Le processus de consultation et l'article 4
Toutes les décisions de l’OTAN sont prises par consensus, après des échanges de vues et des consultations entre les pays de l'Alliance. Le processus de consultation entre pays membres est donc essentiel pour l’OTAN, car il permet aux Alliés d’échanger des avis et des informations et d'avoir des discussions avant de parvenir à un accord et de prendre des mesures.
- La consultation est un aspect essentiel du processus décisionnel de l’OTAN puisque toutes les décisions sont prises par consensus.
- Elle s’applique à toutes les questions présentant un intérêt pour l’Alliance, notamment aux tâches courantes de l’OTAN, à ses objectifs élémentaires et à son rôle fondamental.
- La consultation renforce la dimension politique de l’OTAN car elle offre à ses membres la possibilité d’exprimer leurs opinions et leurs positions officielles. Le processus de consultation confère à l’OTAN un rôle actif de diplomatie préventive, puisqu’il permet de contribuer à éviter un conflit militaire.
- L’article 4 du traité fondateur de l’OTAN prévoit que ses pays membres peuvent porter à l’attention du Conseil de l’Atlantique Nord toute question concernant en particulier la sécurité d’un Allié.
- Depuis la création de l’Alliance, en 1949, l’article 4 a été invoqué à sept reprises.
- Different forms of consultation
- Setting up a consultation system
- The fora for political consultation
Différentes formes de consultation
La consultation revêt de multiples formes. Dans sa forme la plus commune, il s’agit d’un simple échange de vues et d’informations. À un autre niveau, elle consiste à communiquer des mesures ou des décisions que les gouvernements ont déjà prises ou s’apprêtent éventuellement à prendre. Enfin, elle peut comporter des débats dont le but est de parvenir à un consensus sur les politiques à adopter ou sur les mesures à prendre.
En un mot, le processus de consultation est continu et s’effectue de façon à la fois formelle et informelle. Les consultations peuvent avoir lieu sur court préavis, tous les pays membres ayant une délégation permanente au siège de l’OTAN, à Bruxelles. Les représentants des pays peuvent donc, en cas de besoin, se réunir à bref délai, souvent en connaissant déjà les différents points de vue ou sujets de préoccupation des uns et des autres, afin d’adopter des orientations communes ou de prendre des mesures sur la base du consensus. Le réseau de comités de l’OTAN facilite la consultation en permettant aux responsables gouvernementaux, aux experts et aux administrateurs de se réunir quotidiennement pour débattre d’un grand nombre de questions.
Le principe de la prise de décision par consensus est appliqué à l’échelle de l’OTAN, ce qui signifie que toutes les « décisions de l’OTAN » sont l’expression de la volonté collective de tous les États souverains qui sont membres de cette organisation intergouvernementale. Si la prise de décision par consensus peut aider un pays membre à préserver sa souveraineté nationale dans les domaines de la défense et de la sécurité, l’article 4 peut aussi permettre d'inviter les pays à concéder ce droit à l’ensemble du groupe, ou tout simplement donner lieu à une demande de soutien adressée à l’OTAN.
L’invocation de l’article 4
L’article 4 du traité fondateur de l’OTAN prévoit que les pays membres peuvent porter une question à l’attention du Conseil de l’Atlantique Nord (souvent appelé simplement le « Conseil » – la plus haute instance de prise de décisions politiques de l’OTAN) et la faire examiner par les Alliés. Cet article stipule ce qui suit :
« Les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée. »
Tout pays membre peut invoquer officiellement l’article 4 du Traité de l’Atlantique Nord. Dès l’invocation de cet article, la question est examinée, ce qui peut éventuellement conduire à une décision conjointe ou à une action conjointe à mener au nom de l’Alliance. Quel que soit le scénario, les autres membres du Conseil sont encouragés à réagir à une situation qu’un pays membre porterait à leur attention.
Depuis la création de l’Alliance, en 1949, l’article 4 a été invoqué à sept reprises :
- le 10 février 2003, la Türkiye a officiellement invoqué l’article 4, demandant que le Conseil tienne des consultations sur l’assistance défensive que l’OTAN pourrait lui apporter en cas de menace contre sa population ou son territoire du fait du conflit armé qui se déroulait alors sur le territoire de l’Iraq voisin. L’OTAN a adopté un paquet de mesures défensives et mené l’opération Display Deterrence de fin février à début mai 2003 ;
- le 22 juin 2012, la Türkiye a demandé que le Conseil se réunisse en vertu de l’article 4, après qu’un de ses avions de chasse a été abattu par les forces de défense aérienne syriennes ;
- le 3 octobre 2012, la Türkiye a demandé, au titre de l’article 4, que le Conseil tienne des consultations après que cinq civils turcs ont été tués par des obus syriens. Suite à ces incidents, la Türkiye a demandé, le 21 novembre 2012, le déploiement de missiles Patriot. L’OTAN a approuvé cette mesure défensive afin d’aider la Türkiye à défendre sa population et son territoire, et de contribuer à la désescalade de la crise le long de la frontière ;
- le 3 mars 2014, la Pologne a invoqué l’article 4 en raison de la montée des tensions en Ukraine, pays voisin, due aux actions agressives de la Russie ;
- le 26 juillet 2015, la Türkiye a demandé que le Conseil se réunisse compte tenu de la gravité de la situation après les attentats terroristes subis et pour informer les Alliés des mesures qu’elle prenait ;
- le 28 février 2020, la Türkiye a demandé que le Conseil tienne des consultations à la suite des frappes aériennes menées par le régime syrien et son allié russe dans la province d’Idlib, qui ont entraîné la mort de soldats turcs ;
- le 24 février 2022, la Bulgarie, la Tchéquie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie ont demandé la tenue de consultations au titre de l’article 4 après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie.
La dimension politique de l’OTAN
Faire en sorte que les membres d’une organisation intergouvernementale qui ont conservé leurs prérogatives d’émettre un jugement libre et indépendant sur les affaires internationales soient encouragés à se consulter plus systématiquement relève du défi – aujourd’hui aussi bien que dans les années 1950.
Au début des années 1950, le Conseil a pris conscience du manque de consultations au sein de l’OTAN sur des questions internationales, et il a recommandé que des mesures soient prises pour améliorer le processus. En avril 1954, une résolution sur les consultations politiques a été adoptée :
« …que tous les gouvernements membres ne perdent jamais de vue qu’il est souhaitable de porter à l’attention du Conseil des informations sur les développements de politique internationale chaque fois qu’ils intéressent d’autres membres du Conseil ou l’Organisation dans son ensemble ; et (…) que le Conseil permanent examine de temps à autre quel sujet précis pourrait donner lieu à une consultation politique au cours de l’une de ses réunions ultérieures, lorsque ses membres seront en mesure d’exposer les vues de leurs gouvernements sur ce sujet » (C-M(54)38)
Cette résolution, qui a été soumise par le Canada et immédiatement approuvée, a néanmoins provoqué une réaction du représentant des États-Unis :
« M. Dulles (États-Unis) appuie la résolution du Canada, étant entendu que les consultations resteront dans les limites du bon sens. Les pays comme le sien qui ont des intérêts dans toutes les parties du monde pourraient éprouver des difficultés à consulter d’autres gouvernements OTAN dans tous les cas. En cas d’urgence, il importe davantage de prendre des mesures que de discuter sur l’urgence de la situation. En d’autres termes, les consultations doivent être considérées comme un moyen pour parvenir à une fin plutôt qu’une fin en soi » (C-R(54)18)
Les réserves émises par les États-Unis, que partageaient sans nul doute d’autres pays membres, seraient encore d’actualité aujourd’hui. Sur la base de cette résolution, le secrétaire général de l’OTAN, Lord Ismay, a fait, le 8 mars 1956, une déclaration qui a élargi le débat en expliquant les conséquences d’une systématisation de la consultation politique au sein de l’Alliance.
« Afin de rendre directement le public conscient de l’importance des consultations politiques régulières au sein de l’OTAN, on peut dire simplement : “L’OTAN est une alliance à la fois politique et militaire”. Il vaudrait mieux toujours s’en tenir à cette formule – d’ailleurs plus conforme à la réalité – que parler de l’OTAN comme d’une alliance strictement militaire, comme on a tendance à le faire aujourd’hui. En parlant de l’OTAN comme d’un organisme politique, on ne nie nullement que l’alliance soit aussi militaire, et l’on ne minimise aucunement l’importance de ce fait. » (C-M(56)25-1956)
La même année, les « Trois Sages » ont produit leur rapport, qui visait entre autres à améliorer la consultation au sein de l’Alliance sur des questions d’intérêt commun (Rapport du Comité des Trois sur la coopération non militaire au sein de l’OTAN). Toutefois, ironie de l'histoire, ce rapport a été publié au moment-même où éclatait la crise de Suez. Cette crise a fortement divisé les principaux membres fondateurs de l’Organisation (France, Royaume-Uni et États-Unis). La crise de Suez a joué un rôle de catalyseur pour l'OTAN, l'amenant à mettre en pratique ce qu'elle savait être d'une importance vitale pour l'unité et la solidarité de l'Alliance : la consultation politique.
« Animus in consulendo liber »
Quand l’OTAN s’est installée dans son siège de la Porte Dauphine, à Paris, en décembre 1959, le secrétaire général de l’époque, M. Paul-Henri Spaak, a fait appel au Doyen du Conseil (le plus ancien ambassadeur national auprès de l'OTAN) pour l’aider à trouver une maxime latine appropriée qui traduirait l’esprit de consultation entre les Alliés, auquel il attachait tant d’importance. Le Doyen, l’ambassadeur de Belgique André de Staercke, s’est alors rappelé une visite qu’il avait effectuée dans la ville de San Gimignano, en Toscane. Là, dans le Palazzo del Podestà, gravée dans le dossier du siège réservé à l’homme qui présidait aux destinées de la cité, se trouvait la devise Animus in consulendo liber.
Il semble qu’aucune traduction pleinement satisfaisante de cette phrase n’ait été trouvée, même si une proposition française – « l’esprit libre dans la consultation » – est assez proche de l’original. Les traductions en anglais vont du laconique « in discussion a free mind » (dans la discussion, un esprit libre) à la formule plus complexe « Man's mind ranges unrestrained in counsel » (l’esprit de l’homme évolue librement dans la consultation).
Cette devise a orné le hall des conférences à la Porte Dauphine pendant plusieurs années et, en 1967, elle a trouvé sa place au siège de l’OTAN, à Bruxelles, où elle était inscrite au mur de la salle du Conseil, comme c’est également le cas aujourd’hui au siège actuel, construit en face de l’ancien siège bruxellois de l’Organisation.
Mise en place d'un système de consultation
Comme indiqué plus haut, il a été convenu, lorsque l'Alliance a été créée en 1949, que la consultation et le consensus constitueraient la base de toutes ses décisions.
L'OTAN n'a toutefois mis en place son système de consultation que de façon progressive. D'une manière générale, il convient de distinguer les trois phases suivantes :
- 1949‑1952 : la consultation est érigée en principe fondamental de fonctionnement dès la signature du traité fondateur de l'OTAN. Ce principe a été renforcé à la Conférence de Lisbonne (1952), au cours de laquelle les contours de l'OTAN d'aujourd'hui ont été esquissés, le Conseil de l'Atlantique Nord devenant un organe permanent et le poste de secrétaire général étant créé, de même qu'un Secrétariat international chargé d'appuyer en permanence les décisions prises par le Conseil ;
- 1952‑1956 : de 1952 à 1956, année de la publication du Rapport du Comité des Trois sur la coopération non militaire, il y a eu des tentatives visant à encourager la consultation politique au‑delà des limites géographiques définies dans le traité fondateur, c'est‑à‑dire au‑delà de la zone de l'OTAN ;
- à partir de 1956 : les principes énoncés dans le Rapport du Comité des Trois ont été affinés et appliqués. Le Comité recommandait des mesures dans le domaine de la coopération politique s'agissant des politiques étrangères, du règlement pacifique des différends entre pays membres, de la coopération économique, de la coopération scientifique et technique, de la coopération culturelle et de la coopération dans le domaine de l'information.
Le Comité des Trois a laissé un héritage durable, encourageant les membres de l’OTAN à résoudre leurs différends au sein de l’Organisation, par des consultations productives sur des questions d’intérêt commun, y compris des questions sortant des limites géographiques définies de l’OTAN. La crise de Suez a illustré clairement la nécessité d’une consultation politique et d’une coopération non militaire étroites.
Forums de consultation politique
Le principal forum de consultation politique est le Conseil de l'Atlantique Nord. Le Conseil est la plus haute instance de prise de décisions politiques de l'OTAN. Le secrétaire général, en sa qualité de président du Conseil, joue un rôle essentiel dans ce processus. En outre, des consultations ont lieu régulièrement dans d'autres instances, y compris des comités et des groupes de travail de l'OTAN. Ces organes tiennent tous leur autorité du Conseil.