Réflexions

par Irene Fellin sur ses premiers mois en tant que représentante spéciale du secrétaire général pour les femmes, la paix et la sécurité

  • 07 Oct. 2022 -
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  • Mis à jour le: 17 Oct. 2022 15:35

Ces derniers mois, nous avons fait face à des défis particuliers, dont les effets cumulés laisseront une trace indélébile sur nos existences et notre posture de sécurité. Mais nous avons fait preuve de résilience au cours de cette période difficile, marquée par la COVID 19 et l’existence de conflits internationaux.

Irene Fellin, NATO Secretary General’s Special Representative for Women, Peace and Security and NATO Secretary General Jens Stoltenberg

La guerre menée par la Russie en Ukraine en l’absence de provocation et les atrocités commises contre le peuple ukrainien nous ont toutes et tous bouleversés. À l’heure où ces crises font rage, nous n’avons d’autre choix que d’en tirer des enseignements et de prendre du recul pour réfléchir à des solutions à long terme. Aujourd’hui, les Alliés sont plus unis que jamais. Nous avons l’opportunité de mettre en œuvre nos politiques, de défendre nos libertés, acquises de haute lutte, et d’œuvrer à une paix durable et inclusive. Nous avons pu constater que, quelle que soit la crise, les femmes jouent un rôle déterminant dans le combat pour la paix et la sécurité. Nous devons donc nous rappeler, maintenant plus que jamais, combien il importe qu’elles participent aux processus décisionnels, à tous les niveaux. Je tiens à m’assurer que l’Alliance le leur permet.

Le contexte actuel me conforte dans ma détermination à accomplir ma mission et à poursuivre l’objectif global de l’OTAN, qui est de promouvoir la sécurité de tous les hommes et de toutes les femmes dans l’ensemble de ses pays membres et de ses pays partenaires. L’égalité des genres et la sécurité humaine comptent parmi les valeurs communes aux Alliés : plus que de simples domaines d’action, la sécurité humaine et les enjeux liés aux femmes, à la paix et à la sécurité (FPS) sont des causes qui nous animent.

Ces valeurs se reflètent par ailleurs dans les sphères décisionnelles des pays de l’Alliance, qui n’ont jamais compté autant de femmes ministres de la Défense ou des Affaires étrangères. C’est pourquoi j’ai invité ces dernières à participer à une réunion en marge du sommet que l'OTAN a tenu cette année à Madrid afin qu’elles puissent échanger leurs points de vue de femmes sur les questions de sécurité du moment et sur leur importance pour l’Alliance. J’ai bien conscience que ce type de réunion ne doit pas devenir la norme, car nous risquerions alors de fonctionner en vase clos. La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, n’en a pas moins souligné l’importance des réseaux de femmes, rejointe en cela par beaucoup d’autres. « Tant que la parité hommes-femmes n’aura pas été atteinte, de tels réseaux s’imposeront », a-t-elle déclaré.

Le sommet de Madrid a marqué un tournant décisif : la problématique de la sécurité humaine et le programme FPS ont été inclus dans le nouveau concept stratégique, une première dans l’histoire de l’OTAN. « La sécurité humaine, et notamment la protection des civils et la limitation des dommages causés à ceux-ci, est un élément central de notre approche de la prévention et de la gestion des crises », peut-on lire dans ce document. Il y est également précisé que la sécurité humaine et la cause FPS seront intégrées dans l’ensemble des tâches fondamentales de l'OTAN, ce qui signifie qu’elles seront systématiquement prises en considération dans tous les domaines de travail de l’Alliance.

Si nous voulons que le monde change, nous devons commencer par montrer l’exemple. Je suis impatiente de mettre à profit les progrès déjà accomplis pour aller encore plus loin. L’un des outils à notre disposition pour y parvenir est le manuel de l’OTAN sur le langage inclusif. Le langage façonne notre vie quotidienne, modèle nos interactions et structure en partie nos actes et nos pensées. Il est donc important que le langage de nos institutions contribue à une plus grande équité des genres et reflète nos réalisations collectives.

Avec ce nouveau mandat, la boucle est bouclée. Il y a près de dix ans, j’ai rejoint l’OTAN en tant que conseillère pour les femmes, la paix et la sécurité, avant de plaider, au sein d’une organisation de la société civile, pour une meilleure représentation des femmes dans les activités de médiation et de consolidation de la paix. C’est pourquoi je tiens tout particulièrement à associer la société civile à nos travaux. En créant la Commission consultative de la société civile (CSAP), nous avons ouvert la voie à un dialogue entre l’OTAN et les organisations de la société civile des pays de l’Alliance et des pays partenaires. En retour, celles-ci nous font bénéficier de leur précieuse connaissance du terrain. À l’heure où nous renouvelons le mandat de la CSAP, j’espère que de nouveaux membres la rejoindront pour nous prêter main-forte.

En 2016, j’ai fondé la branche italienne du réseau international Women in International Security (WIIS), qui encourage la présence des femmes aux postes à responsabilité du secteur de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que leur évolution professionnelle dans ce domaine. En parallèle, j’ai coordonné le Réseau des femmes médiatrices de la Méditerranée (RFMM), dont l’objectif est de promouvoir le rôle des femmes dans les processus de médiation et de consolidation de la paix. J’entends m’acquitter de mon mandat en suivant une approche à 360 degrés, et je tiens avant tout à mettre mes connaissances et mon réseau au service des femmes de la région méditerranéenne. J’ai d’ailleurs eu l’honneur de co-organiser en mars dernier, avec la Division Affaires politiques et politique de sécurité, une rencontre autour du thème « Renforcer le leadership des médiatrices et des femmes œuvrant pour la paix dans la région MENA », le premier événement auquel j’ai participé à Bruxelles. Les intervenantes ont eu l’occasion de partager leur expérience, de présenter des bonnes pratiques et d’apporter à l’Alliance un éclairage constructif sur ce qu’elle peut faire pour aider les femmes à agir sur le terrain.

J’ai par ailleurs eu le grand honneur, pour donner le coup d’envoi à mes échanges avec la jeune génération, de m’exprimer dans le cadre du sommet OTAN de la jeunesse. Je compte bien m’appuyer sur ces premières interactions pour plaider en faveur d’une plus grande implication des jeunes dans l’ensemble de nos travaux, en particulier ceux qui concernent la cause FPS et la sécurité humaine. Je suis convaincue que la solution aux problèmes de notre époque passe par une véritable inclusion des femmes et des jeunes. Leur dynamisme doit être mis à contribution pour que les conflits trouvent une issue pacifique, durable et représentative de la société. Pour faire bouger les lignes, nous devons être à leur écoute et leur offrir des lieux d’expression.

Enfin, je me réjouis vivement de constater que nous œuvrons déjà en si bonne coopération avec l’État-major militaire international de l’OTAN (EMI) pour appliquer le programme FPS au sein de l’Alliance. Nous nous sommes engagés à harmoniser davantage encore notre action et sommes persuadés qu’une étroite coordination nous permettra d’obtenir de meilleurs résultats.

L’objectif global de l’Alliance est de permettre à l’ensemble de la population de ses pays membres – femmes, jeunes filles, hommes et garçons – d’évoluer dans un environnement sûr et sécurisé. C’est un honneur pour moi d’y contribuer. Je suis déterminée à allier mes connaissances en matière d’égalité des genres et ma passion pour cette cause avec mon engagement en faveur de la sécurité de l’Alliance. Je me réjouis tout particulièrement à la perspective de collaborer au cours des années à venir avec toutes celles et tous ceux qui, au siège de l’OTAN comme à l’extérieur, font preuve de tant de dévouement. L’Alliance a le pouvoir de changer les choses. Profitons-en !