Synthèse du débat de fond sur la défense contre les agents nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) et la dimension de genre

  • 12 Jul. 2023 -
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  • Mis à jour le: 06 Sep. 2023 17:27

Le 12 juillet 2023, le Bureau de la conseillère pour les questions de genre de l’État-major militaire international de l’OTAN a tenu son douzième débat de fond, consacré cette fois à la prise en compte de la dimension de genre dans la défense contre les agents nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC). Cette session a permis de voir en quoi les menaces NRBC touchent différemment les hommes, les femmes, les garçons et les filles, et de mettre en lumière la façon dont l’OTAN intègre la dimension de genre dans la protection des forces et la protection des populations civiles afin d’améliorer la préparation militaire et de soutenir la résilience des pays face aux menaces NRBC.

Deep Dive Recap: Chemical, Biological, Radiological and Nuclear (CBRN) Defence and the Gender Perspective

Plusieurs experts étaient présents – la major Adelheid Obwaller (Ph. D.), conseillère pour les questions de genre auprès de la mission de l’OTAN au Kosovo (KFOR) et spécialiste des maladies infectieuses, M. Paul Rushton, administrateur Défense NRBC au Centre pour la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction massive (ACDC), et le major Stijn Van Den Bosch, conseiller adjoint pour les questions de genre auprès du Commandement allié Opérations (ACO) de l’OTAN.

La major Obwaller a ouvert le débat en expliquant, dans un cadre socioculturel plus large, la notion de genre, indissociable d’une sécurité efficace. Elle a insisté sur la nécessité de prendre en compte les besoins différents de l’ensemble de la population pour pouvoir créer un environnement stable pour tous. Au sujet des menaces NRBC, elle a mentionné les risques sécuritaires liés aux agents bioterroristes et aux maladies. Prenant le virus Ebola comme cas d’espèce, vu son fort potentiel d’instrumentalisation, la major Obwaller a expliqué comment la dimension de genre peut aider à comprendre la nature d’une maladie, sa prévalence, sa répartition, ses déterminants et ses conséquences. Elle a expliqué que les femmes présentent un risque accru de contracter l’Ebola en raison de leur rôle dans la société, par exemple en tant que personnel de santé de première ligne, et de leur participation aux pratiques funéraires coutumières qui les mettent en contact étroit avec les corps contaminés, ou encore à cause d’éventuelles contraintes financières et de la stigmatisation auxquelles elles font face pour accéder aux soins de santé. Par ailleurs, la perception du risque et la communication relatives aux maladies infectieuses varient en fonction de la culture, des valeurs, des attitudes et de l’organisation sociale. Par exemple, avec l’Ebola, la peur et la méfiance à l’égard des services sanitaires ainsi que la crainte de la stigmatisation et de l’exclusion sociale poussent certains à refuser de se faire soigner.

La major Obwaller a comparé la diffusion de mésinformation à propos d’Ebola à des discours semblables constatés lors de la pandémie de COVID-19 pour montrer comment des acteurs peuvent aussi utiliser des campagnes ciblées de désinformation pour ébranler la confiance sociale envers les institutions et fragiliser les politiques et les réponses apportées. Elle a souligné que même si elles présentent de grandes similarités, les différentes épidémies sont toutes très complexes et doivent être envisagées isolément, y compris en ce qui concerne la dimension de genre. En fonction de leur genre et de leur niveau d’éducation, des personnes peuvent avoir des perceptions du risque différentes, ce qui peut nuire à la capacité à répondre rapidement à des flambées épidémiques. Bien que l’OTAN n’agisse pas en tant que primo-intervenant dans ce cas, il est essentiel qu’elle fasse preuve d’anticipation et soit prête à fournir une réponse afin de maintenir la stabilité, d’appuyer la sécurité coopérative et d’assurer une gestion de crise.

Prenant la parole après la major Obwaller, M. Rushton a présenté un aperçu de l’environnement de sécurité NRBC actuel et de ce qu’il représente pour l’OTAN. Il a identifié deux menaces NRBC dominantes : les menaces étatiques et le terrorisme facilité par les agents NRBC. Il a ensuite mis l’accent sur l’utilisation de nouvelles techniques hostiles, notamment les attaques cyber et les attaques hybrides, et a fait siens les propos de la major Obwaller, indiquant que l’utilisation de la mésinformation était une constante dans les menaces NRBC. Concernant la politique de défense NRBC de l’OTAN, il a expliqué comment la dimension de genre pouvait être mieux intégrée pour que l’OTAN soit plus sûre et résiliente, compte tenu de l’environnement de sécurité NRBC actuel et futur.


Figure 1 : Politique de défense NRBC de l’OTAN – Deux principes et engagements fondamentaux reposant sur six facilitateurs stratégiques

M. Rushton a souligné que le genre était « une question émergente importante sur le plan stratégique, à l’instar du changement climatique et des technologies émergentes et technologies de rupture (TE/TR) », et qu’il fallait en tenir compte pour renforcer les capacités de l’OTAN. Il a expliqué que l’intégration de la dimension de genre est essentielle pour la défense NRBC, particulièrement du point de vue capacitaire, et il a identifié des domaines spécifiques où la dimension de genre pourrait aider à cerner et à corriger de possibles insuffisances capacitaires, par exemple relativement à l’équipement de protection individuel (EPI), aux contre-mesures médicales, à la protection des forces, à l’entraînement et au développement des capacités. « Il est nécessaire et essentiel d’incorporer la dimension de genre dans les développements technologiques aux fins militaires. Comme nous ignorons encore certaines choses, nous devons mieux comprendre toute lacune éventuelle », a-t-il ajouté. Il a également souligné que chaque aspect des capacités de défense NRBC doit garantir que toute personne voulant contribuer à la défense NRBC de l’OTAN dispose de l’équipement approprié et a des moyens nécessaires à cet effet. M. Rushton a conclu son intervention par quelques réflexions sur la façon dont l’OTAN peut mieux intégrer une approche efficace du genre dans ses travaux.

Pour terminer la discussion, le major Van Den Bosch a mis l’accent sur le besoin de prendre en compte la dimension de genre dans l’ensemble des trois composantes clés de la puissance de combat – conceptuelle, morale et physique – en expliquant que la dimension de genre a un effet multiplicateur de forces lorsqu’elle est associée à ces trois composantes. Il a précisé qu’il était nécessaire d’intégrer la dimension de genre dans davantage de documents conceptuels de l’OTAN afin de contribuer à son intégration pratique, de tenir compte des aspects physiques déterminants du genre dans les combats pour préparer adéquatement les forces, et, enfin, d’incorporer la dimension de genre au moral des troupes pour qu’elles continuent à avoir confiance en leur préparation et leur équipement. Il a souligné les défis rencontrés liés à la bonne intégration de la dimension de genre, notamment le manque d’investissement dans des équipements adaptés aux femmes en raison de leur petit nombre, tout en spécifiant qu’il était essentiel de tenir compte des besoins en termes de conception avant les crises, citant en exemple les difficultés éprouvées actuellement pour équiper les femmes soldats en Ukraine. Le major Van Den Bosch a par ailleurs mentionné qu’il fallait faire preuve d’anticipation et s’interroger sur les conséquences à long terme liées au genre en ce qui concerne les menaces NRBC, en ayant notamment recours à la phase de reconstruction post-conflit dans les zones où des armes contenant de l’uranium appauvri ont été employées, comme lors du conflit en Ukraine. Il a expliqué que l’uranium appauvri pourrait continuer de contaminer l’air, les sols, l’eau et la végétation et d’en affecter la qualité, ajoutant que la dimension de genre dans ces environnements devait être prise en compte pour comprendre quelles personnes pourraient être impliquées dans l’utilisation de la terre (à des fins agricoles ou autres), et donc exposées à des risques.

Il faut tenir compte de la dimension de genre et des aspects NRBC au-delà de la question initiale de l’équipement. Le risque pour les femmes est plus important lorsque leur équipement de protection n’est pas adapté, mais les liens entre les aspects NRBC et le genre sont bien plus complexes. Des acteurs hostiles peuvent exploiter une pandémie en diffusant de la désinformation pour grever la résilience sociétale et nuire aux réponses apportées, ce qui se répercute directement sur toutes les personnes et tous les genres. Si les recherches sur la relation entre les aspects NRBC et les vulnérabilités spécifiques au genre ne sont pas analysées davantage, l’OTAN pourrait manquer des occasions de renforcer la sécurité et la résilience de l’Alliance.