L’OTAN se veut plus présente dans le Grand Nord pour garantir la sécurité de nos populations
Tribune libre du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg - Cette tribune libre a été publiée dans le journal canadien The Globe and Mail le 24 août 2022.
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La guerre brutale que la Russie mène en Ukraine change véritablement la donne au niveau mondial : elle nous rappelle qu’où que nous soyons, nous ne pouvons pas considérer notre sécurité comme allant de soi. Réagissant avec unité et détermination, l'OTAN s’est montrée résolue à soutenir l’Ukraine et à préserver la sécurité des citoyens de tous ses pays membres, soit un milliard de personnes.
Resolute Bay, Nunavut, Canada
Cette semaine, je me rends dans l’Arctique canadien avec le premier ministre, Justin Trudeau, afin de bien montrer l’importance stratégique de cette région pour la sécurité euro-atlantique. La trajectoire la plus courte qu'emprunteraient des missiles ou des bombardiers russes vers l’Amérique du Nord passe par le pôle Nord, ce qui confère au Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) un rôle capital pour l’Amérique du Nord et pour l’OTAN. Je me réjouis donc à la perspective de me rendre à Cambridge Bay (Nunavut) pour y visiter une station du système d’alerte du Nord, qui est une chaîne de stations radar de détection lointaine. Nous effectuerons aussi une visite à la base aérienne de Cold Lake, où est stationnée une escadre d’appui tactique canadienne de réputation mondiale.
À Cambridge Bay, nous visiterons également la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, et nous rencontrerons des membres des forces armées canadiennes déployés dans l’Arctique pour l’opération Nanook, dans le cadre de laquelle des patrouilles maritimes ont été menées avec des militaires danois, français et américains.
Le Canada contribue à notre sécurité de multiples manières, et tout spécialement dans l’Arctique. Les Rangers canadiens, qui sont les yeux et les oreilles du Canada dans cette région, enseignent aux membres des forces armées d’autres pays de l'OTAN des techniques de survie qui leur seront indispensables. Par ailleurs, le Canada accueillera sur son territoire le Centre d'excellence de l'OTAN pour le climat et la sécurité, dans le cadre de l’intensification des efforts que nous menons pour lutter contre le changement climatique, en particulier dans cette région essentielle qu’est l’Arctique.
L'OTAN est une alliance défensive. Notre objectif est de prévenir les conflits et de préserver la paix. Jusqu’à présent, la majeure partie du Grand Nord (eaux et territoires arctiques) était relativement exempte de tensions, mais la situation y est malheureusement en train de changer en raison de l’accélération du réchauffement climatique et de l’intensification de la compétition mondiale. Ainsi, une partie de plus en plus importante de l’Arctique sera libérée des glaces pendant l’été. Cela offrira de nouvelles opportunités pour ce qui est des routes commerciales, des ressources naturelles et du développement économique, mais entraînera aussi un risque accru de tensions. Certains régimes autoritaires, qui sont manifestement prêts à recourir à l’intimidation ou à l’agression militaire pour parvenir à leurs objectifs, portent en effet un intérêt croissant à l’Arctique et y sont de plus en plus actifs.
Ces dernières années, la Russie a nettement intensifié ses activités militaires dans la région, établissant un nouveau commandement pour l’Arctique, rouvrant des centaines d’anciennes bases militaires datant de l’ère soviétique ou en construisant de nouvelles, notamment des aérodromes et des ports en eaux profondes, et se servant de la région pour tester ses systèmes d’armes innovants. Il y a un mois, le président russe, Vladimir Poutine, a adopté une nouvelle stratégie navale visant à protéger les eaux de l’Arctique « par tous les moyens », notamment en intensifiant les activités autour de l’archipel norvégien non militarisé du Svalbard et en dotant sa flotte du Nord de systèmes de missile hypersoniques Zircon. La semaine dernière encore, la Russie a dévoilé un projet de nouveau croiseur sous-marin porteur de missiles stratégiques pour les opérations dans l’Arctique. La capacité de la Russie d'entraver le renfort d’Alliés par le nord de l’Atlantique constitue un défi stratégique pour l’Alliance.
La Chine étend elle aussi son rayon d’action, s’autoproclamant « État quasi arctique » et projetant d’ouvrir une « route de la soie polaire », qui relierait la Chine et l’Europe via l’Arctique. Elle renforce rapidement sa marine, et prévoit notamment de construire le plus gros brise-glace au monde. La Chine investit en outre des dizaines de milliards de dollars dans le secteur de l’énergie, dans des infrastructures et dans des projets de recherche dans l’Arctique. Au début de l’année, Pékin et Moscou se sont engagés à intensifier leur coopération pratique dans l’Arctique, approfondissant ainsi un partenariat stratégique qui porte atteinte à nos valeurs et à nos intérêts.
L’OTAN a de toute évidence intérêt à préserver la sécurité, la stabilité et la coopération dans le Grand Nord. L’Arctique est une porte d’entrée sur l’Atlantique Nord et un espace essentiel pour les échanges commerciaux, les transports et les communications entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Garantir la liberté de navigation et un accès sans entrave est primordial pour que nos économies restent fortes et nos populations en sécurité. Quand la Finlande et la Suède auront rejoint l’Alliance, sept des huit États arctiques seront membres de l’OTAN. L’adhésion de la Finlande et de la Suède renforcera nettement notre posture dans le Grand Nord et notre capacité de prêter main-forte à nos Alliés baltes.
L’OTAN accroît déjà sa présence dans le Grand Nord, puisqu'un nouveau commandement fait en sorte que les lignes de communication maritimes dans l’Atlantique restent libres et sûres. Les Alliés, notamment le Canada, investissent dans de nouvelles capacités aériennes et maritimes. L’OTAN et les Alliés effectuent régulièrement des exercices dans l’Arctique et des exercices de lutte anti-sous-marine afin d’être toujours prêts à intervenir dans toutes les conditions et à défendre chaque centimètre carré du territoire de l’Alliance contre toute menace. Deux des exercices de l’OTAN les plus importants de ces dernières années – Trident Juncture et Cold Response – ont eu lieu dans le Grand Nord.
Dans un monde devenu plus dangereux, où la compétition s’intensifie, l’OTAN renforce sa présence et sa vigilance sur tout le territoire de l'Alliance, notamment dans le Grand Nord. Notre force et notre unité nous permettront de continuer de décourager toute agression, de protéger nos valeurs et nos intérêts, et de garantir la sécurité de nos populations.