«Traité de Bruxelles»

Traité de collaboration économique, sociale et culturelle et de légitime défense collective

  • 17 Mar. 1948 -
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  • Mis à jour le: 01 Oct. 2009 16:08

Son Altesse royale le Prince régent de Belgique, Monsieur le Président de la République française, Président de l’Union Française, Son Altesse Royale Madame la Grande-Duchesse de Luxembourg, Sa Majesté la Reine des Pays-Bas et Sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne, d’Irlande et des Territoires britanniques au-delà des Mers, Etant résolues :

  • A affirmer leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, ainsi que dans les autres principes proclamés par la Charte des Nations Unies ;
  • A confirmer et à défendre les principes démocratiques, les libertés civiques et individuelles, les traditions constitutionnelles et le respect de la loi, qui forment leur patrimoine commun ;
  • A resserrer, dans cet esprit, les liens économiques, sociaux et culturels qui les unissent déjà ;
  • A coopérer loyalement et à coordonner leurs efforts pour constituer en Europe occidentale une base solide pour la reconstruction de l’économie européenne ;
  • A se prêter mutuellement assistance, conformément à la Charte des Nations Unies, pour assurer la paix et la sécurité internationale et faire obstacle à toute politique d’agression ;
  • A prendre les mesures nécessaires en cas de reprise d’une politique d’agression de la part de l’Allemagne ;
  • A associer progressivement à leurs efforts d’autres Etats s’inspirant des mêmes principes et animés des mêmes résolutions;
  • Désireux de conclure à cet effet un Traité réglant leur collaboration en matière économique, sociale et culturelle, et leur légitime défense collective;
  • Ont désigné pour leurs Plénipotentiaires : Son Altesse Royale le Prince Régent de Belgique, Son Excellence M. Paul-Henri Spaak, Premier Ministre, Ministre des Affaires Etrangères, et Son Excellence M. Gaston Eyskens, Ministre des Finances, M. Le Président de la République Française, Président de l’Union Française, Son Excellence M. Georges Bidault, Ministre des Affaires Etrangères, et Son Excellence M. Jean de Hauteclocque, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République Française à Bruxelles, Son Altesse Royale Mme la Grande-Duchesse de Luxembourg, Son Excellence M. Joseph Bech, Ministre des Affaires Etrangères et Son Excellence M. Robert Als, Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire de Luxembourg à Bruxelles, Sa Majesté la Reine des Pays-Bas, Son Excellence le Baron C.G.W.H. van Boetzelaer van Oosterhout, Ministre des Affaires Etrangères, et Son Excellence le Baron Binnert, Philip van Harinxma thoe Slooten, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire des Pays-Bas à Bruxelles, Sa Majesté le Roi de Grande-Bretagne, d’Irlande et des Territoires Britanniques au-delà des Mers pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Très Honorable Ernest Bevin, Membre du Parlement, Principal Secrétaire d’Etat pour les Affaires Etrangères et Son Excellence Sir George William Rendel, K.C.M.G., Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique à Bruxelles, qui après avoir présenté leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due forme,

Sont convenues des dispositions suivantes :

Article I

Convaincues de l’étroite solidarité de leurs intérêts et de la nécessité de s’unir pour hâter le redressement économique de l’Europe, les Hautes Parties Contractantes organiseront et coordonneront leurs activités économiques en vue d’en porter au plus haut point le rendement, par l’élimination de toute divergence dans leur politique et par le développement de leurs échanges commerciaux.

La coopération stipulée à l’alinéa précédent et qui s’exercera notamment par le Conseil Consultatif prévu à l’article VII, ne fera pas double emploi avec l’activité des autres organisations économiques dans lesquelles les Hautes Parties Contractantes sont ou seront représentées et n’entravera en rien leurs travaux, mais apportera au contraire l’aide la plus efficace à l’activité de ces organisations.

Article II

Les Hautes Parties Contractantes associeront leurs efforts, par la voie de consultations directes et au sein des Institutions spécialisées, afin d’élever le niveau de vie de leurs peuples et de faire progresser, d’une manière harmonieuse, les activités nationales dans le domaine social.

Les Hautes Parties Contractantes se concerteront en vue d’appliquer le plus tôt possible les recommandations d’ordre social, émanant d’Institutions spécialisées, auxquelles Elles ont donné leur approbation au sein de ces Institutions et qui présentent un intérêt pratique immédiat.

Elles s’efforceront de conclure entre Elles, aussitôt que possible, des conventions de sécurité sociale.

Article III

Les Hautes Parties Contractantes associeront leurs efforts pour amener leurs peuples à une compréhension plus approfondie des principes qui sont à la base de leur civilisation commune, et pour développer leurs échanges culturels, notamment par le moyen de conventions entre Elles.

Article IV

Au cas où l’une des Hautes Parties Contractantes serait l’objet d’une agression armée en Europe, les autres lui porteront, conformément aux dispositions de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires et autres.

Article V

Toutes les mesures prises en application de l’article précédent devront être immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Elles seront levées aussitôt que le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour maintenir ou rétablir la paix ou la sécurité internationale.

Le présent Traité ne porte pas atteinte aux obligations résultant pour les Hautes Parties Contractantes des dispositions de la Charte des Nations Unies. Il ne sera pas interprété comme affectant en rien le pouvoir et le devoir du Conseil de Sécurité, en vertu de la Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Article VI

Les Hautes Parties Contractantes déclarent, chacune en ce qui la concerne, qu’aucun des engagements en vigueur entre Elles ou envers des Etats tiers n’est en opposition avec les dispositions du présent Traité.

Elles ne concluront aucune alliance et ne participeront à aucune coalition dirigée contre l’une d’entre Elles.

Article VII

En vue de se concerter sur toutes les questions faisant l’objet du présent Traité, les Hautes Parties Contractantes créeront un Conseil Consultatif qui sera organisé de manière à pouvoir exercer ses fonctions en permanence. Le Conseil siégera chaque fois qu’il le jugera opportun.

A la demande de l’une d’entre Elles, le Conseil Consultatif sera immédiatement convoqué en vue de permettre aux Hautes Parties Contractantes de se concerter sur toute situation pouvant constituer une menace contre la paix, en quelque endroit qu’elle se produise, sur l’attitude et les mesures à adopter en cas de reprise d’une politique d’agression de la part de l’Allemagne ou sur toute situation mettant en danger la stabilité économique.

Article VIII

Fidèles à leur détermination de ne régler leurs différends que par des voies pratiques, les Hautes Parties Contractantes conviennent d’appliquer entre Elles les dispositions suivantes :

Les Hautes Parties Contractantes régleront, pendant la durée de l’application du présent Traité, tous les différends visés par l’article 36, alinéa 2, du Statut de la Cour internationale de Justice, en les portant devant la Cour, sous les seules réserves que chacune d’entre Elles a faites en acceptant la clause de juridiction obligatoire, et pour autant qu’Elle les maintiendrait.

Les Hautes Parties Contractantes soumettront d’autre part à une procédure de conciliation tous différends autres que ceux visés à l’article 36, alinéa 2, du Statut de la Cour internationale de Justice.

En cas de différends complexes dont certains éléments relèvent de la conciliation et d’autres du règlement judiciaire, chaque Partie au différend aura le droit de demander que le règlement par la voie judiciaire des éléments juridiques du différend précède la procédure de conciliation.

Les stipulations qui précèdent ne portent pas atteinte aux dispositions ou accords applicables instituant toute autre procédure de règlement pacifique.

Article IX

Les Hautes Parties Contractantes pourront décider, de commun accord, d’inviter tout autre Etat à adhérer au présent Traité aux conditions qui seront convenues entre Elles et l’Etat invité. Tout Etat ainsi invité pourra devenir partie au Traité par le dépôt d’un instrument d’adhésion auprès du Gouvernement belge. Ce Gouvernement informera les autres Hautes Parties Contractantes du dépôt de chaque instrument d’adhésion.

Article X

Le présent Traité sera ratifié et les instruments de ratification seront déposés aussitôt que faire se pourra auprès du Gouvernement belge. Il entrera en vigueur à la date du dépôt du dernier instrument de ratification et restera en vigueur pendant cinquante ans.

A l’expiration des cinquante ans, chaque Haute Partie Contractante aura le droit de mettre fin au Traité, en ce qui la concerne à condition d’adresser une déclaration à cet effet au Gouvernement belge avec préavis d’un an.

Le Gouvernement belge informera les Gouvernements des autres Hautes Parties Contractantes du dépôt de chaque instrument de ratification ainsi que de chaque déclaration de dénonciation.

En foi de quoi, les Plénipotentiaires ci-dessus désignés ont signé le présent Traité et y ont apposé leur sceau.

Fait à Bruxelles, le dix-sept mars 1948, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un exemplaire unique qui sera déposé aux archives du Gouvernement belge et dont copie certifiée conforme sera transmise par ce Gouvernement à chacun des autres signataires.

  1. Le Traité de Bruxelles a été amendé par un Protocole signé à Paris le 23 octobre 1954 dans le cadre des «Accords de Paris» (voir Partie II). Les textes du Traité original et du Traité amendé sont reproduits dans la Partie I pour plus de facilité.