Discours
du secrétaire général de l'OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen, à la Commission européenne sur le rôle des femmes dans le domaine de la paix et de la sécurité
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Voici longtemps que je plaide pour un renforcement de la coopération entre l'OTAN et l'Union européenne. Je suis dès lors très heureux que la conférence d'aujourd'hui soit pour nous tous l'occasion de dégager des solutions pratiques à l'un des principaux problèmes de sécurité de notre temps.
La victimisation systématique des femmes dans les conflits et leur marginalisation dans les questions touchant à la consolidation de la paix ont un impact majeur sur la sécurité dans le monde. De fait, les femmes, de tous âges, sont de manière disproportionnée les victimes des conflits et des situations anarchiques qui leur font suite.
Dans le même temps, les femmes se voient bien trop souvent refuser tout rôle lorsqu'il s'agit de maintenir, de restaurer ou de défendre la stabilité. Cette exclusion se traduit par une aggravation des menaces pesant sur la stabilité régionale, par une recrudescence de la violence et par la prolongation des conflits. J’en suis convaincu il faut que nous nous attaquions à ces problèmes avec toute notre énergie et, si possible, conjointement si nous voulons relever avec succès les défis de sécurité du XXIe siècle.
Ainsi, nous pourrons construire des bases solides. La résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies est un appel fort, d'une part, à protéger les personnes les plus vulnérables lors de conflits et de leurs effets subséquents et, d'autre part, à renforcer la participation des femmes à la consolidation de la paix et de la sécurité.
L'OTAN a entendu cet appel. Nos autorités militaires ont établi des directives visant à l'intégration des questions d'équité entre les sexes dans l'ensemble des plans et des opérations de l'Alliance. Sur la base de la résolution 1325, nous avons adopté un code de conduite strict pour tous les personnels militaires de l'OTAN et nous sommes engagés à nous y conformer ; nous avons considérablement augmenté la représentation des femmes au sein des services politiques de l'Organisation, et nous avons étudié avec soin l'importance que revêtent les questions d'équité entre les sexes dans le succès de l'opération que nous menons en Afghanistan.
Il s'agit là d'avancées majeures, mais il demeure que notre objectif commun doit être de combler cet écart – et de le combler rapidement. C'est la raison pour laquelle j'aimerais proposer, du point de vue de l'OTAN, trois domaines d'action, à savoir :
Tout d'abord, il nous faut mieux tirer parti du potentiel que les femmes offrent pour nos opérations. Ces dernières années, les forces de l'OTAN en Afghanistan se sont tout particulièrement intéressées aux questions touchant à l'équité entre les sexes.
Plusieurs conseillers pour l'équité homme-femme sont ainsi en fonction auprès de notre quartier général à Kaboul, de nombreuses équipes de reconstruction provinciale emploient aujourd'hui des experts en la matière, et le corps des Marines des États‑Unis a commencé à déployer des unités militaires exclusivement féminines dans certaines des provinces afghanes où la situation est la plus difficile… Toutes ces initiatives ont donné des résultats extrêmement positifs : missions menées plus efficacement, amélioration de la protection de la population civile et de nos propres forces. Cela nous a également permis de mieux atteindre l'ensemble de la population afghane.
Toutefois, nous manquons toujours de spécialistes qualifiés des questions de genre, de femmes interprètes et nous n’avons pas assez de femmes soldats.
Cela m'amène à mon deuxième point : non seulement nous devons intégrer la problématique du genre dans notre planification et dans nos opérations, mais il nous faut aussi nous employer de manière proactive à développer nos capacités dans ce domaine. Aujourd'hui, le nombre de femmes servant sous les drapeaux au sein de l’OTAN varie nettement d’un pays à l’autre.
Dans certaines forces de l'OTAN, la proportion de femmes peut atteindre jusqu'à 18 % ; par contre, dans d'autres, elle ne dépasse guère 3 %. De plus, nous ne disposons pas d'un nombre suffisant de spécialistes qualifiés des questions de genre, hommes ou femmes, pour répondre à tous les besoins actuels ou potentiels.
Je suis conscient que certains de ces déséquilibres sont l'héritage de la tradition militaire enracinée dans tel ou tel pays membre et qu'il faudra du temps pour que cette tradition puissent être dépassée. Mais, il faudra absolument s'y attaquer, en toute conscience.
Les forces armées ne répondent qu'en partie aux défis sécuritaires d'aujourd'hui, et il ne suffira pas de leur adjoindre des effectifs féminins. En Afghanistan comme dans d'autres régions du monde, la consolidation de la paix est tout autant une question d'aide civile, de développement économique et de mise en place d'une bonne gouvernance qu'une question de sécurité dure. Et la grande majorité de ceux qui sont chargés des aspects civils de la consolidation de la paix ne sont pas déployés par l'OTAN, mais par d'autres acteurs.
Ceci m'amène tout naturellement à mon dernier point : il faut approfondir la coopération et la coordination avec les institutions internationales pour ce qui est des questions liées aux femmes, à la paix et à la sécurité. Cette conférence est une première étape importante. Il faut maintenant que d'autres étapes plus pratiques suivent. Dans le domaine de la formation, en particulier, je pressens d'énormes synergies potentielles. La formation interdisciplinaire et l'éducation pourraient être très bénéfiques pour les organisations gouvernementales et non gouvernementales. En fait, pour ce qui est de la formation et des opérations sur le terrain, il est probable que nous puisions dans la même réserve de ressources.
Mesdames et Messieurs,
Renforcer le rôle des femmes et mieux les protéger contre les dangers particuliers auxquels elles sont confrontées lors de conflits armés seraient un grand pas en avant, non seulement pour elles, mais aussi pour nous tous. C’est là à mon avis un élément essentiel de l'approche globale des défis sécuritaires du XXIe siècle. Dix ans après l’adoption de ce texte innovant qu’est la résolution 1325 du Conseil de sécurité, j'espère et suis confiant que nous pourrons nous engager dans ces nouvelles étapes.
Je souhaite que nous puissions marquer ce dixième anniversaire par le lancement d’une plate-forme commune et, je l’espère, en ouvrant des pistes d’action communes.
Je vous remercie.