Mise en commun d'avions de patrouille maritime (PATMAR)
Depuis 2008, le PATMAR allemand P-3C participe à l'opération Atalanta de la force navale européenne (EUNAVFOR). Mais il n'est pas le seul à être présent dans le Golfe d’Aden. Dans le cadre de son opération « Ocean Shield », l'OTAN lutte également contre la piraterie afin de sécuriser les voies de communication maritimes. Tous ces moyens s'échangent des informations pour préserver leur souplesse tactique en ces temps de disette budgétaire et de réduction des flottes.
En période de crise financière, les pays membres ne peuvent pas tous se permettre de disposer de leur propre flotte d'avions de patrouille maritime. Et même s'ils ont fait la preuve de leur efficacité opérationnelle, les PATMAR restent peu nombreux, principalement en raison de leur prix exorbitant. « La constitution d'une flotte commune d'avions de patrouille maritime permettrait d'affecter plus efficacement ces appareils aux missions et aux opérations de l'Alliance, ainsi que de l'Union européenne. La maintenance pourrait également être mutualisée, et les coûts partagés, » explique Ludwig Decamps, directeur de la Direction Armement et capacités aérospatiales (Division Investissement de défense) de l'OTAN.
Un PATMAR allemand à l'appui d'une frégate de l'OTAN
Pour l'équipage allemand stationné à la base aérienne française de Djibouti, les missions débutent habituellement à 3 heures du matin. Bien avant qu'il n'arrive, l'équipe technique a préparé son P‑3C pour le vol opérationnel de la journée. En parcourant sa checklist, l'équipage s'assure que rien ne viendra perturber la sécurité et l'efficacité de la mission. Le centre de soutien de la mission a déjà préparé toutes les informations utiles pour le commandant d'aéronef, le coordinateur tactique et le navigateur, ainsi que pour les différents capteurs à bord du P‑3C.
La mission de veille surface prévue aujourd'hui le long du couloir de transit international recommandé (IRTC) se double d'une mission de renseignement, surveillance et reconnaissance (ISR) qui sera conduite le long de la côte Nord de la Somalie afin de prendre des photographies de points précis sur le littoral et de rendre compte des activités suspectes menées à terre. Ce type d'informations est décisif, car il permet aux commandants d'analyser la situation et de choisir en toute connaissance de cause la plate‑forme à envoyer sur un site donné.
Durant le briefing préalable, l'équipage est informé des dernières positions des forces de la coalition, de manière à se faire une idée précise de la situation tactique à la mer. « La connaissance situationnelle exige toujours que l'on sache où se trouvent nos amis et quel type de mission ils exécutent », déclare le coordinateur tactique. Après le briefing, l'équipage vérifie la navigabilité du P‑3C en téléchargeant tous les détails essentiels dans l'ordinateur de la mission, en parcourant sa checklist et en procédant aux contrôles radio et à différents tests afin de s'assurer que chacun des sous‑systèmes de bord du P‑3C est pleinement opérationnel.
Le PATMAR est alors prêt à décoller pour exécuter sa mission de 9 heures le long des côtes somaliennes. Dans la touffeur matinale de l'Afrique de l'Est, l'avion décolle par 40°C. Autour de Djibouti, l'espace aérien est alors parcouru par de nombreux vols civils et militaires. Pour maintenir de bonnes communications et éviter toute collision, notre équipage professionnel va devoir respecter les procédures à la lettre.
Au cours de ce vol de routine effectué le long de l'IRTC afin d'identifier les navires marchands et de photographier des boutres typiques de la région à l'aide de capteurs électro‑optiques et d'imageurs infrarouges, l'équipage signale les contacts qui présentent un intérêt au navire de guerre de la coalition le plus proche, par téléphonie ou liaison de données. Cette activité est déterminante pour la réussite de la mission maritime. Le P‑3C se prépare maintenant à aborder le volet ISR de sa mission, qui consiste à prendre des clichés des villages et points suspects le long des côtes somaliennes inhospitalières.
Les échanges d'informations au service de la connaissance situationnelle et de l'action
Le PATMAR allemand survole une frégate de l'OTAN croisant à proximité de sa zone d'intérêt et lui envoie cette information. Il a atteint l'une de ses positions cibles et se met à décrire une orbite à une altitude où il ne peut être détecté afin d'observer les activités à terre. Le photographe repère soudain un véhicule qui roule en direction du rivage afin de munir un skiff de deux moteurs hors‑bord et autres équipements suspects. Cette information est immédiatement transmise au navire néerlandais de l'OTAN, déployé dans le cadre de son opération Ocean Shield, pour qu'il ait connaissance de la situation et puisse prendre les mesures qui s'imposent.
Après avoir chargé et déchargé du matériel pendant une heure, les neufs membres d'équipage du skiff prennent rapidement la mer. Le coordinateur technique décide de se concentrer sur cette activité spécifique et établit une communication tactique avec le bâtiment néerlandais. Le contact est jugé suspect et doit faire l'objet d'une vérification par le navire de l'OTAN. Celui‑ci file à vive allure sur la mer agitée afin de surprendre le skiff bien avant qu'il n'atteigne sa « zone de chasse ». Dès que le skiff a repéré le navire de guerre de l'OTAN, l'équipage somalien jette ses armes légères par‑dessus bord, bien conscient qu'il serait mal avisé d'affronter des marins néerlandais.
Au cours de cette mission de surveillance de haut niveau, le P‑3C allemand rend régulièrement compte de la situation à bord du skiff et se prépare à aller enjoindre les autres navires marchands d'éviter ces parages potentiellement dangereux.
Grâce à une action concertée et efficace de l'UE et de l'OTAN, un skiff suspect a été désarmé et un acte de piraterie potentiel évité.
À l'issue d'une mission de 9 heures, le P‑3C allemand atterrit sain et sauf à Djibouti. Pendant le debriefing, l'équipage s'offre une pause bien méritée et les mécaniciens vont s'occuper de l'appareil. L'équipe de soutien prépare déjà la prochaine mission sur mesure qu'effectuera le P‑3C au départ de Djibouti.
La constitution d'un pool d'avions de patrouille maritime pourrait s'avérer essentielle pour les futures opérations de l'OTAN et de l'UE et constituer une source d'économies, en particulier dans une période difficile où les ressources sont rares.