Synthèse du débat de fond sur la résilience et la dimension de genre

  • 15 Nov. 2022 -
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  • Mis à jour le: 13 Jan. 2023 08:47

Le 15 novembre 2022, le Bureau de la conseillère pour les questions de genre (GENAD) de l’État-major militaire international (EMI) a tenu un nouveau débat de fond, consacré cette fois au lien entre la résilience et la dimension de genre. Cette réflexion était l’occasion de s’interroger sur le caractère essentiel de l’intégration de la dimension de genre pour renforcer la résilience sur les plans national et collectif et ainsi aider l’OTAN à protéger ses pays membres, ses sociétés et ses valeurs communes.

GENAD Deep Dive Recap: Resilience and the Gender Perspective

Plusieurs experts étaient présents – M. Damiano Rinauro, de la Division Politique et plans de défense (DPP) du siège de l’OTAN, M. Anthony Icayan, analyste (résilience militaire) et référent pour les questions de genre (GFP) auprès du Commandement allié Transformation (ACT) de l’OTAN, Mme Gergana Vaklinova, conseillère pour les questions de genre au Centre d’excellence pour la gestion de crise et la réponse aux catastrophes (CMDR COE) et Mme Jocelyn Kelly, directrice du programme pour le genre, les droits et la résilience (GR2) de la Harvard Humanitarian Initiative (HHI).

Résilience à l’OTAN

M. Rinauro a pris la parole le premier pour situer la résilience dans l’approche de l’OTAN en matière de préparation du secteur civil, et souligner l’importance de la résilience dans un environnement de sécurité imprévisible. Il a également expliqué que la résilience était la première ligne de défense, car elle sert à dissuader l’adversaire et permet à l’OTAN d’absorber les chocs stratégiques et de s’en remettre. M. Rinauro a ensuite précisé quels étaient les sept exigences de base de l’OTAN en matière de résilience.

NATO's seven baseline Requirements of Resilience

Il a expliqué qu’elles permettaient de donner aux pays membres des critères, destinés à interagir entre eux, pour soutenir l’Alliance. M. Rinauro a insisté sur la nécessité d’une coordination adaptative entre la société civile et les instances militaires en vue d’une approche pansociétale propre à renforcer les exigences de base, y compris l’utilisation de données désagrégées relatives au genre.

Résilience militaire

GENAD presentation

Enchaînant sur les propos de M. Rinauro, M. Icayan a expliqué les interdépendances entre résilience civile et résilience militaire. Il a indiqué que le rôle de l’instrument de puissance militaire de l’OTAN était de renforcer la résilience pour anticiper les menaces et les dangers, s’y préparer et d’y adapter, ainsi que pour résister et répondre aux chocs stratégiques et s’en remettre. M. Icayan a décrit les sept domaines thématiques qui caractérisent l’instrument de puissance militaire en tant que système de commandement et de contrôle (C2) axé sur la compréhension de la situation, les capacités de combat, la logistique, la planification de la réponse, la persévérance et les infrastructures militaires.

M. Icayan a ensuite expliqué en quoi l’intégration de la dimension de genre dans ces domaines thématiques permettait de renforcer la résilience globale, et plus particulièrement d’améliorer la connaissance de la situation et la persévérance. Il a décrit la manière dont l’utilisation de données désagrégées relatives au genre et la prise en compte de la dimension de genre amélioraient la connaissance de la situation et la compréhension pour le domaine cognitif. Enfin, il a abordé la nécessité de comprendre les dimensions de la sécurité humaine et les différents points de vue des femmes, des hommes, des filles et des garçons pour renforcer la persévérance en vue de développer la résilience individuelle. Le développement de la résilience individuelle accroît la résilience sociétale et permet à l’OTAN de tirer parti de tous les éléments de la société pour répondre aux crises et les gérer plus efficacement.

Une approche à 360 degrés de la résilience

GENAD presentation

Mme Vaklinova a abordé la manière de définir une approche à 360 degrés intégrant la dimension de genre en matière de sécurité et de résilience pour gérer les incertitudes et mieux comprendre les risques et les menaces. Elle a indiqué que la résilience, tout comme les questions de genre, étaient des concepts transformationnels complexes nécessitant une approche multidisciplinaire et collaborative pour pouvoir produire des résultats positifs durables sur le plan de la paix et de la sécurité. Mme Vaklinova a ensuite expliqué que, les forces armées étant le reflet de leurs sociétés, et la société étant un réseau complexe fait de relations genrées, il est essentiel que les populations aient un pouvoir et une capacité d’agir en matière de planification de la résilience grâce à l’intégration de la dimension de genre.

Mme Vaklinova a détaillé le concept de résilience au-delà des composantes civile et militaire, en précisant qu’il existait d’autres efforts et d’autres défis liés à la résilience, comme une perception et une compréhension des risques qui peuvent différer selon les genres. Elle a indiqué que le croisement des questions de genre et de la résilience permettait de rapprocher les différentes interprétations et de créer les synergies nécessaires entre domaines et fonctions. Comprendre les différents niveaux de perception ou d’acceptation des risques selon les genres peut aider à mieux comprendre ce qui entraîne les conflits et les différentes incidences de ceux-ci pour les femmes, les hommes, les filles et les garçons. Dans le même temps, le renforcement de la résilience contribue à favoriser l’égalité des genres et à éviter que les inégalités sociales se creusent. Enfin, Mme Vaklinova a insisté sur l’importance de la formation aux questions de genre, des référents pour les questions de genre et des conseillers pour les questions de genre pour le renforcement de la résilience. Pour en savoir plus sur les formations consacrées à la résilience ou à la dimension de genre proposées par le CMDR COE, suivez ce lien.

Sécurité humaine, genre et résilience

Mme Kelly a abordé le lien essentiel entre le genre, l’État et la sécurité humaine, et a fait remarquer qu’envisager les choses sous l’angle du genre menait à une plus grande résilience des sociétés et à de meilleurs systèmes d’alerte précoce, notamment pour prévenir les atrocités et consolider la paix. Elle a évoqué le lien important qui existe entre la sécurité physique des femmes et la paix des États, en expliquant que la sécurité des femmes était un meilleur indicateur de la stabilité d’un État que le niveau de démocratie ou le PIB par habitant. Mme Kelly s’est ensuite penchée sur la manière dont l’expérience et les perceptions des femmes devraient être utilisées comme ressource pour renforcer la résilience, les femmes ayant une compréhension unique des dangers et des signes annonciateurs d’un conflit. C’est pourquoi intégrer une analyse tenant compte du genre aux systèmes d’alerte précoce peut contribuer à la prévention des conflits et à l’amélioration de la résilience des sociétés.

Mme Kelly a ensuite évoqué le lien entre le genre, la sécurité humaine et la résilience en indiquant que l’insécurité et la multiplication des actes de violence communautaire touchaient de manières différentes les femmes, les hommes, les filles et les garçons, avec, souvent, des incidences particulièrement négatives pour les femmes et d’autres groupes vulnérables. Elle a examiné les conséquences d’actes comme les violences sexuelles commises en période de conflit sur les individus, les communautés et la sécurité mondiale, qui engendrent des cycles de violence dans la durée venant fragiliser la paix et la résilience. Mme Kelly a abordé les violences liées au genre dans les conflits politiques, indiquant que de telles violences ainsi que les violences sexuelles en période de conflit restaient fréquentes après un conflit et se déplaçaient alors dans la sphère privée, moins visible, ce qui rend difficile le relèvement postconflit.

Enfin, Mme Kelly a expliqué comment mesurer et évaluer le concept de résilience en partageant le fruit de ses recherches consacrées au nord de la République démocratique du Congo. Celles-ci ont abouti à des mesures validées et propres à certains projets qui ont été combinées en un score global de résilience. Ces mesures portaient notamment sur des attitudes internes et externes aux groupes, l’auto-efficacité, la résilience individuelle et la résilience communautaire. Les résultats des recherches de Mme Kelly ont montré que les scores globaux de résilience les plus élevés étaient le plus susceptibles de refléter des attitudes de tolérance envers des personnes de tribus et d’ethnies différentes.

En somme, le renforcement de la résilience exige une approche pansociétale qui doit passer par l’intégration de la dimension de genre pour mieux comprendre les facteurs de conflit. Cette compréhension aidera l’OTAN à anticiper les menaces et à s’y adapter, mais aussi à résister aux chocs stratégiques, à y répondre et à s’en remettre rapidement.