Kosovo : le point de vue de la rue
Le Kosovo a engrangé de nombreux progrès depuis sa déclaration d'indépendance en 2008. L'un des signes les plus visibles en est l'apparition de tours d'habitation neuves surplombant Pristina. Mais beaucoup restent vides car elles sont tout à fait hors de portée pour la majorité de la population, dans une région où le revenu moyen oscille autour de 250 euros par mois.
La capitale compte un nouveau centre commercial qui, sur le plan de la modernité, n'a rien à envier à ses équivalents européens. Mais, tout comme les tours à appartements, il n'offre à la plupart des habitants qu'un aperçu de ce que l'avenir pourrait leur réserver. La principale préoccupation de la population, en ce début 2012, concerne la situation économique.
Dépendance à l'égard des travailleurs migrants
À 45%, le taux de chômage est le plus élevé d'Europe. Sur un marché de véhicules d'occasion dans les faubourgs de Pristina, nous rencontrons Fatmir, un Albanais de souche rentré chez lui après avoir travaillé en Allemagne pendant quelques années.
« Pour l'instant, je suis sans emploi », explique Fatmir. « J'ai travaillé dans un restaurant, puis j'ai créé ma propre entreprise, mais elle a fait faillite à cause de la crise en Europe. »
Fatmir est rentré avec une voiture qu'il espère vendre à profit, mais il admet que la somme n'est pas à la portée de toutes les bourses. « Pour une voiture d'occasion comme celle‑ci, il faut travailler un an au Kosovo, mais avec certaines activités sur le côté, comme la vente de voitures ou autres, on y arrive », explique‑t‑il.
En travaillant à l'étranger, Fatmir a pu soutenir sa famille à Pristina. D'après les estimations de l'ONU, 1 foyer sur 5 au Kosovo est tributaire de ces envois de fonds. L'argent des migrants est considéré comme un moyen indispensable de stimuler la croissance économique du Kosovo, qui reste l'une des plus faibles des Balkans.
La patience s'amenuise
« Le Kosovo est un beau pays et les soldats de la KFOR ou ceux de l'OTAN sont vraiment les bienvenus ici. Mais je dois dire qu'après 10 ans, beaucoup de gens commencent à perdre patience. Parce qu'ils associent aux organisations internationales nombre de problèmes auxquels ils restent confrontés aujourd'hui », ajoute Fatmir. « Au début, ils étaient tous très motivés pour aider le Kosovo, puis leur intérêt a commencé à faiblir, et c'est seulement maintenant que nous avons de nouveau droit à un peu plus d'attention, mais pas vraiment pour nous‑mêmes, uniquement parce que la Serbie veut être candidate à l'adhésion à l'UE. »
Pendant longtemps, la mission de maintien de la paix de l'OTAN au Kosovo a n'a guère retenu l'attention des médias car la situation de sécurité restait calme. Les effectifs ont été progressivement ramenés au niveau actuel, qui s'élève à environ 6 000 hommes.
Toutefois, depuis juillet dernier, le Kosovo fait de nouveau les grands titres. Un différend douanier entre Belgrade et Pristina a déclenché des heurts dans le nord du Kosovo entre des manifestants locaux et des soldats de la KFOR chargés du maintien de la paix. En novembre, une trentaine de soldats de la KFOR ont été blessés alors qu'ils entreprenaient de démanteler un barrage routier.
Mais, tout comme Fatmir, de nombreux Kosovars estiment que la KFOR devrait faire davantage pour éliminer les barrages routiers illégaux et faire respecter la liberté de circulation.
« Nous autres, Albanais, nous nous sentons plutôt pénalisés ces jours‑ci à cause de la manière dont la KFOR tolère les troubles qui surviennent dans le nord. Beaucoup ont le sentiment que si les Albanais avaient provoqué la moitié de ces troubles, l'OTAN ou l'UE seraient intervenues plus vigoureusement. »
Développer la démocratie grâce à la paix
L'OTAN, quant à elle, déclare ne pas prendre parti et s'engage à rester impartiale. Notre guide de la KFOR indique à Fatmir que la mission vise à recourir le moins possible à la force, à apaiser les tensions et à promouvoir le dialogue. Un principe qu'ils voient tous deux, d'un commun accord, comme la seule solution.
« Nous sommes voisins depuis longtemps et nous devons vivre ensemble, rien d'autre ne fonctionnera. Nous devons les accepter, tout comme eux doivent nous accepter », déclare Fatmir. En dépit des problèmes qui subsistent dans la région, il estime que l'OTAN a contribué à instaurer la nouvelle démocratie et il voit la nécessité de la poursuite du soutien apporté par l'Alliance. « Nous continuons d'apprendre, et nous espérons que l'OTAN continuera de nous soutenir. Malgré les problèmes actuels, nous n'oublierons jamais ce que l'OTAN a fait pour nous. Nos réflexions s'inscrivent dans un cadre démocratique, la démocratie est arrivée jusqu'ici », explique‑t‑il.
Il y a tout juste un an, le Kosovo tenait ses premières élections générales.
Si cela constitue un progrès, elles ont néanmoins, comme souvent, été entachées d'allégations de fraude.
Outre l'économie, les institutions démocratiques du Kosovo auront encore besoin de soutien pendant un certain temps s'il veut réaliser son rêve d'un avenir européen.