’un ordinateur quantique fonctionnel.
     
  3. Aujourd’hui, l’une des grandes approches pour la sécurisation des communications contre ces attaques est la cryptographie post-quantique ; demain, moyennant de nouvelles avancées, la distribution quantique de clés pourrait jouer un rôle également.
     
  4. Les Alliés peuvent faire usage des comités et organes de l’OTAN pour se soutenir mutuellement et aider l’entreprise OTAN à développer et à mettre en œuvre ces deux approches dans le but d’améliorer la résilience quantique de leurs réseaux. L’OTAN continuera de soutenir la recherche sur le passage aux communications résistantes aux attaques par voie quantique dans les milieux aérien, spatial, cyber, terrestre et maritime.
     
  5. Les compétiteurs stratégiques et les adversaires potentiels pourraient, en exploitant les possibilités de désinformer les sociétés des pays de l’Alliance, inciter le public à se méfier de l’utilisation des technologies quantiques à des fins militaires. Les Alliés s’emploieront donc à prévenir et à contrer toute initiative en ce sens par des moyens de communication stratégique. L’OTAN leur prêtera son concours comme il conviendra.