Charles de Gaulle a été l'un des plus grands hommes politiques français du XXe siècle. Admiré par ses compatriotes pour avoir pris la tête de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale et avoir, en 1944, défendu les intérêts de la France au moment de former le Gouvernement provisoire de la République française, il fut aussi l'artisan de la Constitution qui est encore en vigueur aujourd'hui. Pour beaucoup, il incarne les principes républicains qui ont forgé la France de l'après Guerre et il demeure à ce jour une figure emblématique.
La fracture créée au sein de l'Organisation par le retrait de la France de la structure militaire intégrée de l'OTAN a été amplifiée par l'arrivée à expiration du délai de vingt ans mentionné dans l'Article 13 du Traité de Washington. Il y est stipulé qu'après vingt ans d'existence du Traité, toute partie pourra décider de ne plus être membre. La décision française a suscité un malaise au sein de l'Alliance et a fait l'objet d'un débat au Conseil de l'Atlantique Nord – le principal organe de décision politique de l'OTAN –, sans toutefois entraîner de conséquences. L'Article 13 et la décision du président Charles de Gaulle n'ont pas empêché l'OTAN d'aller de l'avant, et le statut de la France s'est peu à peu banalisé.
MAIS QUEL A ENSUITE ÉTÉ LE RÔLE DE LA FRANCE DANS L'OTAN ?
La France a continué de jouer un rôle clé au sein de l'Alliance tout au long de la Guerre froide. Les forces navales et aériennes françaises ont pris part à des exercices OTAN ainsi qu'à des projets d'acquisition conjoints, tels que le projet NADGE. La NADGE (infrastructure électronique de la défense aérienne de I'OTAN) est un système radar ultraperformant conçu pour détecter des aéronefs ennemis évoluant à grande vitesse, et les détruire si nécessaire. Elle est constituée d'une chaîne ininterrompue de stations allant de la Norvège à la Turquie et forme un rempart contre l'intrusion d'aéronefs ennemis dans l'espace aérien européen de l'OTAN. La France avait besoin de ce système d'alerte très performant à l'appui de ses capacités nucléaires. La supervision globale du système NADGE était assurée par le SHAPE, mais chaque pays participant était responsable de sa propre zone géographique et, sauf en cas d'urgence, les installations du NADGE de même que les armements et forces de défense aérienne restaient sous contrôle national (voir aussi, en anglais, l'article consacré à la défense aérienne à l'âge supersonique).
La France a également continué à accueillir des réunions de l'OTAN et à affecter du personnel aux structures civiles de l'Organisation. Précédemment, l'un de ses ressortissants avait été au centre d'une célèbre affaire qui, pour un temps, avait fait quelques remous au siège de l'Organisation : un certain Georges Pâques, employé au siège, était depuis presque 20 ans un espion à la solde de l'Union soviétique. Il occupait un poste stratégique en tant que chef adjoint du service Presse au Secrétariat international, et avait à ce titre accès à des réunions de haut niveau et à des documents sensibles. L'homme fut arrêté en 1963 par les services de renseignement français (voir aussi, en anglais, l'article consacré à l'affaire Georges Pâques).
La « Porte Mitterrand »
Avant la tenue du sommet de l'OTAN à Bruxelles, en 1988, les services de sécurité du président François Mitterrand ont contacté l'Organisation pour demander qu'une issue de secours soit aménagée dans l'une des salles de réunion où le président français devait donner une conférence de presse. Les services techniques de l'OTAN ont dû installer en toute hâte une nouvelle porte, car le président français n'aurait pas participé au sommet si la demande n'avait pas été acceptée. Cette porte, qui se trouve dans l'ancien bâtiment du siège de l'OTAN, était familièrement appelée « Porte Mitterrand » par le personnel de l'Organisation. (Photo : le président Mitterrand dans la salle de conférence).
UN STATUT FLEXIBLE
Lors des débats entre Alliés, la France a traditionnellement adopté une approche analytique très fine – et c'est encore le cas aujourd'hui. Même si elle va parfois à contrecourant, une telle approche est souvent l'assurance que tous les aspects d'une question ont été considérés avant qu'une décision soit prise – c'est là une conception profondément ancrée dans la culture française. De plus, l'esprit du gaullisme a continué d'imprégner la réflexion stratégique de la France tout au long de la Guerre froide. Cela n'a pas pour autant tenu la France à l'écart des affaires militaires de l'OTAN. Ainsi, en août 1967, la signature des accords Ailleret Lemnitzer donnait à l'armée française la possibilité de participer à une éventuelle opération militaire de l'OTAN contre l'Est, tout en restant sous commandement national. Plus tard, en juillet 1974, les accords Valentin Ferber ont contribué à rapprocher la France de l'OTAN. Ces accords prévoyaient divers scénarios dans lesquels l'armée française pouvait avancer vers l'Est, permettant ainsi de maintenir pleinement l'intégrité de la zone OTAN. Le président Mitterrand est celui qui, à la fin des années 1980 et pendant les années 1990, a amorcé le retour de la France dans la structure de commandement militaire intégrée de l'OTAN, une politique que poursuivra son successeur, le président Jacques Chirac. C'est ainsi qu'en 1991, la France a approuvé le concept stratégique de l'Alliance, ce qu'elle n'avait plus fait depuis son retrait de la structure militaire intégrée, en 1966.
Alors même que la France réintégrait en 2009 la structure de commandement militaire, sa position tout au long de la Guerre froide illustrait la flexibilité du statut de membre de l'OTAN : tout en conservant une totale autonomie nucléaire, la France est restée pleinement solidaire des autres Alliés et a continué à jouer un rôle politique et militaire de premier plan au sein de l'Alliance.