Le Luxembourg a continué de manifester sa gratitude envers les États-Unis et ses Alliés d’Europe occidentale tout au long de la Guerre froide, posant ainsi les bases du soutien fort qu’il apporte aujourd’hui à l’Alliance, guidé par sa volonté d’apporter sa pierre à l’édifice. À la fin des années 1970, le gouvernement luxembourgeois décida par exemple de construire deux gigantesques dépôts militaires pouvant contenir 63 000 tonnes de véhicules de combat, de pièces de machines, de denrées alimentaires, de vêtements, de carburant et d’autres équipements à l’usage des forces des Alliés en cas de guerre. Lors d’une consultation avec la population locale organisée avant le début de la construction, alors qu’un homme s’inquiétait du bruit qu’allaient faire les chars pendant la nuit, un autre lui lança : « Tu trouvais pourtant le bruit des chars américains plutôt mélodieux en 1944 ! ».
En raison de la vision extrêmement positive qu’a le Luxembourg de l’OTAN depuis 1949 et du consensus politique qui a toujours existé au sein des gouvernements de coalition nationaux, la question de l’appartenance du pays à l’Alliance n’a jamais fait l’objet d'un véritable débat politique. Le soutien sans faille de l’opinion publique a permis aux responsables politiques luxembourgeois de s'ériger en fervents défenseurs non seulement de l’Alliance, mais aussi d’une plus grande intégration européenne et euro-atlantique. Joseph Bech, considéré comme le père de l’OTAN au Luxembourg, figurait au premier rang de ces personnalités.
Joseph Bech, le père de l’OTAN au Luxembourg
Joseph Bech a siégé au Parlement luxembourgeois pendant 50 ans (1914-1964). Sa longue carrière l’a conduit à la tête de la plupart des grands ministères, dont les Affaires étrangères où il est resté 33 années d’affilée, et au poste de premier ministre, une fonction qu’il a assumée pendant un total de 15 ans. Ayant vécu l’occupation du Luxembourg par l’Empire allemand lors de la Première Guerre mondiale et par l’Allemagne nazie lors de la Seconde, durant laquelle il s'était établi à Londres avec le gouvernement en exil, Joseph Bech était déterminé à faire tout ce qui était en son pouvoir pour éviter une nouvelle guerre en Europe. La création de l’OTAN était une étape importante sur cette voie, mais l’homme d’État estimait que seule l’intégration politique et économique du continent pouvait véritablement garantir la paix en Europe.
En 1949, Joseph Bech a signé le Traité de l'Atlantique Nord, et a été l’un des principaux architectes de nombreux accords qui ont contribué à jeter les bases de l’Europe moderne. En 1944, il a ainsi signé avec la Belgique et les Pays-Bas la convention du Benelux, un modèle de coopération économique régionale qui a par la suite été appliqué à l'échelle du continent. En 1948, il a contribué à l’élaboration du pacte de Bruxelles, une convention de défense collective signée par les pays du Benelux, la France et le Royaume-Uni qui donnerait plus tard naissance à l’Union de l'Europe occidentale. M. Bech a également participé en tant que délégué à la conférence de San Francisco (1945), qui marqua la création de l’Organisation des Nations Unies, et compte parmi les fondateurs du Conseil de l'Europe (1949). En 1951, il a aidé à la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, dont le but était de placer les productions française et allemande de charbon et d’acier sous une seule et même autorité. Ainsi, aucun des deux pays ne pouvait utiliser ces ressources pour reconstituer leurs arsenaux militaires. Travaillant à l’établissement de tous ces accords et à la mise sur pied de toutes ces institutions d’après-guerre, l’homme politique luxembourgeois a donné de son pays l'image d’un partenaire déterminé, malgré sa modeste envergure, à soutenir ses Alliés en leur offrant sa voix, ses soldats et tous les autres moyens à sa disposition.
Joseph Bech a su mettre à profit la taille du Luxembourg. Alors que les grands pays tels que la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni arrivaient à la table des négociations avec leurs rivalités séculaires et des intérêts divergents, le Luxembourg était serein : il ne représentait une menace pour personne et n’avait jamais attaqué personne ni exercé de quelconques pressions. Il voulait seulement que tous les pays s’entendent et œuvrent ensemble à leur prospérité. À l'image du Luxembourg, situé au cœur géographique de l’Europe occidentale, M. Bech était bien placé pour apaiser les tensions entre ses homologues, les aidant ainsi à bâtir les institutions qui façonnent l’Europe aujourd’hui encore.
Aucun homme n’a autant fait que vous pour son pays et pour les pays libres du monde occidental. Votre longue et brillante carrière est un exemple pour tous ceux qui aspirent à servir dans la fonction publique.
John Kennedy, président des États-Unis,
dans une lettre adressée à Joseph Bech à l’occasion du 75e anniversaire de ce dernier. Février 1963.