Des armées moins énergivores

  • 05 Jul. 2013 -
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  • Mis à jour le: 05 Nov. 2013 12:41

Les dépenses énergétiques grèvent lourdement les budgets de défense. Non maîtrisées, elles pourraient réduire les ressources dont les Alliés disposent pour acquérir et maintenir en condition leurs capacités de défense et risqueraient de limiter la capacité des pays à monter des interventions militaires. Réduire l’empreinte énergétique des opérations est donc une priorité. L’OTAN et ses pays membres s’intéressent de près aux sources d’énergie alternatives et développent des projets multinationaux autour du concept d’énergie intelligente.

Solar cells that the Royal Dutch Army installed in October 2012 in Mazar-e-Sharif. A field of 480 m² of these solar cells is currently producing 200 kWh per day. The return on investment (ROI) was 9 months. (Photo kindly provided by the Royal Dutch Army)

« Au bout du compte, que ce soit du point de vue des finances ou de la sécurité, notre dépendance énergétique nous met dans une situation perdant-perdant. Plus on se penche sur ce dilemme, plus on comprend pourquoi Alexandre le Grand était obsédé par la logistique. Il aurait dit un jour que si l’une de ses campagnes devait échouer, les premiers à périr seraient ses logisticiens. » souligne l’ambassadeur Gábor Iklódy, secrétaire général adjoint en charge de la Division Défis de sécurité émergents de l’OTAN.

Dépendance croissante au pétrole et au gaz, épuisement progressif des combustibles fossiles,  renchérissement incessant des matières premières, menaces sur la pérennité des sources d’approvisionnement et inquiétudes devant les conséquences du changement climatique sont autant de facteurs qui font de la sécurité énergétique un dossier brûlant.

Selon Pike Research, le Département américain de la défense consacre à lui seul quelque 20 milliards de dollars par an à sa facture énergétique : 15 milliards pour les carburants et 5 pour l’infrastructure et les installations.

Abstraction faite du coût, la dépendance énergétique des forces armées impacte leur efficacité opérationnelle. Les opérations de l’Alliance exigent une organisation logistique de plus en plus complexe et onéreuse. Le transport et la manutention de grandes quantités de carburant ne sont pas non plus sans risque pour la sécurité des soldats.

Enfin, les préoccupations environnementales ne sont pas négligeables. Les Alliés doivent se soucier sérieusement de l’impact écologique de leurs activités militaires et chercher à réduire l’empreinte logistique des opérations.

Des alternatives aux combustibles fossiles

Plusieurs  pays membres de l’Alliance explorent différentes pistes pour aider leurs forces armées à se sevrer des combustibles fossiles.

Le capitaine de frégate Pasquale Tripodi, chef du Bureau Propulsion à l’Amirauté italienne, explique ainsi que « pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles – essentiellement le pétrole –, les forces italiennes, et la Marine en particulier, ont décidé de financer un projet de certification de biocarburants compatibles avec l’équipement en service dans les unités navales. »

La Marine italienne teste actuellement des agrocarburants de nouvelle génération produits à partir de biomasse non alimentaire, comme les algues ou les résidus et déchets agricoles. Des essais de propulsion d’un navire de guerre seront réalisés cette année. Afin d’éviter de coûteux travaux d’adaptation des moteurs et des circuits, ces carburants alternatifs sont conçus pour être compatibles avec les équipements existants. L’objectif, à terme, est de mettre au point un carburant unique, utilisable par toutes les forces armées.

Une autre initiative, sur les carburéacteurs cette fois, a été lancée au Canada par le Conseil national de recherches. Dès octobre 2012,  elle connaissait un succès majeur avec le premier vol au monde d’un avion à réaction civil consommant exclusivement du carburant biologique non dilué.

« Ce vol historique est une véritable percée pour l’industrie des carburants renouvelables, » s’enthousiasme le lieutenant-colonel Geoffrey Carter des forces canadiennes. « Il marque le franchissement d’un seuil symbolique, non seulement pour l’aéronautique, mais aussi pour le développement de sources durables d’énergie renouvelable. »

Des camps militaires écoénergétiques

Le potentiel d’économies d’énergie dans les unités projetées sur un théâtre d’opérations est énorme, notamment dans les cantonnements. L’installation et le fonctionnement d’un camp militaire sont une entreprise complexe et coûteuse, qui pose un défi majeur en termes de production et de consommation d’énergie.

Il est surprenant de voir que, selon des mesures effectuées récemment dans un certain nombre de camps en Afghanistan, environ 70 % de la consommation de combustible sert à climatiser les tentes et à chauffer l’eau des douches. Les tentes sont mal isolées et refroidies par des groupes de conditionnement d’air à faible rendement, qui tournent souvent toute la journée, quelle que soit la demande réelle.

Des expériences ont montré qu’il était possible de réaliser d’importantes économies d’énergie en utilisant des matériaux nouveaux pour l’isolation thermique des tentes et les voiles d’ombrage, en centralisant et en gérant plus finement les groupes de climatisation et de chauffage et en incitant les troupes à changer leur comportement. La promotion des énergies renouvelables, comme le solaire, et la valorisation énergétique des déchets sont deux pistes prometteuses pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles.

L’Équipe Énergie intelligente

Par l’intermédiaire de son Équipe Énergie intelligente, l’OTAN s’emploie à sensibiliser ses États membres au défi énergétique et à promouvoir un code de bonnes pratiques dans les projets des pays pour une utilisation raisonnée de l’énergie.

« Grâce aux travaux de cette Équipe, l’OTAN a commencé à explorer des solutions offrant un meilleur rendement pour le refroidissement et le chauffage des tentes de campement, par exemple les générateurs réglables, les pompes à chaleur, le chauffage par le sol, les matériaux d’isolation et de stockage de l’énergie générée ou d’origine solaire... » explique Michael Ruhle, chef de la Section Sécurité énergétique à la Division Défis de sécurité émergents de l’OTAN.

Créée dans la foulée du sommet de Chicago en mai 2012 et financée par le programme OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité, l’Équipe Énergie intelligente est codirigée par le Centre d’excellence de l’OTAN pour la sécurité énergétique, basé en Lituanie,  et par le service interarmées de l’environnement des forces armées suédoises. Elle est composée d’experts de huit pays, dont six États membres (Allemagne, Canada, États-Unis, Lituanie, Pays-Bas et Royaume-Uni) et deux pays partenaires (Australie et Suède).

In fine, la raison d’être de l’Équipe est de recommander et d’initier des projets multinationaux dans le cadre de l’initiative OTAN de défense intelligente.

Des technologies de pointe pour générer l’énergie et réduire la consommation ont été présentées au camp « écoénergétique » mis sur pied à l’occasion de l’exercice de logistique militaire Capable Logistician 2013, qui a eu lieu en Slovaquie en juin 2013.

Les britanniques y ont fait la démonstration d’un générateur d’eau atmosphérique, d’un système intelligent de stockage et de gestion de l’énergie et d’une tente revêtue d’un matériau thermo-isolant. Les Néerlandais ont apporté des panneaux photovoltaïques et des lampes à diodes électroluminescentes (LED), tandis que les Allemands ont installé un prototype de pile à hydrogène, qui pourrait demain remplacer les générateurs diesel pour la production d’électricité.

« Le camp avait pour triple objectif de conscientiser les acteurs sur la problématique de l’énergie, de prouver l’intérêt de solutions écoénergétiques et de tester l’interopérabilité des systèmes et des équipements, » précise Mme Susanne Michaelis, responsable OTAN pour les projets d’efficacité énergétique.