L’Alliance, trait d'union entre forces spéciales – Les Royal Marines britanniques s’entraînent aux côtés des bérets verts américains en Allemagne
Le Royaume-Uni et les États-Unis entretiennent depuis longtemps une « relation spéciale » – expression forgée en 1946 par le premier ministre britannique de l’époque, Winston Churchill, pour décrire les liens forts unissant les deux pays sur les plans culturel, politique et militaire en raison de leur histoire commune. Récemment, les forces spéciales américaines et les Royal Marines britanniques ont eu l’occasion d’approfondir cette relation en s’entraînant ensemble en Allemagne.
Des membres du 45e commando des Royal Marines britanniques aux côtés de bérets verts du 10e groupe de forces spéciales (aéroportées) de l’armée de terre américaine lors d’une mission d’entraînement à Grafenwöhr, en Allemagne (photo prise par le lieutenant
Les bérets verts du 10e groupe de forces spéciales (aéroportées) de l'armée de terre des États-Unis et le 45e commando des Royal Marines britanniques ont fait équipe pendant deux semaines dans la zone d'entraînement de Grafenwöhr, dans le sud de l'Allemagne. Ils se sont exercés à mener des raids « d'action directe », conjuguant vitesse, furtivité et effet de surprise pour vaincre les forces d'opposition. La journée, ils planifiaient et répétaient leurs missions dans des baraquements isolés, situés dans un coin de la zone d'entraînement. Une fois la nuit tombée, ils vérifiaient leurs armes, s'équipaient et grimpaient dans un M1288 GMV 1.1s, un véhicule utilitaire léger doté de nombreuses armes.
Si les missions variaient d'une nuit à l'autre, elles visaient toutes à tester l'aptitude des bérets verts et des commandos des Royal Marines à travailler ensemble sous pression. Les bérets verts se targuent de leur « maîtrise des fondamentaux », mais quand il s'agit de se battre aux côtés de soldats d'un autre pays, les petites différences de tactiques et de techniques peuvent engendrer des frictions.
De tels exercices permettent aux bérets verts et aux Royal Marines de repérer et de résoudre les problèmes, de sorte qu'ils puissent, en cas de crise, combattre côte à côte de façon harmonieuse.
« Dès le début, nous avons vu que ces soldats formaient une force de combat hautement qualifiée », a déclaré l'adjudant des bérets verts en charge de l'entraînement (comme la plupart des membres des forces spéciales, il garde l'anonymat pour des raisons de sécurité). Et d'ajouter : « Ils sont très motivés et compétents sur le plan tactique, et jouissent d'une bonne condition physique. »
Un Royal Marine britannique tient une mitrailleuse M2 de calibre .50 sur le toit d'un véhicule utilitaire léger M1288 GMV 1.1 au cours d'un exercice de tir réel dans la zone d'entraînement de Grafenwöhr (photo prise par le lieutenant Rob Kunzig, de la marine des États-Unis).
Cet exercice n'est que le dernier en date d'une série d'entraînements conjoints devant permettre à chacune des deux forces de mettre à profit les compétences de l'autre. En 2022, les Royal Marines ont accueilli les bérets verts dans les collines escarpées d'Écosse, où les Américains ont été confrontés au fameux mauvais temps britannique et ont pu profiter de l'expertise de leurs hôtes en matière de combat en montagne. Plus tard, les bérets verts ont rejoint les Royal Marines à Bardufoss, en Norvège, où ces derniers affinent depuis des décennies leurs compétences en matière de combat en milieu arctique, au travers de tactiques qui leur permettent de donner le meilleur d'eux-mêmes dans les conditions extrêmement dangereuses du Grand Nord.
Les troupes britanniques et américaines ne se contentent pas de s'entraîner sur le territoire d'autres pays de l'Alliance, comme l'Allemagne ou la Norvège, elles participent également à des exercices avec les forces spéciales de ces pays. Ces entraînements, qui peuvent être bilatéraux ou multinationaux, permettent aux pays de l'OTAN et aux partenaires de s'exercer à agir ensemble et d'apprendre les uns des autres. Les forces spéciales sont un atout important pour l'OTAN, en particulier car elles peuvent être déployées pour résoudre des problèmes précis dans des situations nécessitant la conduite d'opérations clandestines (et potentiellement à haut risque).
En Allemagne, c'était au tour des bérets verts de mettre les Royal Marines à l'épreuve. Chaque mission d'entraînement était suivie d'une impitoyable analyse après action, au cours de laquelle chaque aspect du raid était décortiqué et examiné en détail. Ainsi, un adjudant des bérets verts a rappelé aux soldats américains et britanniques l'importance d'une utilisation rigoureuse des lasers infrarouges et des lampes torches dans les actions menées à l'encontre d'un adversaire équipé de moyens de vision nocturne. Les Royal Marines ont pris cette remarque à cœur et, au cours de la mission suivante, ils ont réussi à s'infiltrer dans les bâtiments cibles sans se faire repérer.
« Ils cherchent constamment à s'améliorer, et ce tout au long de leur service », a déclaré l'adjudant américain.
Des Royal Marines britanniques et des bérets verts américains verrouillent et chargent leurs armes avant d'entamer une mission d'entraînement à Grafenwöhr (photo prise par le lieutenant Rob Kunzig, de la marine des États-Unis).
Les raids d'action directe sont un élément fondamental de l'héritage des Royal Marines. Créés pendant la Seconde Guerre mondiale, les commandos britanniques ont été les pionniers de l'utilisation de petites unités chargées de frapper des cibles se trouvant loin derrière les lignes ennemies. Ils étaient tellement efficaces qu'en 1942, le haut commandement nazi a émis l'« ordre commando », qui exigeait l'exécution immédiate de tout commando capturé.
Aujourd'hui, les Royal Marines s'inspirent de ces équipes audacieuses pour tenter d'évoluer encore. Dans le cadre d'un travail intensif de modernisation connu sous le nom de Future Commando Force, les Royal Marines sont en train de transformer leurs unités commandos en forces de petite taille, à la pointe de la technologie et agiles sur le plan opérationnel, capables de mener des opérations spéciales aux côtés de leurs homologues des pays de l'OTAN.
« Nous sommes en quelque sorte en train de revenir à nos origines », a déclaré le capitaine à la tête du détachement des Royal Marines à Grafenwöhr. « L'objectif de ces petites unités n'est pas de s'en prendre seules à des forces ennemies de grande taille, mais de causer des dégâts et de perturber l'ennemi en attaquant des cibles vulnérables stratégiques. »
Un béret vert américain tire avec une mitrailleuse M240 au cours d'un exercice de tir réel mené avec les Royal Marines britanniques à Grafenwöhr (photo prise par le lieutenant Rob Kunzig, de la marine des États-Unis).
D'après le capitaine britannique, les bérets verts américains sont les partenaires idéaux pour cette mission non conventionnelle. Non seulement ils maîtrisent l'art du raid d'action directe, mais ils sont également capables d'utiliser leur bagage culturel pour évoluer dans un monde de plus en plus compliqué. Et pour les Royal Marines, il ne s'agit pas uniquement d'enfoncer des portes ; on peut en effet s'attendre à ce que la future force commando doive mener un raid en profondeur derrière les lignes ennemies puis user de diplomatie et de ruse pour revenir en territoire ami.
Comme l'a déclaré le capitaine britannique, « il n'est pas uniquement question de force brute et d'actions violentes, mais aussi de renseignement et de précision. »
Il s'agit également de tisser des liens. À Grafenwöhr, les bérets verts et les Royal Marines partageaient des baraquements ouverts où fusaient les plaisanteries et taquineries. Chaque soir, ils se rassemblaient pour une tradition des Royal Marines consistant à « écussonner » un soldat : celui qui avait commis l'erreur tactique la plus embarrassante au cours de la journée d'entraînement devait porter un écusson humoristique. Pour un Royal Marine, c'est le fait d'avoir cogné son fusil contre une rampe en métal dans une maison plongée dans le noir qui lui a valu d'être écussonné ; pour un soldat des forces spéciales américaines, c'est le fait d'avoir raté de manière spectaculaire son saut au-dessus d'une barrière.
À Grafenwöhr, des Royal Marines britanniques et des bérets verts américains se préparent à une mission d'entraînement en effectuant au préalable un exercice sur table (photo prise par le lieutenant Rob Kunzig, de la marine des États-Unis).
Au-delà des railleries, des liens d'affection se sont noués au cours de ces semaines de travail acharné et d'épreuves partagées. En période de crise, de tels liens pourraient faire toute la différence.
Selon le capitaine britannique, « grâce à cette collaboration avec les Américains, une confiance mutuelle s'est installée, qui nous permet de repousser nos limites. Sur le terrain, nous grandissons et apprenons réellement en tant que force. »
Une version de cet article a été publiée précédemment dans Tip of the Spear, le magazine du Commandement des opérations spéciales des États-Unis (USSOCOM). L'article est reproduit ici avec l'autorisation de l'USSOCOM.