• share:

Origins

My country and NATO

La France et l’OTAN

Saviez vous que la France a accueilli pendant quinze ans le siège de l’OTAN ? Et que, après son retrait de la structure militaire de l’OTAN en 1966, elle est restée membre de l’Alliance ? Quelles sont donc les raisons ayant conduit le président de l’époque, le général de Gaulle, à prendre une telle décision ? Quels arrangements pratiques ont alors pu être trouvés dans ce contexte ? Et quel a été le rôle de la France au sein de l’Alliance pendant la période de la Guerre froide ?

Le souci exclusif de la France est de rendre impossible toute invasion de son propre territoire ou du territoire des nations éprises de paix.

Discours prononcé par Robert Schuman lors de la cérémonie de signature du Traité de l'Atlantique Nord (4 avril 1949)

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France était l’un des fervents partisans d’une structure de défense occidentale, et à ce titre l’un des membres fondateurs de l’Alliance. La principale préoccupation de la France était la protection de ses territoires et l’affectation immédiate de ressources militaires. Ces deux aspects ont été très tôt mis en œuvre. Étant une puissance influente, la France a obtenu qu’une clause mentionnant « les départements de l’Algérie française » figure dans le Traité de l’Atlantique Nord – cette clause est devenue caduque lorsque l’Algérie a accédé à l’indépendance, en 1962.

APPRENDRE À SE CONNAÎTRE...

En signant en 1949 le Traité de l’Atlantique Nord, les douze pays de l’Alliance ont souscrit un engagement de défense collective ; dès lors, apprendre à se connaître allait leur permettre de travailler ensemble plus efficacement. Alors que les personnels civils et militaires faisaient connaissance dans le cadre de leur travail dans les instances de l’Organisation, des films étaient réalisés pour inciter les citoyens à faire de même. Le court métrage intitulé Introducing France illustre cet effort de communication. Il dresse un portrait candide de la France des années cinquante.




Parallèlement, des photographes de renom ont parfois accepté de prêter leur talent pour dépeindre la vie quotidienne des Français, qu’ils soient ouvriers, danseuses de cabaret ou enfants en train de jouer, comme on peut le voir dans la galerie de portraits ci dessous.


LES UNIFORMES DE LA FRANCE

Côté militaire, des affiches présentant les uniformes des forces armées de chaque pays membre ont été distribuées pour aider les Alliés à se reconnaître plus facilement.

L’OTAN s’installe en France

Après le temps des signatures et la transformation de l’Alliance en une organisation à part entière dotée d’une capacité militaire, l’OTAN a décidé de transférer son modeste quartier général situé à Londres, au 13 Belgrave Square, pour l’installer à Paris dans le cadre prestigieux du Palais de Chaillot, en face de l’emblématique Tour Eiffel. On considérait à l’époque que l’Europe continentale était le meilleur endroit pour bâtir une initiative de défense commune pour les Alliés. Et Paris, où se réunissait souvent l’Organisation des Nations Unies, incarnait les valeurs historiques et culturelles que l'Alliance avait, et a toujours, pour mission de préserver. Quatre vingt dix tonnes de matériel et de mobilier de bureau ont ainsi été transportées de l'autre côté de la Manche, par avion plutôt que par bateau, afin d’assurer la continuité des activités. Ce transfert fut le plus important déménagement de mobilier jamais entrepris par voie aérienne en Grande Bretagne.

L’HÔTEL ASTORIA, SUR LES CHAMPS ÉLYSÉES, QUARTIER GÉNÉRAL DE L'OTAN

Dans le même temps, les structures militaires de l'Alliance se mettaient en place. La composante de défense de l’Union occidentale était déjà basée en France. Depuis septembre 1948, elle avait établi son quartier général, placé sous le commandement du maréchal Bernard Montgomery, dans l’élégant château de Fontainebleau. Elle prit le nom d’Organisation de défense de l'Union occidentale. L’Union occidentale en tant que telle avait été constituée en mars 1948, lorsque la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays Bas et le Royaume Uni avaient signé le Traité de Bruxelles en réponse à une demande américaine de plus grande coopération européenne. Après la création de l’OTAN, l’Union occidentale transféra ses responsabilités en matière de défense au Grand quartier général des puissances alliées en Europe – le SHAPE. Le bâtiment destiné à l’accueillir fut construit en un délai record de trois mois, ce qui évita au personnel de devoir travailler sur des machines à écrire posées en équilibre sur des lavabos et de s’entasser dans des salles de réunion improvisées à l’hôtel Astoria, avenue des Champs Élysées, où il avait provisoirement pris ses quartiers (voir aussi : Il était une fois le SHAPE - en anglais). Le maréchal Montgomery devint le premier commandant suprême adjoint des forces alliées en Europe le 2 avril 1951, jour de l’activation du nouveau quartier général permanent de l’OTAN à Rocquencourt, à l’ouest de Paris. Comme l’a déclaré Dwight D. Eisenhower dans son discours inaugural :

« DANS TOUTE L’HISTOIRE, C’EST LA PREMIÈRE FOIS QU’UN QUARTIER GÉNÉRAL DE FORCES ALLIÉES A ÉTÉ ÉTABLI EN TEMPS DE PAIX, POUR PRÉSERVER LA PAIX ET NON POUR MENER LA GUERRE. »

UN FOULARD EN SOIE OTAN GRIFFÉ HERMES ?

D’autres infrastructures ont vu le jour par la suite, comme la toute première école internationale construite sur le territoire français pour les enfants du personnel militaire du SHAPE. Le Lycée international de l’OTAN est devenu un melting pot international qui existe encore aujourd'hui sous le nom de Lycée international de Saint Germain en Laye (voir aussi, en anglais : Enseigner aux enfants du personnel de l’OTAN : la première école du SHAPE à Rocquencourt). En 1952, une base antiatomique souterraine pouvant accueillir un millier de militaires fut construite sur 40 hectares dans une carrière située dans la forêt de Saint Germain en-Laye. Plus tard, c’est aussi à Paris que fut tout d’abord installé le Collège de défense de l'OTAN, avant son transfert à Rome. La présence de l’OTAN dans la capitale française a même été représentée sur l’un des produits de luxe les plus emblématiques de Paris : le foulard en soie de la maison Hermès, appelé carré Hermès. L’OTAN a passé commande d’un nombre limité de ces foulards, qui ont été distribués lors d’une réunion du Conseil (plus d’informations sur le carré Hermès créé spécialement pour l’OTAN, en anglais).

Du pain en tranches version française ?


La plus grande base militaire américaine était installée dans la ville de Châteauroux. C’est en voyant des soldats américains de cette base manger du pain en tranches que Paul Picard, fils de boulanger, a eu l’idée d’en créer une version française, baptisée Harry’s et vendue dans un sachet aux couleurs du drapeau américain.

Pour habituer les Français à la présence de troupes étrangères sur leur territoire, on montrait des films comme À votre service au cinéma.


Alors que la présence de l’OTAN sur le territoire français était bien accueillie par la population, des initiatives visant à informer les jeunes générations sur l’OTAN et ses valeurs se sont poursuivies. La branche française de l’Association du Traité de l'Atlantique (une organisation non gouvernementale créée pour expliquer les politiques de l’OTAN) a par exemple mis en place des stages d’été, tandis que le Bureau OTAN de l'information et de la presse organisait de son côté des expositions pour le grand public, comme celle sur l’Alliance Atlantique qui fut présentée à Paris.

QU’EST CE QUE ROBERT SCHUMAN ET L’INTÉGRATION EUROPÉENNE ONT À VOIR AVEC L’OTAN ?

Les souffrances causées par la Seconde Guerre mondiale, et même la Première Guerre mondiale, étaient encore très présentes dans les esprits, tout comme la peur d’une résurgence de l’Allemagne. Ce sentiment était ressenti avec une acuité particulière en France, de sorte que la volonté d’intégrer l’Allemagne dans les structures européennes trouvait un fort écho dans les milieux politiques français. Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères de 1948 à 1952, a été le visionnaire qui a relancé l’idée d’unité européenne par la coopération entre pays européens autour de la production de charbon et d’acier. Il a énoncé cette vision dans une déclaration devenue célèbre (la Déclaration Schuman), le 9 mai 1950. Le chancelier ouest allemand Konrad Adenauer a dit à propos de cette déclaration :

C’EST NOTRE AVANCÉE.

Alors que se mettait en place la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1951), le ministre français de la Défense René Pleven a présenté en 1950 un plan prévoyant la création d’une communauté européenne de défense qui inclurait l’Allemagne (le Plan Pleven). Mais cette initiative européenne visant à intégrer l’Allemagne dans les structures européennes n’a pas abouti. Et pourtant, une solution devait être trouvée... Face au déclenchement de la guerre de Corée et à la crainte d’une nouvelle expansion communiste, l’OTAN avait décidé de s'engager dans une « stratégie vers l'avant », ce qui signifie qu’elle voulait disposer ses défenses aussi loin que possible vers l'est de Europe. Cela impliquait que l’OTAN devrait fournir davantage de troupes pour défendre l’Europe, et/ou que l’Allemagne devrait participer à la défense de l’Europe, et donc se réarmer. Finalement, l’invitation faite à l'Allemagne de l'Ouest d’adhérer à l’OTAN a été acceptée dans son principe, mais il faudra attendre 1954 pour que les modalités de cette adhésion soient définies.

“A” comme Alliance

Dans les années 1950, la création du Pacte de Varsovie et la répression de l’insurrection hongroise ont consacré la radicalisation idéologique entre l’Union soviétique et les États Unis, et ont fait comprendre aux Alliés toute la valeur de leur organisation de défense collective. Des plans ont alors été élaborés en vue de la construction d’un siège spécialement conçu pour l’Alliance – avec une valeur de symbole : le bâtiment de la Porte Dauphine, œuvre de l’architecte Jacques Carlu, a la forme d’un « A », comme Alliance. La construction a débuté en 1955, et en 1959, l’Alliance emménageait dans son nouveau siège. Plus d'informations sur les différents sièges de l’OTAN depuis sa création en 1949, en anglais.

Les Parisiens oublièrent vite la noria des camions boueux sillonnant un des quartiers les plus chics de la capitale, et les membres des délégations et du personnel de l’OTAN purent s’installer dans leur nouveau siège flambant neuf. Mais seulement quelques années plus tard, une tempête politique commença à se profiler – une tempête d’une ampleur telle que l’Alliance n'en avait jamais connue. En 1956, la crise de Suez avait mis au jour des divergences considérables entre Londres, Paris et Washington. L’évènement qui allait suivre fut sans précédent.

L’OTAN A QUITTÉ PARIS, MAIS LA FRANCE N’A PAS QUITTÉ L’OTAN

En 1966, le président Charles de Gaulle a décidé de retirer la France de la structure de commandement militaire intégrée (cette décision fut annulée en 2009). Le général de Gaulle était partisan d’une plus grande indépendance militaire de la France vis à vis des États Unis. Ce qui s’est traduit par le refus d’intégrer la dissuasion nucléaire de la France ou d'accepter toute forme de contrôle sur les forces armées françaises, et par la décision de demander le retrait de toutes les forces étrangères du territoire français. En pratique, alors qu’elle était toujours membre de l’OTAN et qu’elle continuait de faire partie intégrante des instances politiques de l’Organisation, la France n’était plus représentée dans certains comités, dont le Comité des plans de défense et le Groupe des plans nucléaires. Les forces étrangères durent alors quitter le territoire français, et les forces françaises furent temporairement retirées des commandements de l’OTAN. Le stationnement d’armements – notamment nucléaires – sur le sol français fut lui aussi proscrit ; enfin, le siège de l’OTAN et le quartier général du SHAPE furent transférés dans la Belgique voisine. Ce transfert a d'ailleurs inspiré le réalisateur Gérard Oury pour son film « Le cerveau », une comédie policière dans laquelle des gangsters appartenant à des bandes rivales tentent de s’emparer d’un train transportant de Paris à Bruxelles les « fonds secrets » des 14 pays membres de l’OTAN (pour plus d’informations, voir l’article en anglais consacré à l’OTAN dans les films d’espionnage à l’époque de la Guerre froide).

Charles de Gaulle a été l'un des plus grands hommes politiques français du XXe siècle. Admiré par ses compatriotes pour avoir pris la tête de la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale et avoir, en 1944, défendu les intérêts de la France au moment de former le Gouvernement provisoire de la République française, il fut aussi l'artisan de la Constitution qui est encore en vigueur aujourd'hui. Pour beaucoup, il incarne les principes républicains qui ont forgé la France de l'après Guerre et il demeure à ce jour une figure emblématique.

La fracture créée au sein de l'Organisation par le retrait de la France de la structure militaire intégrée de l'OTAN a été amplifiée par l'arrivée à expiration du délai de vingt ans mentionné dans l'Article 13 du Traité de Washington. Il y est stipulé qu'après vingt ans d'existence du Traité, toute partie pourra décider de ne plus être membre. La décision française a suscité un malaise au sein de l'Alliance et a fait l'objet d'un débat au Conseil de l'Atlantique Nord – le principal organe de décision politique de l'OTAN –, sans toutefois entraîner de conséquences. L'Article 13 et la décision du président Charles de Gaulle n'ont pas empêché l'OTAN d'aller de l'avant, et le statut de la France s'est peu à peu banalisé.

MAIS QUEL A ENSUITE ÉTÉ LE RÔLE DE LA FRANCE DANS L'OTAN ?

La France a continué de jouer un rôle clé au sein de l'Alliance tout au long de la Guerre froide. Les forces navales et aériennes françaises ont pris part à des exercices OTAN ainsi qu'à des projets d'acquisition conjoints, tels que le projet NADGE. La NADGE (infrastructure électronique de la défense aérienne de I'OTAN) est un système radar ultraperformant conçu pour détecter des aéronefs ennemis évoluant à grande vitesse, et les détruire si nécessaire. Elle est constituée d'une chaîne ininterrompue de stations allant de la Norvège à la Turquie et forme un rempart contre l'intrusion d'aéronefs ennemis dans l'espace aérien européen de l'OTAN. La France avait besoin de ce système d'alerte très performant à l'appui de ses capacités nucléaires. La supervision globale du système NADGE était assurée par le SHAPE, mais chaque pays participant était responsable de sa propre zone géographique et, sauf en cas d'urgence, les installations du NADGE de même que les armements et forces de défense aérienne restaient sous contrôle national (voir aussi, en anglais, l'article consacré à la défense aérienne à l'âge supersonique).

La France a également continué à accueillir des réunions de l'OTAN et à affecter du personnel aux structures civiles de l'Organisation. Précédemment, l'un de ses ressortissants avait été au centre d'une célèbre affaire qui, pour un temps, avait fait quelques remous au siège de l'Organisation : un certain Georges Pâques, employé au siège, était depuis presque 20 ans un espion à la solde de l'Union soviétique. Il occupait un poste stratégique en tant que chef adjoint du service Presse au Secrétariat international, et avait à ce titre accès à des réunions de haut niveau et à des documents sensibles. L'homme fut arrêté en 1963 par les services de renseignement français (voir aussi, en anglais, l'article consacré à l'affaire Georges Pâques).

La « Porte Mitterrand »


President Mitterrand in the conference room in question Avant la tenue du sommet de l'OTAN à Bruxelles, en 1988, les services de sécurité du président François Mitterrand ont contacté l'Organisation pour demander qu'une issue de secours soit aménagée dans l'une des salles de réunion où le président français devait donner une conférence de presse. Les services techniques de l'OTAN ont dû installer en toute hâte une nouvelle porte, car le président français n'aurait pas participé au sommet si la demande n'avait pas été acceptée. Cette porte, qui se trouve dans l'ancien bâtiment du siège de l'OTAN, était familièrement appelée « Porte Mitterrand » par le personnel de l'Organisation. (Photo : le président Mitterrand dans la salle de conférence).

UN STATUT FLEXIBLE

Lors des débats entre Alliés, la France a traditionnellement adopté une approche analytique très fine – et c'est encore le cas aujourd'hui. Même si elle va parfois à contrecourant, une telle approche est souvent l'assurance que tous les aspects d'une question ont été considérés avant qu'une décision soit prise – c'est là une conception profondément ancrée dans la culture française. De plus, l'esprit du gaullisme a continué d'imprégner la réflexion stratégique de la France tout au long de la Guerre froide. Cela n'a pas pour autant tenu la France à l'écart des affaires militaires de l'OTAN. Ainsi, en août 1967, la signature des accords Ailleret Lemnitzer donnait à l'armée française la possibilité de participer à une éventuelle opération militaire de l'OTAN contre l'Est, tout en restant sous commandement national. Plus tard, en juillet 1974, les accords Valentin Ferber ont contribué à rapprocher la France de l'OTAN. Ces accords prévoyaient divers scénarios dans lesquels l'armée française pouvait avancer vers l'Est, permettant ainsi de maintenir pleinement l'intégrité de la zone OTAN. Le président Mitterrand est celui qui, à la fin des années 1980 et pendant les années 1990, a amorcé le retour de la France dans la structure de commandement militaire intégrée de l'OTAN, une politique que poursuivra son successeur, le président Jacques Chirac. C'est ainsi qu'en 1991, la France a approuvé le concept stratégique de l'Alliance, ce qu'elle n'avait plus fait depuis son retrait de la structure militaire intégrée, en 1966.

Alors même que la France réintégrait en 2009 la structure de commandement militaire, sa position tout au long de la Guerre froide illustrait la flexibilité du statut de membre de l'OTAN : tout en conservant une totale autonomie nucléaire, la France est restée pleinement solidaire des autres Alliés et a continué à jouer un rôle politique et militaire de premier plan au sein de l'Alliance.