Lutter contre le phénomène des enfants soldats

  • 20 Oct. 2011 -
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  • Mis à jour le: 26 Oct. 2011 17:38

À l'occasion de la fête religieuse de l'Aïd, cette année, le président Karzaï a parlé un moment avec de jeunes garçons, tous mineurs. À part leur jeune âge, ils avaient tous une chose en commun : ils avaient tous été préparés par les talibans à devenir des attaquants suicide.

Entourés par la presse, les garçons se sont vu tendre un micro pour raconter leur histoire.

« Les talibans m'ont donné une ceinture d'explosifs et une arme, puis d'autres personnes m'ont dit de me rendre auprès de l'équipe de reconstruction provinciale (PRT). Lorsque je suis arrivé là, ils m'ont dit d'aller vers les Américains. Quand j'ai vu les soldats à l'entrée, je me suis rendu. », a raconté un garçon de 16 ans à la foule.

S'adressant au président, il l'a supplié de ne pas le laisser repartir car, sinon, les talibans le tueraient. « Ma mère est morte et mon père ne s'intéresse pas à moi », s'est-il lamenté.

Puis, un garçon de 15 ans a rapporté aux anciens qui l'entouraient qu'on lui avait donné une amulette et qu'on lui avait dit que, quand il se ferait exploser, il serait protégé par le texte sacré qu'elle contenait alors que les autres personnes autour de lui mourraient.

Un atout majeur pour les terroristes

Les organisations indépendantes des droits de l'homme, les forces de sécurité afghanes et l'ONU indiquent qu'au cours de l'année écoulée, des centaines d'enfants, certains n'ayant que sept ou huit ans, ont été utilisés par les insurgés dans ce conflit armé. Mme Dee Brillenburg Wurth, conseillère pour la protection de l'enfance à la mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), déclare que les enfants sont très utiles aux groupes armés.

« C'est très intéressant pour les groupes armés de disposer d'enfants – c'est pourquoi il y en a tant de par le monde.Ils sont très faciles à manipuler, ils n'ont peur de rien, ils sont petits, ils sont rapides, et ils ont l'air innocent – de ce fait, les gens auront moins vite tendance à les soupçonner », explique-t-elle.

Un certain nombre d'attentats suicide ont visé la capitale. Le chef de la police de Kaboul, le général Mohammad Ayoub Salangi a rencontré le groupe des vingt garçons qui ont été graciés par le président à l'occasion de l'Aïd, et il a déclaré qu'il s'agissait d'un moment émouvant.

« Je ne peux pas exprimer ce que je ressens…C'est la plus grande persécution qu'ils font subir à notre peuple, à nos enfants, à notre histoire et à notre pays, l'Afghanistan », a-t-il estimé.

Sur leur site web, les talibans nient se servir d'enfants comme soldats ou attaquants suicide, et leur propre code de conduite recommande aux combattants de protéger les civils – ce qui est contredit par leurs actions sur le terrain, comme l'indique le général de brigade Carsten Jacobson, porte‑parole de la FIAS.

« Les talibans sont responsables de plus de 80% des pertes civiles occasionnées dans ce conflit par des actions directes » affirme le général Jacobson. « Je suis arrivé ici en juin, et l'une des premières informations que j'ai lues concernait une fillette de huit ans envoyée par des talibans vers une voiture de police, avec un explosif dans son sac plastique.Ce fut là mon premier contact avec l'Afghanistan – je suis profondément choqué que les enfants soient exploités de cette façon », affirme-t-il.

L'an dernier, l'ONU a mis sur liste noire un certain nombre de groupes armés, comme les talibans, qui recrutent des mineurs. Mais cette liste répertoriait aussi plusieurs problèmes avec la police nationale afghane (ANP). Néanmoins, le directeur adjoint pour les droits de l'homme et l'égalité entre les hommes et les femmes, le colonel Sayed Omar Saboor, affirme que l'ANP a envoyé ses propres équipes enquêter dans les provinces et que ces dernières n'ont pas trouvé de mineurs dans les rangs de la police.

L'instruction est essentielle

En janvier 2011, l'ONU et le gouvernement afghan ont signé un accord spécial pour la mise en œuvre d'un plan d'action visant à arrêter le recrutement de mineurs. Aujourd'hui, des membres de la police et de la MANUA travaillent sur une campagne nationale de sensibilisation, qui passera par des panneaux d'affichage, des cahiers, et même des tasses.

« Lorsqu'un policier national afghan boira une tasse de thé, il verra le message suivant : nous ne devons pas recruter de mineurs », déclare le colonel Saboor.

Le droit international, la constitution afghane comme la charia indiquent tous clairement que les enfants ne doivent pas être utilisés dans les combats. Mais le problème vient en partie de ce que de nombreuses naissances ne sont pas enregistrées, ce qui fait qu'il est souvent difficile de déterminer le véritable âge des Afghans. Mais Mme Wurth indique qu'avec l'aide de la MANUA, les agences de recrutement de l'ANP apprennent à reconnaître les aspirants policiers qui sont mineurs.

« De nombreux enfants ont des pièces d'identité falsifiées pour entrer dans l'ANP, mais nous avons formé 150 personnes à reconnaître ceux qui n'ont pas encore 18 ans même si leur carte d'identité dit le contraire », explique Mme Wurth.

Entre-temps, l'ANP à Kaboul reste vigilante. Malgré quelques attaques spectaculaires comme celle qui a récemment frappé l'ambassade des États‑Unis, le général Salangi affirme que la police est capable d'arrêter environ 90% des attaques dans la capitale. Mais quand il s'agit d'enfants, il estime que la solution, c'est l'instruction.

« Il faut orienter les jeunes Afghans vers l'instruction, vers les écoles, et ne pas les utiliser comme attaquants suicide. Premièrement, ces enfants perdront la vie, et deuxièmement leur famille sera dévastée. Et la plupart de nos concitoyens seront aussi blessés ou tués, et leur famille, leurs amis et leurs connaissances souffriront aussi », déclare le général Salangi.