Discours prononcé par le secrétaire général de l’OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen

lors de la conférence internationale ayant pour thème « Le nouveau concept stratégique de l’OTAN – défis et tâches futurs à l’échelle mondiale, transatlantique et régionale », qui s’est tenue à Varsovie (Pologne)

  • 12 Mar. 2010 -
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  • Mis à jour le: 07 Jun. 2010 11:06

Mesdames et messieurs les Ministres,
Excellences,
Mesdames et messieurs,

C’est pour moi un plaisir tout particulier d’être aujourd'hui à Varsovie pour participer à cette troisième conférence internationale annuelle sur l’OTAN organisée par le Centre pour les relations internationales. De nombreuses conférences ont été consacrées au nouveau concept stratégique ces derniers mois. 

Mais notre réflexion sur le sujet serait incomplète sans le point de vue de la Pologne.

Je voudrais, ce matin, mettre l’accent sur la notion de défense du territoire – sur ce qu'elle signifie à l'heure actuelle, et sur la manière dont nous continuons à la mettre en œuvre et à en préserver la crédibilité.

La défense de notre territoire et de nos populations a toujours été la tâche fondamentale de l’OTAN – et elle le restera dans le futur. Mais nous devons dans le même temps examiner de plus près ce que la notion de dissuasion signifie au XXIe siècle. 

Nous devons décider quels seront les moyens qui garantiront que personne ne puisse envisager de mener avec succès une attaque contre un pays membre de l’OTAN. Je suis convaincu que, pour demeurer crédible, notre système de dissuasion doit continuer d’être basé sur une combinaison de moyens conventionnels et de moyens nucléaires. C’est ce que notre nouveau concept stratégique devra refléter.

Mais il devra aussi refléter le fait que la notion de défense du territoire est en train de changer. 

Ce ne sont pas des moyens militaires lourds et statiques qui dissuaderont les terroristes déterminés à déstabiliser nos sociétés, les pirates informatiques qui prennent pour cibles nos infrastructures critiques, ou encore les États voyous dotés d’armes nucléaires. Pour contrer ces nouvelles menaces et défendre nos territoires, il faut un certain niveau d’engagement. Je voudrais à présent mettre en relief trois domaines dans lesquels nous devons faire la preuve de cet engagement.

Tout d’abord, si nous voulons combattre le terrorisme, nous devons agir à sa source même. C’est ce que nous faisons en Afghanistan, où nous sommes arrivés à un point crucial de notre mission. 

La contribution militaire de l’OTAN a augmenté de façon significative, et la contribution civile de la communauté internationale s’est elle aussi accrue, ce qui a fortement réorienté la dynamique au détriment des talibans. 

Il est vital que nous mettions cette dynamique à profit. Notre récente opération dans le sud de l’Afghanistan a montré combien il est important de fusionner les efforts menés tant sur le plan civil que sur le plan militaire – et c’est là un aspect sur lequel nous devrons continuer de mettre l’accent.

Cette nouvelle dynamique a également mis en évidence la capacité accrue de l’armée afghane à prendre la direction des opérations de sécurité – et il est essentiel de poursuivre sur cette lancée. C’est pourquoi nous avons décidé d’aider le gouvernement afghan à développer ses forces de sécurité. Nous avons mis en place une mission de formation dont l’objectif est d’assurer l’instruction et l’entraînement des soldats et des policiers afghans, le but final étant de transférer la responsabilité principale aux forces de sécurité afghanes, lorsque les conditions le permettront, dans tous les districts et dans toutes les provinces.

Le second défi que nous devons relever concerne la cybersécurité. Je me réjouis des progrès accomplis dans ce domaine ces dernières années, grâce à notre centre d’excellence basé en Estonie et aux diverses mesures qui ont été adoptées. Mais je reste convaincu que nous pouvons – et devons – faire encore mieux.

Le cyberespace ne tient pas compte des frontières nationales. Le renforcement de notre protection nécessite des efforts soutenus. Et si cette protection est mise à mal, il faut pouvoir compter sur la solidarité au sein des Alliés et sur l’aide de nos amis.

En troisième lieu, il importe de mettre en œuvre une défense antimissile efficace. Dans les années à venir, nous devrons sans doute faire face à un nombre grandissant de pays ‑ voire d’acteurs non étatiques – dotés de missiles longue portée et de capacités nucléaires. C’est pourquoi je suis convaincu que la défense antimissile doit être incluse dans le dispositif de dissuasion de l’OTAN.

La dissuasion est efficace contre les acteurs qui agissent de façon rationnelle. Mais dans le futur, nous aurons aussi affaire à d’autres types d’acteurs. 

C’est pourquoi la dissuasion doit aller de pair avec la défense. Et c’est pourquoi nous devons absolument examiner les options de défense antimissile.

Si nous voulons que la défense territoriale de l’OTAN reste efficace, abordable du point de vue financier et crédible, il faut que la transformation de l’Alliance progresse encore. Nous avons besoin de forces armées plus souples, plus mobiles et plus facilement déployables. Si nos forces armées sont statiques, si nos troupes ne peuvent pas aller au-delà des frontières des États membres, alors l’Alliance ne pourra pas défendre son territoire de façon efficace.

La notion de transformation s’appuie également sur une meilleure exploitation des ressources. Il faut que les pays alliés collaborent plus étroitement à l’acquisition des capacités essentielles et au financement des opérations.

En raison de la crise financière actuelle et des problèmes budgétaires auxquels tous nos pays membres sont confrontés il est encore plus urgent d’œuvrer dans cette direction. Les contraintes économiques doivent nous inciter à éliminer les doubles emplois et à rationaliser les acquisitions de matériels de défense. 

Il devrait y avoir une meilleure coopération et une meilleure coordination entre l’OTAN et l’Union européenne. En coopérant dans des domaines tels que les hélicoptères lourds de transport, la surveillance maritime et la lutte contre les engins explosifs, artisanaux, entre autres, non seulement nous améliorons la sécurité de nos troupes sur le terrain mais, de plus, nous économisons l’argent du contribuable.

Mais la question de la transformation n’est pas seulement militaire. Elle a également une dimension politique. Pour relever les nouveaux défis de sécurité, l'OTAN doit mener des consultations plus étendues et plus intensives.  

Le siège de l’OTAN doit être une structure moins bureaucratique et plus rationalisée et opérationnelle. Ce doit être une structure dans laquelle le personnel et les ressources auront été réorganisés pour répondre aux nouvelles priorités de l’Alliance et non pour remplir des tâches héritées d’un passé révolu ou servir des intérêts nationaux étriqués.

Nous avons besoin d’un meilleur partage des données du renseignement et d’une meilleure connaissance de la situation pour gérer les crises naissantes. Nous devons notamment revoir notre structure de commandement militaire pour la rendre plus souple et plus déployable.

Voilà un programme ambitieux. Mais il n’y a pas d’autre choix si nous voulons que l’OTAN demeure une organisation forte. L’Histoire nous a montré à de nombreuses reprises que la sécurité a un coût.  

Mais elle nous a aussi enseigné que plus nos voisins seront en sécurité, plus nous le serons nous-mêmes. C’est pourquoi notre première ligne de défense doit être de mener à bonne fin le processus de consolidation de l’Europe en tant que continent uni, libre et en paix.  

En quoi consiste ce processus de consolidation ? Cela signifie d’abord que l’OTAN doit poursuivre sa politique de la porte ouverte, parce que celle-ci incite vivement les pays candidats à mettre leurs affaires internes en ordre et parce qu’elle est l’expression d’un principe fondamental sur lequel doit reposer tout ordre de sécurité européen : le libre choix en matière d’alignement. 

Mais la poursuite de la politique de la porte ouverte n’est qu’une partie de la réponse au besoin de consolidation de l’Europe. Il faut aussi que nous établissions de nouvelles relations avec la Russie.

Je suis en effet fermement convaincu que l’amélioration des relations entre l’OTAN et la Russie serait le meilleur moyen de rassurer tous nos pays membres.

C’est la raison pour laquelle, depuis mon entrée en fonction, j’ai consacré beaucoup de temps et d’efforts à l’établissement de liens meilleurs avec la Russie. Des progrès sont notables dans un certain nombre de domaines, notamment en ce qui concerne notre revue conjointe des menaces et défis communs. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Il existe encore des divergences, en particulier au sujet de la politique de la porte ouverte. Par ailleurs, la politique de la Russie à l’égard de la Géorgie suscite de graves préoccupations à travers toute l’Alliance.

Nous estimons qu’en menant des exercices militaires qui s’appuient sur un scénario d’invasion d’un petit pays membre de l’OTAN, la Russie ne fait pas passer le bon message.

Je voudrais insister sur le fait que l’OTAN ne constitue pas une menace pour la Russie. L’OTAN n’envahira jamais la Russie. De même, nous ne considérons pas la Russie comme étant une menace pour l’OTAN. C’est pourquoi la nouvelle doctrine militaire de la Russie ne reflète pas la réalité de notre monde. Sa vision de la nature et du rôle de l’OTAN est très archaïque.

Ces divergences ne doivent cependant pas pénaliser l’ensemble des relations OTAN‑Russie. 

N’oublions pas que l'OTAN et la Russie ont de nombreux intérêts communs : l’avenir de l’Afghanistan, la lutte contre le terrorisme et la prévention de la prolifération des armes nucléaires.

Nous avons besoin d’une relation OTAN-Russie qui nous permette de défendre ces intérêts communs, et qui ne sera pas compromise chaque fois que nous serons en désaccord. Je continuerai d’œuvrer en faveur d’une relation OTAN-Russie forte et basée sur la confiance. Je suis certain que le nouveau concept stratégique de l’OTAN soulignera la détermination de tous nos pays membres à faire de cette approche une réalité. 

Mesdames et messieurs,

Aujourd'hui, l'OTAN est engagée en Afghanistan, dans les Balkans, en mer Méditerranée et au large des côtes de la Corne de l’Afrique. Ce large éventail de missions et d’opérations est tout à fait normal. Les risques et les menaces actuels prennent de plus en plus une dimension mondiale, et l'Alliance doit refléter cet état de fait.

Mais ces nouvelles missions de l’OTAN ne doivent pas nous faire perdre de vue ce qui constitue l’essence même de notre Alliance : la volonté et les moyens d’assurer la défense collective de ses pays membres. Une Alliance qui ne peut pas assurer la défense collective de ses membres perdra la cohésion nécessaire pour contribuer à la sécurité collective.

Dans le même esprit, une Europe qui relègue la Russie au rang d’« outsider » mécontent restera inachevée. Cette Europe-là perdra trop de temps à revisiter son passé et, ce faisant, elle pourrait rater son rendez-vous avec l’avenir.

En nous préparant pour le futur, nous devons concilier la défense collective avec nos nouvelles missions expéditionnaires.

Et nous devons montrer que l’OTAN est attachée de longue date à une Europe entière, libre et en paix – et englobant la Russie. Je suis certain que notre nouveau concept stratégique confortera cette position. 

Je vous remercie.