La compétition pour l'excellence
« Courir à travers les fourrés en brodequins militaires est une épreuve à part en termes d'endurance », affirme avec une grimace Falk Grundschok, en voyant ses équipes épuisées revenir de la course d'orientation du pentathlon des réservistes qui s'est tenu à Varsovie (Pologne) le 7 août. Onze pays membres de l'OTAN ont pris part à ce pentathlon, une manifestation organisée chaque année par la Confédération interalliée des officiers de réserve (CIOR) et soutenue par l'OTAN. Les participants s'entraînent pendant des mois pour être prêts le jour venu. À la différence d'un pentathlon normal, cette version spéciale comporte des épreuves permettant de tester des compétences militaires spécifiques : tir, parcours d'obstacles terrestre et aquatique, et course d'orientation, à quoi viennent s'ajouter les premiers secours et le droit des conflits armés. Et au cas où cela ne suffirait pas, ceux qui participent à ce week-end de très sérieuse compétition pourraient aussi, dans un registre plus léger, avoir droit à des cérémonies d'initiation.
Chaque année, des réservistes de l'armée passent des mois à s'entraîner avant d'investir un coin de campagne dans un pays membre de l'OTAN (le prochain pentathlon aura lieu au Danemark en juillet 2012) pour s'affronter dans des épreuves spécialisées pendant trois jours éreintants.
Pour les réservistes, cela implique souvent que l'entraînement vient en sus de leurs engagements professionnels civils. « Être indépendant est un gros avantage, notamment quand il s'agit d'organiser l'entraînement et les périodes-rappels de réserve », explique M. Grundschok. D'autres, comme l'entraîneur en chef du Canada, Simon Gasse, ont pu intégrer l'entraînement dans leur travail, en l'occurrence celui d'« instructeur de conditionnement physique » à temps plein dans les forces canadiennes. Même dans ces conditions, M. Gasse admet qu'avec déjà une semaine de travail de 40 heures, cela n'est pas facile et qu'il faut être rigoureux dans la gestion de son temps.
L'entraînement, un mode de vie

« L'entraînement a toujours fait partie de ma vie. Il est important pour moi d'être actif. Enfant, puis adolescent, je jouais au hockey sur glace et je pratiquais divers sports à l'école. Aujourd'hui je me maintiens en forme principalement en courant et en faisant du VTT », remarque M. Gasse.Lorsqu'il raconte comment son amour du sport l'a amené à entrer dans la réserve et à travailler dans le secteur militaire, il ajoute qu'à l'adolescence, il s'est inscrit dans le programme des cadets du Canada. « On y enseigne aux adolescents tout ce qu'il faut savoir sur les activités de plein air comme le camping, la randonnée à la boussole, etc. », indique-t-il. « Les responsables de ce programme étaient des réservistes. Lorsque j'ai eu 19 ans, j'ai donc décidé de m'engager dans la réserve pour devenir instructeur de cadets, et c'est ce que je fais depuis dix-huit ans. »
Pour avoir de bons résultats au pentathlon de la CIOR, il faut des compétences spécialisées et de l'endurance, déclare Grant Staats, l'officier chargé des programmes de compétition militaire de la CIOR pour les États-Unis. « Les participants doivent sacrifier de leur temps sur leur vie de famille et leur activité professionnelle pour s'entraîner dans toutes les disciplines de la compétition. Comme d'autres participants, je me suis préparé à cette manifestation annuelle alors que j'étais en Iraq, au Koweït et au Qatar. L'équipe de cette année compte des membres qui reviennent tout juste d'Afghanistan », fait-il observer.
Bien qu'il n'ait pas participé personnellement à la compétition de cette année, M. Staats a contribué à l'entraînement de l'équipe des États-Unis, qui a débuté l'hiver dernier. « Pendant l'hiver, il faut se concentrer sur la mise en place de bases solides en course à pied et en natation, pour travailler les épreuves sur piste et la vitesse au printemps », rappelle-t-il en décrivant le rigoureux programme d'entraînement. « Après, en mai et en juin, les candidats se concentrent sur la course de fond en forêt et les séances d'entraînement intensif en piscine. Des stages ont lieu à Camp Jonhson et Camp Ethan Allen en juillet. » Pour tous ceux qui y participent, c'est un engagement sérieux.
La famille des réservistes

« Quand on est dans la réserve, on fait partie d'une grande famille internationale », déclare M. Grundschok, qui a quitté le service actif en 2001 et a rejoint la CIOR en 2003. « Ce que j'apprécie particulièrement, c'est de rencontrer des camarades de la CIOR en dehors de ce forum, par exemple dans des épreuves de parcours du combattant ou dans des marches d'endurance un peu partout en Europe, parfois même lors de voyages d'agrément. Je me sens vraiment très privilégié de connaître des gens aussi intéressants et pleins de ressources à travers le monde », estime-t-il.
C'est aussi ce que pense M. Staats, qui a quant à lui, quitté le service actif pour fonder une famille et être auprès des siens à la maison, tout en conservant ses liens avec l'armée. En 25 ans de réserve, il a participé à trois déploiements au Moyen-Orient. « Mon statut de réserviste m'a permis d'intégrer tous les éléments importants de ma vie », fait-il remarquer, ajoutant que la réserve regroupe des hommes et des femmes engagés qui estiment qu'il est de leur devoir de servir leur pays et de protéger leurs familles et leurs libertés. « J'ai découvert une solide fraternité auprès de camarades de mon milieu et d'autres secteurs de l'armée, sans parler des amitiés profondes et durables que j'ai nouées avec des réservistes d'autres pays de la CIOR. »
Et il se plait à terminer l'entretien en relatant un épisode survenu à l'occasion d'une initiation lors du pentathlon de la CIOR tenu à Istanbul (Turquie) en 2008. Il y a, dit-il, dans le parcours terrestre, un obstacle tristement célèbre baptisé le "Tube d'aspirine", qui se présente comme un trou carré de 60 cm sur 60 dans lequel il faut sauter avec élan.
« Pour exécuter parfaitement la manoeuvre, il faut simplement rentrer la tête et plonger dans le trou pour se laisser glisser dans un tunnel d'1m50 de long. Dans mon cas, il semble que j'aie davantage un cou d'échassier qu'un cou de tortue, et je me suis ouvert la tête sur cet obstacle impitoyable, qui doit son surnom au fait qu'une médication s'impose après qu'on l'a franchi », explique-t-il. Bien qu'il se soit remis du choc, M. Staats garde le souvenir très net de son évacuation à travers le camp d'entraînement jusqu'au centre médical « sous des applaudissements chaleureux ». « La situation était pour le moins embarrassante, mais j'ai été touché par les marques d'attention et d'émotion de mes camarades, témoignage de cette solide fraternité », fait-il observer.