Le prix Nobel de chimie attribué à un chercheur ayant bénéficié de subventions de l'OTAN

  • 10 Dec. 2015 -
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  • Mis à jour le: 11 Jan. 2016 10:57

Ce chercheur, c'est Aziz Sancar : né dans une province reculée de Turquie, il fera dans sa jeunesse des choix de vie qui le conduiront bien plus tard à découvrir des traitements contre des maladies graves comme le cancer de la peau et à se retrouver ainsi à Stockholm pour se voir remettre le prix Nobel.

Le prix Nobel de chimie 2015 récompense ainsi Aziz Sancar et deux de ses confrères, Tomas Lindahl et Paul Modrich, pour leurs découvertes scientifiques dans le cadre de l'étude du mécanisme de réparation de l'ADN. Le mérite de M. Sancar a été de cartographier le mécanisme par lequel les cellules réparent les dommages causés à l'ADN par les rayonnements ultraviolets. Ses travaux permettent ainsi de mieux comprendre comment le corps humain répare les mutations de l'ADN, qui peuvent provoquer maladies graves et vieillissement.

« Les travaux de recherche fondamentale réalisés par les lauréats du Nobel de chimie 2015 non seulement nous permettent de mieux comprendre le fonctionnement du corps humain, mais pourraient aussi conduire à la mise au point de traitements pour des maladies mortelles », a déclaré le Comité Nobel, avant d'ajouter : « Leurs travaux méthodiques apportent une contribution décisive à la compréhension du fonctionnement des cellules vivantes et nous en apprennent davantage sur les causes moléculaires de plusieurs maladies héréditaires et sur les mécanismes à l'origine des phénomènes de cancer et du vieillissement»

L'OTAN a contribué à cette découverte scientifique en ce sens qu'elle a octroyé plusieurs subventions à Aziz Sancar, à savoir une bourse de recherche scientifique (1971-1973) et deux subventions à la recherche en coopération (l'une en 1986 et l'autre en 1990).

Biographie de M. Sancar

Né en 1946 dans la province de Mardin, dans le sud-est de la Turquie, septième d'une famille de huit enfants, Aziz Sancar grandit dans un milieu modeste. Ses parents sont illettrés mais accordent beaucoup d'importance à l'éducation de leurs enfants.

Adolescent, Aziz Sancar se destine à une carrière de footballeur – il sera même invité par l'équipe nationale de football des moins de 18 ans à en devenir le gardien de but –, mais il choisit finalement d'abandonner ce projet pour se consacrer à ses études. En 1969, il sort diplômé de la faculté de médecine de l'université d'Istanbul avec la plus grande distinction (sur une promotion de plus de 600 étudiants). Il exerce ensuite en tant que médecin dans sa province natale.

En janvier 1971, Aziz Sancar obtient du Conseil de la recherche scientifique et technologique de Turquie (Tübitak) une bourse de doctorant, financée par le programme de bourses de recherche scientifique de l'OTAN, dont il bénéficie durant deux ans et demi. En 1973, il s'installe aux États-Unis, où il étudie la biologie moléculaire. En 1977, il obtient un doctorat de l'université du Texas avec une thèse sur l'enzyme de photoréactivation de la bactérie E. Coli. Ne trouvant pas de poste de chercheur, il accepte un poste de technicien de laboratoire à la faculté de médecine de l'université de Yale, l'un des principaux centres de recherche qui étudient la réparation de l'ADN.

En 1982, M. Sancar décroche un poste de professeur agrégé de biochimie à la faculté de médecine de l'université de Caroline du Nord (Chapel Hill), où il peut poursuivre l'étude de la photolyase. Depuis, il y effectue des travaux de recherche sur la réparation de l'ADN et la régulation de l'horloge circadienne, en sa qualité de professeur de biochimie et de biophysique titulaire de la distinction Sarah Graham Kenan.

Un coup de pouce de l'OTAN

En février 1986, Aziz Sancar et Paul Heelis (du North East Wales Institute, au Royaume-Uni) obtiennent de l'OTAN une subvention à la recherche en coopération à l'appui d'un projet de recherche pluriannuel consacré à l'étude des propriétés photochimiques du mécanisme de la photolyase de l'ADN. Cette subvention permet notamment à M. Sancar de se rendre plusieurs fois au Royaume-Uni pour mener des expériences avec M. Heelis. 

Dans un rapport soumis à l'OTAN en novembre 1986, les deux chercheurs annoncent leur intention d'étudier les mécanismes de réparation des dimères d'ADN par l'enzyme sous sa forme la plus réduite, en utilisant la méthode de photolyse éclair.  Dans leur rapport définitif à l'OTAN, ils indiquent avoir fait considérablement progressé la compréhension du mécanisme de la réparation de l'ADN au cours de leur projet.

En 1990, M. Sancar et M. Heelis obtiennent de l'OTAN, à leur demande, une nouvelle subvention à la recherche en coopération pour l'étude de la réparation photoenzymatique de l'ADN endommagé par les rayonnements ultraviolets. Cette subvention leur permet de poursuivre leurs travaux sur ce sujet durant la première moitié des années 1990, travaux qui seront finalement récompensés en 2015 du prix Nobel.

Autres lauréats de prix Nobel ayant bénéficié de l'aide de l'OTAN

Au travers de son programme scientifique, appelé aujourd'hui le programme pour la science au service de la paix et de la sécurité (programme SPS), l'OTAN a aidé financièrement, en l'espace de quelques décennies, beaucoup de scientifiques qui ont acquis ensuite une renommée et se sont pour nombre d'entre eux vu décerner le prix Nobel.  Dans les années 1990, pas moins de neuf chercheurs ayant bénéficié d'une subvention de l'OTAN ont reçu le prix Nobel de physique ou de chimie.

Par ailleurs, le programme scientifique de l'OTAN peut compter depuis sa création sur le concours de chercheurs d'excellence. Ainsi, Norman Ramsey, premier président du Comité scientifique de l'OTAN (institué en 1958), a reçu le prix Nobel de physique en 1989.

Des lauréats du prix Nobel ont également participé à des ateliers financés par l'OTAN : en 1994, huit d'entre eux ont assisté à un atelier sur les découvertes en physique des particules, et plus récemment, en août-septembre 2015, le prix Nobel de physique 1985, Klaus von Klitzing, s'est adressé aux participants à un atelier de recherche avancée tenu à Odessa (Ukraine) et consacré aux applications des nanotechnologies dans le secteur de la sécurité.

Prix Nobel de physique

1989         Norman Ramsey (États-Unis)

                 Premier président du Comité scientifique en 1958 et 1959

1997         Claude Cohen-Tannoudji (France)

                 William D. Phillips (États-Unis)

                 Bénéficiaires d'une subvention de l'OTAN en 1986 et en 1994 respectivement


Prix Nobel de chimie

1991         P.G. De Gennes (France), directeur d'un stage d'étude de haut niveau de l'OTAN en 1988

1995         Paul Crutzen (Allemagne), directeur d'un atelier en 1994

1996         Harold Kroto (Royaume-Uni)

                 Robert Curl (États-Unis)

                 Richard Smalley (États-Unis)

                 Bénéficiaires de diverses subventions de l'OTAN entre 1963 et 1987

1997         Ahmed Zewail (États-Unis – Égypte), bénéficiaire de deux subventions/bourses de l'OTAN dans les années 1980

Les trois prix Nobel suivants ont été membres de la commission sur la science à l'échelle du nanomètre, qui a été en activité de 1991 à 1996 :

1973         L. Esaki

1985         K. von Klitzing

1986         H. Rohrer

           

Les huit prix Nobel suivants ont participé à l'atelier sur les découvertes en physique des particules qui s'est tenu en 1994 :

1957         T.D. Lee

                 C.N. Yang

1969         M. Gell-Mann

1976         S.C.C. Ting

1979         S.L. Glashow

                 S. Weinberg

1988         M. Schwartz

1990         J.I. Friedman