La protection du golfe d’Aqaba
Face aux problèmes environnementaux, des scientifiques se rassemblent autour de projets parrainés par l’OTAN
Avec le soutien du programme OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité (SPS), des scientifiques originaires de Jordanie, d’Israël et de Turquie tentent de protéger le golfe d’Aqaba, l’une des premières destinations au monde pour la plongée. Bon nombre de problèmes environnementaux ne connaissent pas de frontières, ce qui peut représenter à la fois un défi et une opportunité.
La coopération transfrontière peut être difficile à mettre en place. Mais lorsque des scientifiques de différents pays se rassemblent autour d’une cause commune, leur collaboration peut donner des résultats qui vont bien au-delà de la science et de l’environnement.
Le défi environnemental
En raison notamment de ses récifs coralliens et de sa biodiversité marine, le Golfe d’Aqaba voit affluer les touristes, qui viennent faire de la planche à voile dans ses eaux cristallines et plonger au milieu des coraux. C’est ainsi que les villes d’Eilat (Israël) et d’Aqaba (Jordanie) sont devenues des lieux de vacances très prisés, qui sont tributaires du tourisme.
Mais des facteurs environnementaux pourraient mettre en danger cette importante source de revenus. On dispose de données montrant que la qualité de l’eau s’est altérée ces dernières années, en raison de l’activité humaine et de la pollution industrielle dans les zones côtières tout autour du Golfe. Il se peut en outre que le changement climatique mondial joue également un rôle.
Compte tenu de la sensibilité du corail aux facteurs environnementaux, l’accumulation de poussières dans le Golfe due au processus de désertification dans les pays voisins, l’élévation de la température des océans causée par l’augmentation des rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et l’augmentation du rayonnement UV due à l’appauvrissement de la couche d’ozone sont autant d’éléments qui peuvent jouer un rôle dans la dégradation des récifs coralliens.
Mise en place d’un système d’alerte rapide
L’idée du projet est née lors d’une conférence, où M. Tariq Al-Najjar, maître de conférences en écologie et biologie marines à la Station de science marine de l’Université de Jordanie, a rencontré Mme Dilek Ediger, chercheuse à l’Institut de l’environnement du Centre de recherche TÜBİTAK Marmara, en Turquie. Mme Ediger, l’une des codirectrices du projet, a expliqué à son homologue jordanien les possibilités de parrainage du projet dans le cadre du programme SPS. M. Al-Najjar a alors fait connaître ce programme à son homologue israélien, M. David Iluz, chargé de cours à l’université Bar-Ilan. Tous trois ont ensuite élaboré une proposition de projet visant à protéger le golfe d’Aqaba et se sont vu décerner une subvention SPS en septembre 2007.
L’un des objectifs du projet, déclare M. Al-Najjar, est de « mettre en place une coopération entre Israël, la Jordanie et la Turquie dans le domaine des sciences marines ». Pour ce faire, sept étudiants de troisième cycle, dirigés par des professeurs des trois pays cités, travaillent actuellement sur un projet de détection des dommages subis par les eaux du Golfe d’Aqaba.
L’équipe de projet part en mer chaque mois pour recueillir des échantillons de phytoplancton au large des côtes de la Jordanie et d’Israël. Le phytoplancton étant sensible à la fois à la pollution et à l’eutrophisation (apport en excès de substances nutritives dans un milieu aquatique pouvant entraîner la prolifération de certains végétaux), ces échantillons aideront les scientifiques à élaborer un modèle de surveillance des conditions dans le Golfe.
Ce modèle permettra d’alerter rapidement les gouvernements et organisations non gouvernementales de ces pays en cas de dégradation des conditions des eaux d’Aqaba et d’Eilat. Grâce au modèle de prévision des conditions dans le Golfe, des mesures correctives pourront être prises pour protéger ses eaux.
Au-delà de la science et de l’environnement
Au-delà de l’impact scientifique et environnemental du projet, la protection du Golfe servira, par extension, à protéger l’industrie du tourisme, qui est si vitale pour l’économie locale.
Le projet a également une dimension éducative. Dans un souci de sensibilisation à la vie marine tout à fait unique du golfe d’Aqaba et à la protection de ses ressources à l’avenir, les codirecteurs du projet produiront également des vidéos, des CD, des brochures et des supports pédagogiques, en hébreu et en arabe, qui seront distribués aux habitants d’Aqaba et d’Eilat, soit plus de 150 000 personnes.
M. Iluz, le codirecteur israélien du projet, voit également d’autres avantages. Il souligne que les étudiants participant au projet apprendront certes de nouvelles méthodes scientifiques, mais que l’envoi d’étudiants en Turquie et en Jordanie constitue aussi « un bon moyen de les familiariser avec d’autres cultures ». À terme, ces interactions devraient avoir aussi des retombées non scientifiques : « Je pense que le fait de travailler ensemble contribue à la paix dans cette région. »
Selon M. Christiaan De Wispelaere, conseiller SPS chargé de superviser le projet au siège de l’OTAN, « La science est à même de contribuer à la paix, et c’est là une des raisons d’être du programme OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité (SPS). Ce programme a pour objet de contribuer à la sécurité, à la stabilité et à la solidarité entre les pays en appliquant la science à la résolution des problèmes. »
Le programme SPS permet aux scientifiques des pays de l’OTAN et des pays partenaires, y compris ceux du Dialogue méditerranéen de l’OTAN, comme Israël et la Jordanie, de collaborer, de travailler en réseau et de renforcer leurs capacités.