La réussite d'une femme d'affaires à Hérat, en dépit d'une forte opposition

La mosquée qu'elle a fondée est toujours là, et c'est au pied de ses minarets qu'une autre Afghane, dont la réussite est exemplaire, vient chercher aujourd'hui l'inspiration.

« Cette sultane est un symbole pour toutes les femmes afghanes qui cherchent à atteindre leurs objectifs et à concrétiser leur vision », déclare Roya Mahboob, directrice générale de l'une des principales entreprises de développement logiciel de Hérat.

Réfugiée en Iran jusqu'en 2003, Roya Mahboob est rentrée en Afghanistan, où elle a débuté comme volontaire dans une ONG française, spécialisée dans les médias, qui lui a enseigné l'anglais. Elle a ensuite étudié à l'université, où elle a obtenu un diplôme en informatique, et elle dirige maintenant une ONG pour les femmes ainsi que sa propre entreprise.

Une réussite exemplaire malgré les obstacles

Ses accomplissements forcent l'admiration, mais il ne faut pas oublier que pour en arriver là, Roya a dû vaincre l'opposition d'une population conservatrice et passer outre des menaces répétées reçues par téléphone et par courrier électronique. Bien qu'elle ait eu peur au début, la persistance des messages et la connaissance détaillée de tous ses mouvements ont eu tôt fait de convaincre la jeune femme d'affaires que ces menaces provenaient très probablement d'habitants de la région envieux de sa réussite, plutôt que des talibans, qui, selon elle, n'ont ni le temps ni le désir de la suivre de si près.

Elle se rend également à son travail en voiture – ce qui est extrêmement rare en Afghanistan, où très peu de femmes conduisent. Son attitude a suscité des réactions négatives, nous raconte-t-elle tout en conduisant.

« Je reçois des mises en garde et parfois on me harcèle en m'appelant sur mon téléphone portable et en me demandant de ne plus prendre le volant ou d'arrêter de travailler avec des étrangers. »

Une œuvre de pionnière

Sa société - la Afghan Citadel Software Company (ACSC) - a déjà développé un logiciel pour un hôpital local, ce qui a permis de remplacer les dossiers médicaux sur papier par des dossiers informatisés. Cela a aussi facilité le programme OTAN « SOIE-Afghanistan » grâce auquel l'université de Hérat bénéficie d'une connexion Internet fiable.

Ce succès n'a pas seulement suscité des réactions négatives à l'encontre de Roya. Les femmes avec lesquelles elle travaille ont elles aussi été menacées, mais d'une tout autre façon, typique du XXIe siècle. Une informaticienne responsable du développement de logiciels nous a raconté qu'elle recevait par courriel des menaces de piratage du site web de la société. Les pirates ont réussi une première fois, mais maintenant l'entreprise a amélioré la sécurité de son site web et, malgré les menaces persistantes provenant de prétendus pirates, il n'y a pas eu d'autre incident.

Plus de la moitié des collaborateurs de Roya sont des femmes, et c'est là un exploit dans une société extrêmement conservatrice, où les familles empêchent souvent leurs filles de travailler à l'extérieur, par peur des représailles. Mais Suzanna, la responsable médias d'ACSC, explique que le succès de l'entreprise et aussi les visites de Roya à son père ont apaisé les craintes de sa famille. Portant un foulard de couleurs vives, Suzanna nous montre timidement sa dernière vidéo en ligne.

« Quand mon père a vu ma vidéo sur YouTube, il a été très heureux ; il a eu du mal à croire que c'était moi qui avais fait cette vidéo et que le nom de la réalisatrice, qui figurait au générique, c'était bien moi, Suzanna. C'est ainsi qu'il a commencé à croire en moi. »

Les pionniers modernes, comme Roya et ses collaboratrices, devront toujours travailler plus dur pour réaliser leurs rêves. Mais avec une détermination pareille, parions qu'ils trouveront toujours un moyen de réussir.