Discours

du Secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, à l'occasion de sa visite à Tunis, Tunisie.

  • 28 Apr. 2005
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  • Mis à jour le: 04 Nov. 2008 02:22

Mesdames, Messieurs,

C'est pour moi un grand plaisir que de me trouver ici, dans cette belle ville de Tunis. Je me suis fixé comme objectif prioritaire de me rendre, cette année, dans les sept pays participant au Dialogue méditerranéen de l'OTAN. La visite que j'effectue aujourd'hui est la première visite officielle d'un Secrétaire général de l'OTAN en Tunisie. Je suis très heureux d'avoir ce privilège, et spécialement honoré d'avoir pu rencontrer le Président Ben Ali aujourd'hui.

Comme vous le savez, la période actuelle est marquée par de profonds changements dans la région de la Méditerranée, au Moyen-Orient, et au-delà. Elle est porteuse d’espoir et d'un avenir meilleur pour tous les peuples de cette région. Elle est porteuse de rapprochement aussi, entre les deux rives de la Méditerranée dont l’interdépendance est si évidente.

Tout récemment, l'attention s'est focalisée sur les développements dans la partie orientale de la région méditerranéenne. Le retrait prévu d'Israël de la bande de Gaza, l'élection du Président Mahmoud Abbas et un nouvel engagement des États-Unis dans la région ont ouvert de nouvelles perspectives de règlement du conflit israélo-palestinien. Le Liban connaît des évolutions inédites. L’Union européenne, en pleine concertation avec les Etats-Unis est engagée dans une négociation avec l’Iran au sujet de son programme nucléaire. Dans le même temps, en Iraq, la tenue des élections au mois de janvier et la formation d'un gouvernement représentatif ont amélioré les perspectives d'une stabilité accrue dans ce pays.

Ici aussi, dans la région du Maghreb, des évolutions positives doivent être relevées. La Libye fait son retour, après de nombreuses années d'isolement volontaire. Le Maroc a mis en place une Commission Équité et réconciliation pour éclairer un passé tourmenté - un geste audacieux qui pourrait bien encourager une plus grande ouverture et un renforcement de la démocratie également dans d'autres pays du monde arabe. Quant à votre pays, la Tunisie, elle continue de jouir d'une croissance économique durable, dans des conditions de paix civile qui n'ont pas d'égal dans la partie méridionale de la Méditerranée.

Alors que les pays du sud de la Méditerranée définissent leur propre voie vers l'avenir, ils doivent aussi composer avec plusieurs nouvelles menaces graves pour leur sécurité. La toute première de ces menaces est une forme nouvelle et dévastatrice de terrorisme. En perpétrant leurs attentats suicides sur l'île de Djerba en 2002 et à Casablanca l'année suivante, les terroristes ont démontré à l'évidence que les pays du Maghreb étaient tout aussi vulnérables à ce fléau que les sociétés occidentales. Ce faisant, ils ont apporté un argument supplémentaire à ceux qui plaident en faveur d'une action internationale concertée.

Depuis quelques années, l'Alliance atlantique a apporté une importante contribution à cet effort international. Peu après les attaques contre les États-Unis, en septembre 2001, l'Alliance a lancé une opération maritime - l'opération "Active Endeavour” - pour dissuader les terroristes d'agir en mer Méditerranée. Par la suite, l'OTAN a pris le commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité, afin de participer à l'émergence d'un Afghanistan souverain et sûr. Plus récemment encore, l'Alliance a lancé une mission dont le but est d'aider à former et à équiper les forces de sécurité iraquiennes, et de contribuer ainsi à la stabilisation de l'Iraq.

Ces nouveaux engagements opérationnels constituent un élément important de la réponse de l'OTAN au nouvel environnement de sécurité - et aux dangers que représentent non seulement le terrorisme, mais aussi les réseaux de criminalité organisée, les "États en déliquescence“ et la prolifération des armes de destruction massive. La réponse de l'OTAN comporte un deuxième élément, à savoir la modernisation des forces militaires de l'Alliance, pour les rendre plus souples, plus déployables et capables de faire face à ces nouvelles menaces pour notre sécurité. Nous avons déjà réalisé des progrès considérables également dans ce processus de transformation militaire.

Troisièmement, et c'est là un point important, l'Alliance a décidé de recentrer ses relations avec ses partenaires et de leur donner une orientation nouvelle. Les nouvelles menaces auxquelles nous sommes confrontés, nous en sommes parfaitement conscients, ne connaissent pas de frontières. Et nous savons parfaitement que si nous voulons y faire face, et les mettre en échec, les Alliés ne peuvent agir seuls. Leur action doit être bien perçue et comprise de la communauté internationale. Et, il leur faut des partenaires forts.

C'est ainsi que l'Alliance a intensifié ses relations avec ses partenaires institutionnels, notamment l'Union européenne et les Nations Unies. Nous avons donné un nouvel élan à notre coopération avec nos deux partenaires stratégiques, la Russie et l'Ukraine. Nous déployons des efforts particuliers pour aider les pays du Caucase et de l'Asie centrale à réformer leur secteur de la sécurité, et à encourager plus d'ouverture et de démocratie - qui constituent en vérité la meilleure forme de défense contre le terrorisme. Enfin, dernier point, mais non le moindre, nous avons entrepris un effort réel pour renforcer nos liens avec nos voisins de ce côté de la Méditerranée, et notamment avec la Tunisie.

L'OTAN est depuis bien longtemps consciente de l'importance stratégique de votre région. C'est en 1994, il y a plus de dix ans, que nous avons lancé notre Dialogue méditerranéen. Il s'agissait du premier effort de l'Alliance en vue du développement de nouvelles relations dans cette région. Cet effort était, à l'origine, tout à fait modeste, il faut bien le dire.

Dans un premier temps, l’objectif de ce Dialogue était de promouvoir la transparence et la confiance et de lancer les bases d’une coopération pratique dans le domaine de la sécurité. Nous souhaitions surtout mieux connaître les préoccupations spécifiques de nos voisins du sud de la Méditerranée. Et nous étions tout disposés à expliquer la transformation de l'OTAN après la guerre froide et l'évolution de ses engagements opérationnels à l'appui de la communauté internationale.

En juin dernier, lors de la réunion au sommet d'Istanbul, les pays membres de l'OTAN ont décidé, en étroite consultation avec la Tunisie et les autres pays participant au Dialogue méditerranéen, de porter nos relations plus loin. De passer de nos contacts encore assez limités à une coopération plus ciblée. En un mot, de passer du dialogue au partenariat.

Nous avions estimé venu le moment d'intensifier encore notre dialogue politique; de promouvoir une interopérabilité accrue entre nos forces militaires; et d'encourager une plus grande coopération dans le secteur de la réforme de la défense, ainsi que dans la lutte essentielle contre le terrorisme. Ce sont là des domaines dans lesquels nous avons beaucoup à nous offrir réciproquement, et où l'action commune est bénéfique pour tous.

Au mois de décembre de l'an dernier, les Ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN ont tenu, pour la toute première fois, une réunion avec leurs collègues des sept pays partenaires du Dialogue méditerranéen - réunion à laquelle a participé, au nom de la Tunisie, le Secrétaire d'Etat, M. Hatem Ben Salem. La réunion a démontré qu'existe, dans tous nos pays, la volonté politique de faire progresser notre coopération. Elle a conclu qu'il reste encore beaucoup à faire, en particulier pour assurer la participation de nos publics. Elle a aussi montré un accord général autour des trois principes fondamentaux sur lesquels bâtir notre coopération. Permettez-moi de les décrire brièvement.

Premier principe, celui de la coresponsabilité, qui a toujours été un principe directeur pour le Dialogue méditerranéen. Cela signifie tout simplement qu'il n'est pas question, d'imposer des idées à d'autres pays, et que les pays participant doivent se considérer comme des parties prenantes à un effort mené en coopération. En un mot, notre Dialogue méditerranéen doit être un échange à double sens - puisque c'est seulement ainsi que pourra se développer un véritable partenariat de sécurité entre les deux rives de la Méditerranée.

La Tunisie a toujours été l'un des participants les plus actifs dans le processus. Elle a été un ferme partisan de la coopération pratique, en parallèle au dialogue politique - y compris dans des domaines tels que les plans civils d'urgence, la coopération maritime, la science et la technologie et, plus récemment, la lutte contre le terrorisme. A mes yeux, ce fort engagement montre que la Tunisie est résolue à œuvrer de concert avec l'OTAN. Et je ne doute pas que nous puissions continuer, à l'avenir, à développer notre relation sous la forme d'un véritable effort en coopération.

Le deuxième principe régissant notre coopération est celui de la complémentarité. La Tunisie ne travaille pas seulement avec l'OTAN, mais aussi avec d'autres organisations internationales, l'Union européenne en particulier. Il faut que les organisations interviennent dans les domaines où elles sont les plus compétentes, évitant ainsi les doubles emplois dans un contexte de ressources limitées.

C'est dans la coopération pratique que réside l'avantage comparatif de l'OTAN. En porte témoignage le succès de l'autre cadre novateur de coopération, le Partenariat pour la Paix. Certes, le Partenariat pour la Paix a été élaboré dans un contexte essentiellement européen, et nous ne voulons pas simplement transposer ce programme à la région méditerranéenne, qui a ses caractéristiques propres. Cela dit, le Partenariat pour la Paix couvre plusieurs domaines dans lesquels les compétences de l'OTAN sont tout à fait uniques et précieuses pour nos voisins méridionaux, y compris la Tunisie, comme la coopération en matière de réforme de la défense, l'entraînement conjoint et l'état de préparation aux catastrophes.

En dehors de ces domaines, il existe des possibilités de coopération pratique plus étroite dans la lutte contre le terrorisme. Le partage du renseignement est l'un des domaines dans lesquels des contacts ont déjà eu lieu entre la Tunisie et l'Alliance. On peut faire la même observation en ce qui concerne une autre voie de coopération pratique opérationnelle, à savoir celle d'une éventuelle contribution de la Tunisie à l'opération “Active Endeavour”, l'opération maritime de l'OTAN en Méditerranée, que j'ai évoquée précédemment.

Le troisième principe sur lequel doit se fonder notre future coopération est celui du respect des spécificités nationales et régionales. Il est évident que, même si nous sommes confrontés à un certain nombre de défis de sécurité communs, ces défis peuvent être perçus de manière différente d'un pays à l'autre ou d'une région à l'autre. Et naturellement, outre les différences de perception, il y a des différences - qui subsisteront - dans les moyens dont chacun de nous dispose pour agir.

Permettez-moi de vous assurer que l'OTAN comprend parfaitement qu'il existe des différences entre le Maghreb et le Moyen-Orient, et que les besoins de la Tunisie et, disons, de la Jordanie, ne sont pas nécessairement les mêmes. Par conséquent, tout en maintenant une cohérence d’ensemble du Dialogue méditerranéen, l’Alliance s’attachera à faire progresser ses relations bilatérales avec chacun de ses sept partenaires. Et nous voulons définir avec chacun la meilleure réponse à apporter à ses besoins.

Tels sont les trois principes fondamentaux qui doivent, je pense, guider le développement du Dialogue méditerranéen, ainsi que les relations futures entre l'OTAN et la Tunisie. Ces mêmes principes devront aussi guider le développement de l'Initiative de coopération d'Istanbul - l'ICI - lancée par l'OTAN.

Je veux dire clairement que l'ICI est une initiative distincte du Dialogue méditerranéen, mais néanmoins complémentaire. Par le biais de l'ICI, nous cherchons à établir de nouveaux liens avec des pays du Moyen-Orient élargi, extérieurs au cadre bien établi du Dialogue méditerranéen. Plusieurs États du Golfe ont manifesté leur intérêt pour une coopération avec l'OTAN, notamment sur les questions de défense et de sécurité. Des programmes de travail ont déjà été agréés avec le Koweït, Bahreïn et le Qatar. Et j'ai bon espoir que d’autres pays suivront leur exemple. En fait, je suis persuadé que, si nous respectons les principes généraux que je viens d'évoquer, l'Initiative de coopération d'Istanbul - tout comme le Dialogue méditerranéen - apportera aussi une importante contribution à notre sécurité à tous.

Mesdames, Messieurs,

La Tunisie est confrontée à de multiples défis. Elle doit s'adapter aux effets constants de la mondialisation sur sa société et son économie. Elle doit faire preuve d'une bonne gouvernance afin d'étendre la paix sociale et de permettre un développement durable. Mais elle doit aussi assurer sa sécurité et sa prospérité dans un environnement international instable.

Depuis de nombreuses années, la Tunisie s'est attachée de manière active, et dans un esprit d'ouverture, à œuvrer avec d'autres pays et organisations internationales afin de contribuer à relever ce type de défis.

Le renforcement du Dialogue méditerranéen de l'OTAN et son évolution vers un véritable partenariat ouvrent de nouvelles possibilités - pour la Tunisie et pour l'OTAN. L'Alliance tient à saisir ces possibilités, et à ouvrir un nouveau chapitre dans sa coopération avec la Tunisie. Je suis heureux de constater que la Tunisie, elle aussi, est désireuse de faire un pas décisif en avant dans sa relation avec l'OTAN.

Je vous remercie.