Combattre les armes de terreur

  • 04 Sep. 2015 -
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  • Mis à jour le: 14 Sep. 2015 16:50

Les attentats perpétrés récemment dans toute l'Europe montrent que le terrorisme reste bel et bien une menace pour les populations des pays de l'Alliance, tout comme d'ailleurs aussi le risque de voir des groupes terroristes s'armer de matières chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires. Cette année, face à ces menaces, le Centre de non-prolifération des armes de destruction massive (Centre ADM), qui célèbre son quinzième anniversaire, va intensifier ses activités.

CBRN experts from Germany and the United States are practising decontamination procedures during the 2014 Golden Mask exercise using high mobile decontamination systems.

À ce jour, aucun groupe terroriste ne paraît être en possession d'armes nucléaires, et la probabilité d'une attaque terroriste nucléaire reste faible, en raison de la difficulté de parvenir à fabriquer et à mettre en œuvre une arme de ce type. Les matières biologiques et chimiques toxiques sont toutefois relativement peu coûteuses, leurs composants étant souvent largement disponibles dans le commerce, et donc potentiellement à la portée des terroristes.

« Les menaces qui pèsent actuellement sur les sociétés occidentales, ainsi que sur les pays musulmans, vont du programme syrien d'armes chimiques aux activités de groupes terroristes tels que l'EIIL ou Al-Qaida, sans oublier les "loups solitaires" », a déclaré l'ambassadeur Sorin Ducaru, secrétaire général adjoint de l'OTAN pour les défis de sécurité émergents.

L'évolution de la menace

Il semble que l'accord historique sur le programme nucléaire iranien, conclu à Vienne le 14 juillet 2015 avec la forte implication de quatre importants pays membres de l'OTAN, ait permis de réduire le risque de voir l'Iran se doter de l'arme nucléaire. Mais il subsiste d'autres graves risques et défis pour l'Alliance et la sécurité internationale.

La Corée du Nord a montré, en effectuant ses essais nucléaires et de missiles balistiques en décembre 2012 et en février 2013, essais condamnés par le Conseil de sécurité de l'ONU, qu'elle avait le potentiel qui lui permettrait d'atteindre les territoires des pays membres ou partenaires de l'OTAN avec ses armes de destruction massive et ses missiles balistiques. Elle poursuit ses activités dans ces deux domaines, au mépris de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU imposant des sanctions.

La Syrie disposait d'un vaste programme d'armes chimiques, détenant plus de 1 300 tonnes d'agents chimiques létaux comme le sarin ou le gaz moutarde. Si la plupart des armes chimiques de la Syrie ont été retirées et détruites par la communauté internationale¹, notamment avec l'aide de sociétés et de militaires des pays de l'Alliance, des matières chimiques moins toxiques mais encore très dangereuses sont toujours disponibles et utilisées dans le pays.

Selon un rapport2 de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), du gaz sarin a été utilisé lors d'une attaque menée le 21 août 2013 à Ghouta, dans la banlieue de Damas, contre des civils, y compris des enfants, et  il est « pratiquement certain » que du chlore3 – un produit chimique dont on se sert souvent comme agent de blanchiment et pour le traitement des eaux a été employé dans les villages de Talmenes, de Tamanaa et de Kafr Zeita, entre avril et août 2014.

« Les images horribles de femmes et d'enfants blessés lors des attaques signalées aux membres du Conseil de sécurité de l'ONU attestent de la réalité de ces menaces », a déclaré M. Wolfgang Rudischhauser, directeur du Centre ADM de l'OTAN. « Des doutes subsistent quant à savoir si toutes les armes chimiques et matières nucléaires présentes sur le territoire syrien ont bien été déclarées. Certaines de ces matières pourraient toujours tomber entre les mains de l'EIIL, qui a montré, au travers des atrocités qu'il a perpétrées, notamment l'exécution d'un pilote jordanien, brûlé vif, et les décapitations d'hommes et, plus récemment, de femmes ; qu'il est prêt à commettre les crimes les plus épouvantables contre l'humanité », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, l'EIIL chercherait à s'approprier des armes chimiques provenant d'anciens sites iraquiens, notamment de deux bunkers qui contiennent toujours un vieux stock d'armes, principaux sites de production d'armes chimiques du temps de Saddam Hussein.  En Libye, les stocks de gaz moutarde au soufre, des agents de guerre chimique, ont été détruits en 2014. Cependant, plus de 800 tonnes de produits, pour la plupart des précurseurs d'armes chimiques, se trouvent toujours dans des entrepôts en Libye, et leur destruction devrait être achevée d'ici décembre 2016.4

En 2015, les attentats terroristes contre des touristes étrangers en Tunisie et l'attaque contre une usine de production de gaz en France ont montré combien nos populations étaient exposées de près à ces menaces. Celles-ci ne se limitent en aucun cas à la région du Moyen-Orient. « Les assaillants pourraient très bien utiliser des matières CBRN [chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires] facilement accessible, comme du chlore, des substances radioactives provenant d'unités de radiologie présentes dans les hôpitaux, ou des virus hautement contagieux comme le virus Ebola ou MERS », a précisé M. Rudischhauser.

« Même s'ils ne feraient pas un nombre élevé de victimes, de tels attentats, du fait de leurs effets mal connus et des opérations de décontamination nécessaires,  pourraient créer des situations de panique ou avoir des conséquences significatives sur l'économie. Les attaques menées contre des installations industrielles faiblement protégées dans lesquelles des produits chimiques ou biologiques dangereux sont manipulés rerpésentent elles aussi un risque bien réel ». a-t-il ajouté.

La réponse de l'OTAN

L'OTAN n'est pas restée inactive face à l'émergence de ces menaces.  La décision prise par les dirigeants des pays de l'Alliance, en avril 1999 déjà, à Washington, de créer le Centre ADM est plus que jamais opportune. Lancé en mai 2000 et situé au siège de l'OTAN, à Bruxelles, le Centre ADM, qui célèbre cette année son quinzième anniversaire, adapte sa réponse en fonction de l'évolution de ces menaces.

« Le Centre a joué un rôle central dans le partage d'un très grand nombre d'informations avec la Russie dans le cadre du Conseil OTAN-Russie, de 2000 à 2005 », indique Ted Whiteside, secrétaire général adjoint par intérim de l'OTAN pour la diplomatie publique et premier chef du Centre ADM. « Ces échanges couvraient tous les aspects de la prolifération, et plus particulièrement la technologie des missiles.  Le Centre avait également des discussions avec les pays partenaires.  C'était une période passionnante et nous pouvons être très fiers de tout le travail que nous avons accompli », ajoute-t-il.

Depuis lors, de nombreuses mesures ont été prises et des résultats obtenus en ce qui concerne l'amélioration de la résilience de l'OTAN face aux menaces CBRN et à celles liées aux ADM, montrant ainsi que l'Alliance est prête à y répondre. 

Parmi les outils dont dispose l'OTAN, citons la capacité de défense antimissile balistique mise en place avec des intercepteurs et des capteurs positionnés sur le territoire de l'Alliance et en mer. La capacité opérationnelle intérimaire a été atteinte en 2012. 

La force opérationnelle multinationale interarmées de défense CBRN est un organisme militaire de l'OTAN spécialement entraîné et équipé pour faire face à des incidents et/ou à des attaques CBRN dirigés contre les populations, le territoire ou les forces des pays de l'OTAN. Cette force à haut niveau de préparation, qui fait partie de la Force de réaction de l'OTAN (NRF), peut en outre être déployée pour aider des Alliés à gérer des situations de crise telles que des catastrophes naturelles ou des incidents industriels.

Selon le colonel Henry Neumann, à la tête du Commandement défense CBRN de la Bundeswehr, « la force opérationnelle promeut les nouvelles capacités et les nouvelles idées permettant de répondre à de nouveaux défis. Elle offre toutes les capacités requises, depuis la reconnaissance CBRN, y compris le prélèvement et l'identification d'agents de guerre CBRN, jusqu'au traitement des substances toxiques d'origine industrielle et à la décontamination CBRN ».

Dans le cadre de la force opérationnelle, un laboratoire d’analyse NBC transportable peut être rapidement et facilement déployé sur le théâtre pour procéder à des recherches, à des prélèvements et à des analyses à des fins d’identification d'agents nucléaires, biologiques ou chimiques. L'Alliance s'appuie en outre sur les capacités nationales de défense NBC des Alliés pouvant être rapidement déplacées vers le théâtre.

L'OTAN dispose en outre d'un système de surveillance épidémiologique facilitant le recueil d’informations sur toute apparition de maladie et permettant de fusionner les données provenant de sources diverses afin d'alerter les commandants OTAN  de la dissémination inhabituelle d'un agent biologique.

Le partage de l’information et du renseignement sur les ADM et le terrorisme joue un rôle important dans le recensement de menaces et sources de financement potentielles ainsi que dans le repérage d'attaquants potentiels, de leurs réseaux de soutien, de sites de fabrication d'armes et d'itinéraires envisagés pour l'acheminement d'agents chimiques ou biologiques. Le Centre de fusionnement du renseignement (IFC), qui se situe au Royaume-Uni, joue un rôle important dans ce domaine. Il s'agit d'un organisme multinational de renseignement où 26 pays de l'OTAN sont représentés. Sous l'autorité du commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), il fournit du renseignement afin de mettre en garde contre des crises potentielles et de soutenir la planification et l’exécution des opérations de l'OTAN. Le Centre ADM établit également régulièrement des analyses et des rapports sur les menaces et les questions liées aux ADM, sur la base des informations que lui transmettent les Alliés. 

Le Centre d'excellence interarmées de l'Alliance pour la défense CBRN, installé en République tchèque, propose des formations et son expertise au personnel militaire des pays alliés et des pays partenaires ; il comporte un « centre de téléexpertise » dont le rôle consiste à réagir et en donnant des avis scientifiques et opérationnels 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en cas d'attaque contre des forces militaires, et à aider à protéger les populations civiles face aux conséquences d'un attentat terroriste.

Le Centre d’excellence pour la défense contre le terrorisme, situé à Ankara (Turquie), fournit des avis et organise des formations et des entraînements portant sur la menace terroriste, et notamment sur le rôle de la communication stratégique dans la lutte contre le terrorisme et sur la question des terroristes autochtones.

La défense contre les menaces terroristes est l'une des principales priorités du programme OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité (SPS). Ce dernier est associé à un large éventail de projets, d'ateliers et de stages de formation consacrés aux questions CBRN. Par exemple, dans le prolongement de la décision d'intensifier les relations avec l'Ukraine et les partenaires orientaux, deux stages de formation visant à renforcer la préparation à l'échelon régional en cas d’incident CBRN ont eu lieu en République tchèque et en Bulgarie, avec la participation d'experts venus d'Arménie, d'Azerbaïdjan, de République de Moldova et d'Ukraine.

L'OTAN planifie actuellement l'organisation, au Koweït, d'un stage pour commandants sur les  incidents CBRN. Ce stage s'appuiera sur le scénario fictif d'un événement public menacé par l'explosion d'un engin improvisé contenant des matières CBRN.

D'autres centres d'excellence, des agences de l'OTAN et certains Alliés investissent en permanence des ressources dans des capacités d’alerte et de préparation, de protection individuelle et de gestion des risques CBRN, afin d'être prêts à réagir en cas d'attaque.

  1. https://www.opcw.org/news/article/disposal-of-effluents-from-neutralised-syrian-chemical-weapons-completed/)
  2. http://www.opcw.org/index.php?eID=dam_frontend_push&docID=18118
  3. http://photos.state.gov/libraries/netherlands/328666/pdfs/THIRDREPORTOFTHEOPCWFACTFINDINGMISSIONINSYRIA.pdf et https://www.opcw.org/news/article/opcw-adopts-a-decision-on-reports-of-the-fact-finding-mission/
  4. https://www.opcw.org/news/article/libya-completes-destruction-of-its-category-1-chemical-weapons/