La science, « troisième dimension » de l’OTAN

  • 23 Jan. 2015 -
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  • Mis à jour le: 06 Feb. 2015 17:11

« Aujourd’hui, l’Alliance doit exercer son action dans un troisième domaine. Elle doit avoir non seulement une forte action militaire pour assurer la défense commune, non seulement une action politique plus profonde pour établir une stratégie de paix, mais aussi une action sociale […] dans ce troisième tiers du [XXe] siècle [... au travers des] humanités et [des] sciences. »

Ces paroles, prononcées en 1969 par Richard Nixon, alors président des États-Unis, devant le Conseil de l'Atlantique Nord, résument bien la raison d'être du programme scientifique de l'OTAN et sa valeur ajoutée pour l'Alliance dans son ensemble.

S'exprimant lors de l'exposition organisée par les Archives de l'OTAN en décembre 2014, intitulée « La science et l'Alliance – la troisième dimension de l'OTAN », le secrétaire général adjoint de l'Organisation pour les défis de sécurité émergents, M. l'ambassadeur Sorin Ducaru, a déclaré que « au sein de l'Alliance la science est un moyen intéressant de favoriser à la fois l'échange d'idées et la mise en commun de résultats dans la mesure où les problèmes traités ne connaissent pas de frontières nationales ou régionales.La science pourrait devenir la dimension la plus positive de l'Alliance en offrant des possibilités d'ouverture au reste du monde tout à fait originales. »

Plus de 50 ans de coopération scientifique

La création d'un programme scientifique de l'OTAN a été proposée en 1956 dans le Rapport des Trois Sages, chargés alors de recenser des possibilités de renforcer la coopération non militaire. La coopération scientifique a été instaurée dans l'idée, notamment, de créer des partenariats internationaux et de contribuer à la sécurité. Le Comité scientifique de l'OTAN a tenu sa première réunion en mars 1958. Composé d'experts des pays de l'Alliance, il était chargé de l'évaluation, de la supervision et du financement du programme.

Limité au départ aux seuls États membres, le programme scientifique de l'OTAN était à la pointe des sciences fondamentales. Il a ensuite été étendu aux scientifiques et chercheurs des pays partenaires de l'OTAN et aux travaux de recherche et développement menés dans pratiquement toutes les disciplines, de la médecine à la sécurité environnementale (prévention des inondations, élimination des déchets toxiques ou gestion des tremblements de terre).

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le programme porte avant tout sur des thèmes liés à la défense contre le terrorisme, notamment sur les causes premières du terrorisme, les conséquences sociales et psychologiques des attentats terroristes, la détection d'explosifs, ou encore la psychologie des auteurs d'attentats-suicide.

Le programme scientifique de l'OTAN permet, d'une part, l'échange de pratiques exemplaires et de connaissances sur un large éventail de sujets du domaine civil touchant à la sécurité et, d'autre part, le resserrement des liens entre scientifiques au travers de projets communs et d'activités de coopération pratique. Par ailleurs, il est sans équivalent en ce sens qu'il permet de contourner les barrières de la nationalité, de la langue et de la culture, ce que ne permettent pas les autres domaines de coopération liés à la sécurité, en particulier en période de crise. Il est à ce titre un atout indéniable pour une organisation intergouvernementale telle que l'OTAN.

Des résultats tangibles

Le programme scientifique de l'OTAN a parrainé jusqu'à aujourd'hui un grand nombre d'initiatives de coopération internationale, dont un projet de recherche britannico-américain dans le domaine des satellites, des travaux de recherche océanographique réalisés au Centre OTAN pour la recherche et l'expérimentation maritimes, situé à La Spezia (Italie), l'étude des rayons cosmiques à l'aide de ballons de haute altitude, menée sous la direction de l'université de Bristol, ainsi que des tests de résistance à l'hyperthermie réalisés sur des astronautes au Wright Air Development Center (Ohio, États-Unis) dans le cadre de la sélection des participants au programme Mercury.

Le programme scientifique a également parrainé une étude sur les systèmes de propulsion des véhicules, qui a mis en évidence des pistes à explorer pour s'affranchir davantage du moteur thermique. Ces pistes ont conduit notamment à la mise au point des moteurs électriques et hybrides que l'on voit de plus en plus sur nos routes aujourd'hui. En 1974, le secrétaire général de l'OTAN d'alors, M. Joseph Luns, a eu l'occasion d'essayer l'un des premiers véhicules de ce type au siège de l'Organisation.

Plus récemment, la « Route de la soie virtuelle », système régional de liaison par satellites, a permis de relier pour la première fois à l'internet des universités des trois pays du Caucase, des cinq pays d'Asie centrale et d'Afghanistan. Lancé en 2002, ce projet est toujours en cours.

Des lauréats de prix Nobel

Pas moins de 18 personnes ayant bénéficié d'une subvention à la recherche dans le cadre du programme scientifique de l'OTAN ont ensuite remporté un prix Nobel. C'est le cas, notamment, de Paul C. Lauterbur et Peter Mansfield, qui, en 2003, se sont vus décerner le prix Nobel de physiologie ou médecine pour leurs découvertes sur l'imagerie par résonance magnétique (IRM). Ils avaient bénéficié d'une subvention de l'OTAN en 1977, puis en 1979, pour leurs travaux sur le sujet. À l'époque, la technique était encore loin d'être au point, mais aujourd'hui, l'IRM est utilisée couramment pour les diagnostics médicaux, en remplacement de nombre de méthodes d'examen invasives.

Norman F. Ramsey, le premier secrétaire général adjoint de l'OTAN pour la science (conseiller scientifique), qui est à l'origine des programmes OTAN de stages d'études de haut niveau, de bourses et de subventions à la recherche, s'est vu décerner le prix Nobel de physique en 1989.

En 2002, le programme scientifique de l'OTAN a créé son propre prix – le prix OTAN du partenariat scientifique – pour récompenser la collaboration entre des scientifiques de pays partenaires et des scientifiques de pays membres de l'OTAN.

Une contribution à l'épreuve du temps

Pour Deniz Yüksel-Beten, conseillère sénior pour le programme pour la science au service de la paix et de la sécurité (SPS), « le programme scientifique a changé au fil des ans, mais ses objectifs demeurent intrinsèquement les mêmes : travailler avec les pays partenaires sur des questions concrètes du domaine civil touchant à la sécurité, ainsi que promouvoir et développer la coopération dans des domaines présentant un intérêt à la fois pour les pays de l'Alliance et pour les pays partenaires ».

Cette « troisième dimension » de l'OTAN a peut-être changé par certains aspects, mais elle reste fondamentalement tout aussi vivante et pertinente qu'elle ne l'était il y a plus de 50 ans. À l'ère de la mondialisation, l'OTAN est l'enceinte privilégiée où une stratégie multinationale et multiculturelle peut être appliquée au règlement de problèmes de sécurité communs. Son programme scientifique met à la disposition des scientifiques, des experts et des décideurs des pays de l'Alliance et des pays partenaires des réseaux bien établis mais souples, qui servent de cadre à une coopération transfrontière complémentaire des dimensions politique et militaire de l'Alliance.