Des acteurs afghans risquent leur vie pour divertir leur public

  • 09 Jan. 2012 -
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  • Mis à jour le: 20 Jan. 2012 11:14

Une unité d’élite de la police afghane se lance à la poursuite d’un kamikaze dans le centre de Kaboul, l’empêchant de justesse d’appuyer sur le détonateur. Au vu de leur tenue noire à l’occidentale, de leurs armes modifiées et de leurs mini oreillettes, on croirait ces policiers tout droit sortis d’un film d’action hollywoodien.

À vrai dire, on n’en est pas loin. Ces policiers font partie de l’unité Eagle Four et sont les vedettes de la série policière à succès diffusée sur la chaîne de télévision la plus populaire d’Afghanistan, Tolo.

Librement inspirée de 24 heures chrono, série américaine au succès mondial, Eagle Four fait un tabac, avec son rythme trépidant et ses répliques qui fusent, et son acteur principal, Najebullah Sadiq est devenu une célébrité. Celui-ci, de passage dans sa ville natale de Jalalabad, nous rappelle cependant à quel point il peut être difficile d’être un acteur en Afghanistan.

Braver la menace terroriste

« Nous avons eu beaucoup de problèmes », indique Najebullah Sadiq. « J’ai été menacé des centaines de fois. Ils disent qu’on ne devrait plus tourner dans des films qui traitent de la lutte antidrogue ou des droits des femmes. Ils demandent pourquoi j’ai joué dans tel film ou telle série. Ils affirment que je suis contre les attentats suicide. J’ai donc reçu de nombreuses menaces, des messages et même des lettres à mon domicile. »

Le cinéma afghan ne date pas d’hier. Il a vu le jour dans les années 1960 mais, aujourd’hui, il manque cruellement de moyens financiers. En outre, tourner dans des films peut s’avérer dangereux. Najebullah Sadiq vit sous la menace au quotidien.

« Avant de quitter ma maison, j’en fais le tour et quand je pars de chez moi en voiture, je gare mon véhicule un peu plus loin et je fais encore le tour de ma maison ou je demande à quelqu’un de vérifier qu’il n’y a personne de suspect aux alentours », explique-t-il.

Jalalabad est la deuxième plus grande ville de l’est de l’Afghanistan. Voisine du Pakistan, c’est l’une des principales plaques tournantes du commerce avec ce pays, vers lequel l’Afghanistan exporte des produits agricoles tels que des oranges, du riz et de la canne à sucre.

Jalalabad s’est également fait connaître par sa petite – mais dynamique - communauté de réalisateurs de films et sa multitude de magasins de DVD et de CD. Toutefois, l’année dernière, une série d’attentats contre ces commerces a fait du tort à la carrière des artistes afghans.

Tous les magasins vendant des produits de divertissement ont fermé. Mais cette année, comme il a été annoncé que la deuxième étape de la transition inclurait Jalalabad, le climat est devenu suffisamment sûr pour que les commerçants rouvrent leurs boutiques.

Pourtant, il subsiste des problèmes, surtout pour trouver des actrices. « Il y a 4000 acteurs en Afghanistan, dont seulement trois ou quatre femmes, qui n’ont joué que dans un ou deux films. Elles ont subi des pressions de la part de leur famille mais aussi de personnes appartenant à diverses organisations ou se présentant comme des mollahs ou des oulémas. Elles ont reçu des menaces et ont quitté l’industrie du cinéma », indique Najebullah Sadiq.

Une source d’inspiration pour le futur

Toutefois, la moitié de l’unité Eagle Four est constituée par des femmes, dont l’une est une experte en informatique capable de localiser un suspect et de transmettre en un clin d’œil des informations détaillées aux hommes sur le terrain.

Les technologies de pointe abondamment utilisées dans Eagle Four sont sans doute quelque peu futuristes par rapport à celles dont dispose actuellement la police afghane, qui est encore en train de se développer, mais Najebullah Sadiq espère que son rôle dans la série sera une source d’inspiration pour les forces de sécurité afghanes dans l’exercice de leurs fonctions et renforcera la confiance de la population en ceux qui la protègent.

Selon l’acteur vedette de Eagle Four, la série montre une voie à suivre pour les forces de police afghanes. Il espère qu’un jour, les policiers seront équipés comme celui qu’il incarne et seront capables de repérer les terroristes grâce à des caméras de sécurité ou à internet.