Discours par l'amiral Giampaolo Di Paola, Président du Comité militaire de l'OTAN

à la 57ème session annuel de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN à Bucarest, Roumanie

  • 08 Oct. 2011 -
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  • Mis à jour le: 14 Oct. 2011 17:07

Monsieur le Président, Monsieur le Président de l’Assemblée, Monsieur Karl Lamers, chers membres de l’Assemblée, c’est un plaisir et un privilège d’être ici aujourd’hui, et je vous remercie de votre invitation.

Comme l’a rappelé le Président, le thème aujourd’hui est la Libye. Les conséquences des opérations que l’Alliance mène dans ce pays sont nombreuses. Tout d’abord, examinons un instant l’opération Unified Protector – c’est le nom donné à l’engagement de l’Alliance en Libye ; c’est la première opération de l’OTAN qui a été entreprise après que les chefs d’État et de gouvernement ont approuvé le concept stratégique à Lisbonne. Nous pouvons donc penser et dire que l’opération en Libye est également la première application de ce concept, ce qui, je pense, a un sens politique très fort. Mais il existe un autre aspect ; pour la première fois, notre engagement a lieu dans une partie du monde, dans ce cas la Libye, qui appartient à la zone du Dialogue méditerranéen. La Libye n’est pas membre du Dialogue méditerranéen, mais il reste que nos partenaires du Dialogue méditerranéen nous ont toujours considérés avec, disons, une certaine prudence. Je ne veux pas dire suspicion, mais prudence. Un engagement dans cette partie du monde est toujours jugé très délicat, très sensible et très improbable. Bien, c’est arrivé et cela montre que nous ne prévoyons jamais exactement ce que nous allons faire, ni où nous pourrions intervenir ou non.

Aussi, le premier enseignement, dirais-je, politique, qu’il faut tirer de l’opération en Libye, est que nous devons faire preuve de souplesse d’esprit et de souplesse politique, parce qu’il y aura toujours une surprise. Nous ne prévoirons jamais exactement ce qui va se produire. Nous avons donc besoin de souplesse d’esprit et de souplesse politique pour pouvoir réagir à n’importe quelle crise naissante, même lorsque nous ne l’avons pas prévue, et, en général, nous ne prévoyons pas les crises. Avions-nous prévu que nous serions en Afghanistan en 2000 ? Non, et pourtant nous y sommes depuis dix ans. Nous y sommes encore, dirais-je, avec succès. L’imprévisibilité est donc, à mon avis, la caractéristique essentielle de l’environnement de sécurité actuel. La capacité de s’adapter et de réagir à l’imprévisibilité est donc fondamentale, et il s’agit d’une capacité politique à réagir à cette imprévisibilité.

D’autre part, nous nous sommes engagés en Libye, et le sommes encore, au nom de la communauté internationale, plus précisément en application des résolutions 1970 et 1973. Nous avons donc réagi de manière très rapide à la demande de la communauté internationale et, notamment, à la résolution 1973 du Conseil de sécurité afin de protéger la population libyenne. Cette résolution est donc non seulement fondamentale par ce qu’elle représente, mais également parce qu’il s’agit de l’un des premiers cas dans lesquels la communauté internationale et les Nations Unies nous ont demandé à tous d’agir en leur nom pour protéger la population des agissements de ses propres dirigeants. C’est une résolution plutôt exemplaire. La protection de la population est aujourd’hui reconnue comme une valeur au sein de la communauté internationale, qui peut justifier, dans certains cas, le recours à la force armée. Et quand cette situation est apparue, qui est intervenu ? Cette Alliance – n’est-ce pas plutôt remarquable ? Tout comme le fait que dans les sept jours suivant un texte aussi déterminant que de la résolution 1973, adoptée le 17 mars, l’Alliance était en mesure de réagir, de planifier, de prendre des décisions et d’intervenir. Et vous savez combien il est difficile de prendre des décisions au sein d’une Alliance de 28 membres, dans laquelle chaque membre a le droit d’exprimer son opinion, pour obtenir un consensus. L’Alliance fonctionne par consensus ; il aurait suffi qu’un seul pays dise « non » et ne serions pas là-bas. Établir un consensus, en une semaine, sur une question aussi délicate que celle du recours à la force armée en Libye, constituait donc un résultat plutôt remarquable, tout comme procéder à la planification parallèlement au déroulement du processus politique. Dans le même temps, nous avons élaboré des plans et nous étions également en mesure de réunir et de faire intervenir les forces. C’est donc un résultat plutôt remarquable.

Mais il faut également préciser que, dans ce cas, il a été décidé de n’utiliser que des moyens aériens et maritimes. Moyens maritimes, avec l’embargo sur les armes, et moyens aériens, avec la zone d’exclusion aérienne. Je tiens d’ailleurs à rappeler les trois axes de la résolution : l’embargo sur les armes, la zone d’exclusion aérienne et la protection des civils. Nous n’utiliserions que des moyens aériens, pas de forces terrestres et pas de troupes au sol.

Nous avons mené et nous continuons de mener une opération qui ne fait appel qu’à des moyens aériens et maritimes. À ce jour, on dénombre plus de 25 000 – je le répète – plus de 25 000 missions aériennes au-dessus de la Libye. Sur ces 25 000 missions, plus de 10 000 ont été des frappes, c’est-à-dire des bombardements – appelons les choses par leur nom, qui n’ont provoqué ni pertes ni dommages collatéraux civils. Il n’y a eu qu’un cas, à ma connaissance, d’arme perdue qui n’a pas atteint sa cible. Mais ce point n’est pas clair, et disons-le tout à fait honnêtement, nous ne savons pas où l’arme est partie. Elle pourrait donc avoir fait des victimes, mais nous ne le savons pas. Une frappe sur 10 000 : je pense que le Secrétaire général a raison lorsqu’il déclare qu’il s’agit d’une précision incroyable et sans précédent. Quand nous avons lancé cette opération, l’impératif était de ne faire aucune victime et de ne provoquer aucun dommage collatéral. Et « aucun », pour nous tous, signifie « zéro ». Toutefois, « humainement », la perfection n’existe pas et nul n’est parfait, mais si vous regardez les chiffres, ceux que nous connaissons, pas ceux diffusés par la propagande de Kadhafi, avec le chiffre de seulement un incident pour 10 000 frappes, nous pouvons dire, il me semble, que cela correspond vraiment à zéro. C’est aussi près de l’objectif « zéro » que l’on peut « humainement » atteindre en matière de victimes. Ce qui est remarquable.

Cette opération se poursuit. Il y a deux jours, les ministres de la défense de l’Alliance et leurs partenaires, les ministres de la coalition engagée en Libye, se sont réunis à Bruxelles, et ils ont décidé que la mission continuerait tant qu’elle serait nécessaire. De toute évidence, la situation sur le terrain a évolué radicalement. Elle est devenue irréversible. C’est certain. L’opération est dans une phase de réduction, mais nous ne savons pas quand sera prise la décision d’y mettre fin parce que des poches de résistance des forces de Kadhafi pourraient encore créer une menace pour la population. Il existe à l’heure actuelle essentiellement deux grandes poches de résistance, l’une à Syrte, ville d’origine du colonel Kadhafi et symbolique de ce fait, et l’autre, à Bani Walid. C’est dans ces deux bastions que quelques forces de Kadhafi, peu nombreuses mais très obstinées et tenaces, emploient la violence contre leur propre population. Comme vous le savez, pour l’avoir vu dans les médias, la population tente de fuir la ville de Syrte, où la situation est désastreuse.

J’ignore quand au juste tout cela se terminera, mais les ministres s’accordent pour dire que la fin est très proche. Quoi qu’il en soit, la décision sera, en définitive, politique. L’un des commandants stratégiques, le SACEUR, Jim Stavridis, évaluera la situation, mais la décision reposera en fin de compte certes sur l’appréciation militaire du commandant des opérations et du commandant stratégique, mais aussi sur des considérations politiques, y compris selon moi des consultations avec les Nations Unies et le Conseil national de transition, qui est l’instance dirigeante légitime de la Libye actuellement.

Quelles sont les répercussions de l’opération menée en Libye pour l’Alliance, notre Alliance, et pour nous tous, et quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Les enseignements à retenir sont d’ordre opérationnel et politique. Pour ma part, vous le comprendrez, je maîtrise mieux les enseignements opérationnels, mais vous vous intéressez peut-être davantage aux enseignements politiques. Nous devrions d’ailleurs avoir l’occasion et largement le temps, il me semble, d’en débattre après cette introduction. Je pense que nous disposons de suffisamment de temps pour cela.

L’un des enseignements opérationnels à retenir est très important : l’efficacité de l’OTAN ! Oui, l’OTAN est efficace. Je sais que vous en êtes tous convaincus, mais à l’extérieur de ces murs, beaucoup aimeraient annoncer que le glas a sonné pour l’OTAN, que c’en est fini pour elle. Il n’en est rien, l’OTAN est bel et bien efficace. Sa grande capacité d’adaptation et la souplesse politique dont elle fait preuve lui ont permis de répondre à l’appel international lancé pour protéger les populations. Je suis fier d’affirmer que seule l’OTAN pouvait accomplir pareille mission. Seule l’OTAN, une organisation permanente dotée d’un dispositif de contrôle politique solide et de mécanismes militaires efficaces, pouvait réaliser une prouesse d’une force militaire de cette envergure avec autant de maîtrise. Contrôle politique, certes, mais aussi savoir-faire, précision et détermination. L’OTAN a agi dans les limites, très strictes et à juste titre, de la résolution des Nations Unies. Notre marge était extrêmement ténue. Il ne s’agissait pas simplement de guerre, de combat, de tirs et de destruction. Non, il nous fallait agir à l’intérieur de limites très précises et protéger la population. Notre rôle était d’assurer le respect de l’embargo du côté maritime et d’empêcher ainsi l’entrée d’armes par la mer et toute activité aérienne illégale. Nous avons d’autre part assuré le contrôle de l’espace aérien, effectué des frappes et fait respecter l’embargo maritime, tout en permettant la conduite d’une somme incroyable d’activités humanitaires dans le pays. Pendant cette période, plus de 1 600 missions humanitaires, aériennes, principalement, et maritimes, ont été menées. Voilà tout ce que nous avons accompli ; un travail incroyable, d’une efficacité extraordinaire.

Oui, l’OTAN est efficace ! Lorsqu’est venu le moment d’employer en toute légitimité la force armée, seule l’OTAN le pouvait. Il est, me semble-t-il, important de le savoir et d’en être fier. Et c’est à vous de décider de la manière dont cette mécanique sera utilisée. Mécanique qui est un atout non seulement pour notre sécurité collective, mais aussi pour la communauté internationale lorsqu’il s’agit de gérer des crises, d’aider des gens et ou de contribuer à résoudre des problèmes. Cela montre une fois de plus que le concept stratégique – qu’il serve à gérer des crises, à assurer la sécurité collective, bien entendu, et la sécurité coopérative – est suffisamment « visionnaire » pour permettre de réagir à des crises que jamais nous ne pourrons prévoir. Il m’est d’ailleurs impossible d’annoncer quelle sera la prochaine crise et où elle se produira. Je peux en revanche dire que notre Alliance pourra y réagir.

Le deuxième enseignement opérationnel fondamental à retenir est selon moi que jamais nous n’aurions pu mener cette mission à bien sans l’engagement de nos partenaires. Et par « partenaires », j’entends non seulement nos partenaires européens comme la Suède, qui a été très, très efficace, mais en l’occurrence, nos partenaires régionaux, et plus précisément nos partenaires de pays arabes : le Qatar, les Émirats arabes unis, le Maroc et la Jordanie. Réunir ces partenaires n’a pas été chose aisée. Il s’agit en effet de pays qui, hier encore, nous considéraient avec, disons, suspicion et prudence. Non avons de surcroît obtenu le soutien politique de la grande majorité des pays arabes et de la Ligue arabe. Sans le soutien politique direct et indirect de celle-ci, nous n’aurions pas pu mener notre mission car le Conseil, j’en suis persuadé, n’aurait pas pris de décision dans ce sens. Aucune décision d’ordre politique n’aurait été prise. Pour revenir aux partenaires – et je sais que la délégation suédoise est présente aujourd’hui –, il a été facile, très facile, de rallier la Suède en tant que partenaire. En revanche, croyez-moi, il a été extrêmement difficile de rallier des partenaires comme le Qatar et les Émirats arabes unis pour une opération aérienne et maritime complexe, et de travailler ensemble. Reconnaissons le mérite de notre structure, qui a su réagir à la situation avec souplesse.

Le troisième enseignement à retenir concerne l’approche globale, cette notion emblématique qui régit tous nos actes. Agir selon l’approche globale signifie que l’outil militaire n’est pas le seul outil ; il n’est qu’un outil parmi d’autres dans un contexte d’action plus large. Une approche globale existait dès le départ puisqu’au moment même où nous menions une campagne militaire, un processus politique était en cours, des sanctions avaient été mises en place et une coopération avait été instaurée avec les organisations concernées en vue du soutien humanitaire. Les 1 600 missions que j’ai évoquées ne concernent pas qu’une seule organisation, mais plusieurs organisations différentes. Il s’agit de tous les Alliés, de tous les pays qui souhaitaient apporter leur soutien. Organiser les liens entre eux et déterminer les modalités du début et de la fin de leur intervention, c’est cela l’approche globale, l’approche que nous avons adoptée.

Mais il y a d’autres enseignements opérationnels à retenir. Ils sont peut-être moins positifs, mais c’est une bonne chose car nul n’est parfait, pas même l’OTAN. Pour mener l’opération Unified Protector, un Allié et un seul a mis un certain nombre de capacités à disposition. Il s’agissait en majorité d’opérations aériennes, de sorte que les plates-formes aériennes provenaient des Alliés européens et du Canada, mais certains « éléments facilitateurs » clés ont été fournis par un seul et même Allié. C’est là une faiblesse, car nous savons que nous pouvons toujours compter sur cet Allié, seulement, il peut lui arriver de devoir assumer d’autres responsabilités dans le monde et il peut lui être difficile de mettre cette capacité à la disposition de l’OTAN. En effet, le fait de ne compter que sur un, je dis bien un Allié pour certaines capacités essentielles pourrait dans certains cas être une faiblesse. Pour survoler la Libye, les quelque 200 avions qui accomplissent 25 000  missions aériennes doivent pouvoir être ravitaillés en vol, parce que c’est en permanence qu’ils doivent pouvoir survoler la région. En définitive, l’Alliance a pour cela la chance que certaines de ses bases aériennes se trouvent à proximité, en Italie et en Grèce pour la plupart. Malgré la qualité et la proximité des plates-formes, il reste qu’une bonne partie du ravitaillement doit se faire en vol, dans l’espace aérien de la Libye. Et ce ravitaillement a été en grande partie assuré par un seul pays, les États-Unis. Nous, les autres Alliés, devons nous pencher sur cette question.

L’ISR – le renseignement, la surveillance et la reconnaissance – est lui aussi essentiel, mais une capacité ISR permanente ne suffit pas. Une capacité permanente, c’est à ce jour sept mois passés à surveiller l’espace aérien de la Libye 24 heures sur 24, jour et nuit, à contrôler l’espace aérien et à assurer une surveillance au sol. Pour avoir cette capacité incroyable d’effectuer plus de 10 000 frappes sans dommages collatéraux, il faut pouvoir observer l’objectif à chaque instant. Premièrement, il faut trouver l’objectif, l’identifier, puis s’assurer qu’une frappe de précision est possible sans dommages et, enfin, l’exécuter. Nous avons donc besoin d’une capacité ISR constante, permanente, qui, une fois encore, a été assurée pour l’essentiel par un Allié. Cette situation doit absolument être corrigée.

Une autre capacité essentielle était nécessaire : les munitions à guidage de précision. Pour ne pas entraîner de pertes, une frappe doit être exécutée avec des munitions de précision. Il ne s’agit pas seulement de lancer une bombe, une bombe de plus de 200 kilos ; non, il s’agit d’employer les bonnes munitions, au bon endroit et au bon moment. Les munitions guidées sont essentielles pour ce type de mission. Nous n’avons eu aucun problème sur ce plan à ce jour ; mais certains pays ont manqué de munitions, et d’autres Alliés ont comblé ce manque. C’est dans une certaine mesure une bonne chose qui illustre la cohésion de notre Alliance, dans laquelle un partenaire, un Allié en aide un autre, même pour un aspect aussi délicat que les munitions de précision. Cela signifie également que ces munitions pourraient être utilisées ou échangées et qu’elles pourraient être utilisées par les avions de pays différents. Il y a donc une réelle interopérabilité, un système qui fonctionne bien et des normes qui nous permettent d’échanger des munitions. En même temps, certains pays ont manqué de munitions, ce qui mérite réflexion.

Et puis, pour mener – je ne veux pas me répéter – autant d’activités aériennes, jour et nuit, il faut disposer d’un personnel très efficace. Effectuer une seule mission de frappe de précision exige un grand nombre de personnes qui travaillent sur l’information obtenue en permanence de l’ISR – qui lisent, consultent, contrôlent, vérifient et donnent éventuellement le feu vert. Il faut des spécialistes qui savent comment effectuer le ciblage, et le ciblage et les « cibleurs » ne sont pas des produits que l’on trouve au supermarché. De nombreux pays de l’OTAN ne disposent d’ailleurs même pas de capacités suffisantes dans ce domaine. Il s’agit donc d’un autre moyen essentiel que nous devons améliorer. Voici, d’après moi, les enseignements tirés d’un point de vue opérationnel.

Nous devrons donc investir dans l’entraînement et entraîner nos forces. Vous savez que nous modifions notre structure de commandement. Nous la réduisons et nous l’allégeons, mais quand une structure de commandement est plus petite, allégée et plus souple, il faut moins de personnel, qualifié vraiment à 100 %. Ce personnel doit être le meilleur, le meilleur au plus haut point. Nous devons affiner l’entraînement, y compris l’entraînement au combat, sans quoi le moment venu, la mission ne pourra pas être accomplie. C’est pourquoi l’OTAN peut le faire, mais nous devons faire plus, nous devons faire mieux avec notre personnel, et c’est pourquoi l’entraînement est essentiel.

En ce qui concerne le développement des capacités, nous devons tirer des enseignements de ce que je viens juste de dire et investir dans les bonnes capacités. Vous êtes des parlementaires, vous savez que vous vivez dans un environnement financier très difficile. Vous savez ce qui se passe avec les budgets de défense dans toute l’Europe, mais aussi au Canada et aux États-Unis. Il est donc essentiel que nous dépensions vraiment à bon escient l’argent que nos parlements souverains nous destinent. Mieux dépenser, c’est disposer des bonnes capacités. Ainsi, les enseignements tirés en Libye nous montrent quelles sont les capacités dont nous avons besoin. Dépenser ensemble, parce que nous travaillons ensemble : nous pouvons obtenir ensemble des capacités que beaucoup d’entre nous ne pourraient pas obtenir s’ils étaient seuls. C’est un enseignement important pour vous, que vous soyez membres de cette assemblée ou membres des commissions de la défense dans vos pays, je pense. Vous devez comprendre que nous devons investir dans les bonnes capacités, de manière cohésive, cohérente et ensemble – c’est ce que le Secrétaire général a appelé la « défense intelligente », et c’est toute la question ! Dépensez l’argent que nous avons pour les bonnes capacités, de manière efficace.

Et maintenant, quel avenir ? Eh bien, tout d’abord nous ne connaissons pas les conséquences du réveil arabe en cours. Nous ne savons pas. Nous devons donc être attentifs et essayer de comprendre. Nous ne savons pas si une autre situation comparable à celle de la Libye se produira, et même si elle se produit, si l’on fera appel à l’OTAN. Nous ne savons pas, mais nous devons être prêts. Il est certain que pour la Libye, dans l’opération Unified Protector, nous avons travaillé avec les pays arabes de la région, ce qui a peut-être changé le regard que ces pays portent sur nous. Je vois donc de grandes possibilités d’engagement plus profond avec les pays du Dialogue méditerranéen, avec ceux de la région, ceux de l’Initiative de coopération d’Istanbul et ceux du Golfe arabe. Il existe probablement aujourd’hui des possibilités parce qu’ils nous verront, parce qu’ils nous voient sous un jour différent, et ceci est une question politique. Nous devons donc maintenant nous engager dans ces relations avec les pays arabes, en exploitant le changement qui s’y produit. Pour construire des relations qui se transformeront un jour en confiance et en fiabilité. Et c’est la troisième mission que prévoit le concept stratégique, la sécurité coopérative. La sécurité coopérative signifie une chose : « ma sécurité », dont vous vous préoccupez, c’est « votre sécurité » dont ils se soucient. « Votre sécurité » est donc mon affaire et « ma sécurité » est la vôtre. Nous avons donc la possibilité de renforcer ces relations. Je pense que c’est un enseignement très important, un enseignement politique essentiel.

La dernière réflexion que je souhaiterais partager avec vous est que nous devons rester ouverts au reste du monde. Nous vivons dans un univers mondialisé ; l’OTAN n’est pas une organisation mondiale, mais certainement une organisation qui a au moins des préoccupations mondiales. Nous avons mené l’opération en Libye, tout en étant engagés au même moment en Afghanistan. Disons, pour simplifier, avec 150 000 hommes et 50 partenaires ; 50 partenaires participant à la FIAS. Nous étions et nous sommes engagés au Kosovo avec 38 partenaires parallèlement. Nous luttons contre la piraterie au large des côtes somaliennes avec l’Union européenne, la Chine, le Japon, l’Inde et le Pakistan. Au même moment, nous menons la mission en Libye avec nos partenaires arabes. C’est un engagement formidable, mais il montre également les potentialités d’un réseau de relations avec des acteurs mondiaux. Ce que le concept stratégique appelle les « partenaires mondiaux », parce que les partenariats mondiaux aident à éviter que des situations comme celle de la Libye se produisent, ou, lorsqu’elles arrivent, à intervenir au nom de la population, dans le cas de la Libye avec nos partenaires. Je dirais donc que l’élément clé, l’élément le plus important, voire le plus novateur du concept stratégique est un concept politique et non pas militaire. Les militaires apportent leur aide et s’engagent, mais l’élément politique dirige.

Je vous remercie de votre attention et je me tiens à votre disposition pour toute question que vous souhaiteriez me poser.