!!! La Bibliothèque de l'OTAN (in French)

Interview vidéo avec Mr. Jean-Arthur Creff, <br />Chef de la Bibliothèque de l'OTAN

  • 19 Jul. 2004
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  • Last updated: 04 Nov. 2008 00:15

Q: Bonjour Jean-Arthur.

JEAN-ARTHUR CREFF (Bibliothécaire, Bibliothèque de l'OTAN): Bonjour.

Q: Vous êtes le chef de la Bibliothèque de l'OTAN, pouvez-vous nous expliquer un peu l'histoire de la bibliothèque ? Comment est-elle organisée et depuis quand existe-t-elle ?

JEAN-ARTHUR CREFF: La Bibliothèque de l'OTAN a été créée en même temps que l'Organisation, il y a donc à peu près cinquante ans, puisque quand on regarde certains livres on voit encore des ex-libris marqués «This book belongs to the North Atlantic Treaty Organisation, London». Ce qui est assez émouvant de constater que la bibliothèque est aussi vieille que l'Organisation. Après, bien sûr, elle a suivi l'Organisation à Paris et à Bruxelles.

C'est une bibliothèque qui est spécialisée dans les sciences politiques, dans la diplomatie et qui compte à peu près 20 000 livres et surtout 200 périodiques vivants. Et c'est surtout ça notre grande richesse, même si les livres sont aussi très intéressants. Puis, il y a bien sûr des ouvrages de référence, des accès à des bases de données, notamment «The Economist Country Reports», qui sont très recherchés par nos lecteurs et puis beaucoup d'accès à des bases de Janes qui est, dans le domaine qui nous concerne, la référence.

Q: L'accès au site de l'OTAN est limité, donc quel public accède à la bibliothèque ?

JEAN-ARTHUR CREFF: La bibliothèque au départ est d'abord au service du personnel de l'OTAN qui vient pour se documenter sur son travail, puisque c'est une bibliothèque de travail, pas une bibliothèque de loisirs. Il y vient pour avoir des renseignements sur les questions d'ordre politique ou militaire.

Par ailleurs, nous accueillons aussi des chercheurs extérieurs. La procédure est assez simple ; il suffit de remplir une petite fiche qui est disponible sur le site web. Quelques questions leur sont posées quant à leur état civil et l'objet de leur recherche et ils sont toujours très bienvenus. Ils disposent de bonnes conditions de travail et je suis toujours content de les recevoir.

Ils peuvent travailler sur les relations internationales, sur le monde transatlantique, les relations avec les anciens pays de l'Est ou le monde soviétique puisque nous avons un très bon fond sur ce sujet. Il y a vraiment moyen de faire des recherches très intéressantes.

Q: La gestion de l'information est bien différente aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a dix ans, quels sont vos objectifs pour la bibliothèque ?

JEAN-ARTHUR CREFF: Eh bien, tout d'abord, je pense qu'il faut viser à donner un service de très bon niveau à la bibliothèque même. C'est-à-dire, disposer de livres de haut niveau, bien choisis, à fond très cohérent. C'est ce que nous essayons de faire avec mes collègues, de déjà proposer des livres intéressants, donner accès à des bases de données pour que les gens puissent travailler comme ils le souhaitent, donc comme je le disais tout à l'heure aux «Country Reports», et aux bases de Janes.

Il faut essayer d'être à l'écoute des lecteurs de l'intérieur. Je crois que pour l'instant nous offrons un service à peu près satisfaisant à nos lecteurs, que ce soit aux lecteurs de l'OTAN ou aux lecteurs extérieurs.

D'autre part, depuis quelques temps, nous avons essayé d'intégrer la bibliothèque dans des programmes extérieurs pour être aussi un outil de la Diplomatie publique de l'OTAN. C'est dans ce but que nous accueillons bien volontiers des chercheurs extérieurs pour faire connaître l'OTAN dans le monde universitaire et c'est aussi pour cela que nous avons lancé notre programme de bibliothèque de dépôt que nous allons approfondir ensuite.

Q: Pouvez-vous justement nous expliquer un petit peu ce projet de bibliothèque de dépôt ?

JEAN-ARTHUR CREFF: Comme il semblait que la bibliothèque uniquement sur le site, c'était un petit peu insuffisant pour justifier les moyens dont nous disposions, nous avons essayé d'étudier comment la bibliothèque pouvait devenir un outil de la Diplomatie publique. Avec quelques collègues qui s'occupent des Balkans, nous avons pensé que nous pouvions mettre en place un réseau de bibliothèques de dépôt sur le modèle de l'ONU. L'ONU a un très grand réseau de bibliothèques de dépôt dans le monde entier où elle dépose ses publications, les publications faites par l'ONU même, mais ce système lui permet aussi d'entretenir des relations avec d'autres bibliothèques dans le monde, des relations aussi bien professionnelles que culturelles.

C'est donc un petit peu notre modèle et nous avons déjà mis en place certains centres ; à Belgrade, un centre à Zagreb est en cours et nous devrions en mettre un en place à Sarajevo et à Banja Luka.

Parallèlement, un centre assez important a été mis en place à Bratislava avec de gros efforts fournis par une bibliothèque sur place et ce concept est tout à fait exportable à d'autres établissements pas forcément dans les Balkans mais aussi en Russie ou même aux Etats-Unis et au Canada.

Nous voulons un petit peu essaimer, créer des bibliothèques, constuire un réseau de bibliothèques dans le monde entier qui compterait celles à qui nous donnons les publications de l'OTAN et celles avec qui nous essayons de définir de nouveaux partenariats, qu'il s'agisse d'échanges, comme tel est le cas pour la bibliothèque de Belgrade qui m'envoie des périodiques ou qu'il s'agisse de dons comme pour la bibliothèque de Bratislava.

Q: Vous entretenez des relations avec d'autres bibliothèques, pouvez-vous nous présenter le projet en cours avec la bibliothèque de l'École polytechnique à Paris ?

JEAN-ARTHUR CREFF: C'est toujours un petit peu le même objectif ; essayer de sortir de l'OTAN. Parallèlement au projet de bibliothèques de dépôt, nous avons mis en place une coopération avec la bibliothèque de l'École polytechnique à Paris sur les livres scientifiques car l'OTAN a, comme vous le savez, un comité scientifique qui offre des subventions pour des projets scientifiques.

Ces projets scientifiques donnent lieu à des publications d'un niveau très élevé, donc des publications très intéressantes, réalisées par des éditeurs privés.

L'OTAN, qui a subventionné ces projets en reçoit bien entendu un exemplaire mais nous n'avons pas vraiment l'utilité de ces livres ici à la bibliothèque puisque notre sujet principal demeure la science politique, or tous ces livres parlent de physique, de chimie, de biologie, de sciences exactes.

Ces livres (nous en avons presque 5 000) sont entreposés actuellement dans un entrepôt et ne sont donc pas conservés dans des conditions correctes. Par ailleurs, ils ne sont pas mis à la disposition du public, ce qui représente une grande perte pour la communauté scientifique.

Face à ce problème, nous avons donc essayé de trouver une solution, et il nous a semblé que la meilleure des solutions était finalement de confier ces livres à une autre institution ; une institution capable de les gérer de façon professionnelle, et surtout de les mettre à la disposition du public scientifique.

C'est pour cela que nous avons conclu un accord avec l'École polytechnique à Paris, qui nous a proposé d'accueillir les livres et de les traiter de façon professionnelle, c'est-à-dire de les entreposer dans des conditions de conservation correctes, de les cataloguer, et surtout de les mettre à la disposition du plus grand public. C'est donc là une grande satisfaction, puisque les livres partent jeudi à Paris. Ils seront ensuite mis assez rapidement en rayon à Palaiseau, dans la banlieue.
Il me semble qu'en agissant de cette manière, nous avons fait un pas pour faire connaître davantage le rôle de l'OTAN à la communauté scientifique.

Q: Vous voyez beaucoup de livres entrer et sortir de la bibliothèque tous les jours. Pourriez-vous dire quel est le livre le plus lu et emprunté à la bibliothèque de l'OTAN ?

JEAN-ARTHUR CREFF: Il y a surtout quelques livres qui sont empruntés, même empruntés très longtemps... Parfois, les lecteurs...je pourrais presque dire les empruntent très longtemps par mégarde... Ce sont souvent les livres de Brzezinski, «The Grand Chessboard» par exemple est souvent emprunté et même parfois...- je ne dirais pas volé -, mais il réapparaît peut-être deux ou trois ans après avoir été emprunté une première fois.

C'est la même chose pour «Diplomatie» de Kissinger. Et tout dernièrement, nous avons aussi eu beaucoup d'emprunts pour «Of Paradise and Power» de Robert Kagan, puisque nous étions présents dans tout ce débat tournant autour des relations transatlantiques... l'Europe, la vieille Europe, la nouvelle Europe, les États-Unis... ce livre traitait de ça, et intéressait donc beaucoup les gens.

Kissinger et Brzezinski sont vraiment des livres de référence. «Of Paradise and Power» est davantage un livre d'actualité. Et sinon, pour ce qui concerne les livres en français, tout dernièrement, celui qui a eu beaucoup de succès, est le livre de Bernard Kouchner «Les guerriers de la paix», qui raconte l'expérience de Bernard Kouchner au Kosovo.

Q: Pour finir, une question moins formelle. Nous avons souvent une image de bibliothèques calmes et très sérieuses, surtout dans une organisation comme l'OTAN. Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

JEAN-ARTHUR CREFF: Il y a toujours beaucoup d'anecdotes dans les bibliothèques. Je pense que ceux qui les fréquentent le savent. Et, bien, nous avons bien sûr les habituels lecteurs qui s'endorment, ceux qui ne sortent pas de la bibliothèque quand on la ferme, qui y restent donc enfermés. Il nous est arrivé de fermer la bibliothèque et de nous apercevoir ensuite qu'un lecteur était resté à l'intérieur. Bon ça, c'est courant. Je crois que dans toutes les bibliothèques, nous connaissons ça.

Il y a aussi des lecteurs qui arrivent et me demandent où sont les bandes dessinées... ou où sont les romans... alors que, bon, c'est quand même une bibliothèque purement scientifique...

Mais je pensais à une anecdote..., pas vraiment une anecdote, mais un petit fait qui est arrivé l'année dernière. Nous étions à la bibliothèque quand nous avons vu un oiseau arriver et s'installer derrière un volet. Et puis, peu à peu, nous avons constaté que cet oiseau faisait son nid juste à côté de la porte de la bibliothèque. Et des oisillons sont nés. La mère les nourrissait. Et pendant tout l'été, nous avons vu cette maman oiseau nourrir ses petits, dans son nid, juste à côté de la bibliothèque. Après, les oiseaux sont partis.

Ça m'avait fait très plaisir. On s'était dit, bon, bien au moins ça prouve que c'est une bibliothèque qui est finalement très accueillante puisque même les oiseaux viennent y faire leur nid !

Q: Jean-Arthur, merci beaucoup.

JEAN-ARTHUR CREFF: Merci beaucoup à vous.