L'engagement des femmes en première ligne

  • 18 Jul. 2011 -
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  • Mis à jour le: 27 Jul. 2011 16:43

Recevoir deux pigeons en cadeau peut paraître inhabituel, même pour les personnes habituées à travailler en Afghanistan. Mais pour la sergente Jeanette Corrales et ses collègues de l'Équipe de liaison féminine (FET), ces deux oiseaux représentent l'image des liens étroits qu'elles ont établis avec la communauté afghane locale.

La plupart du temps, l'on peut voir les pigeons se promener côte-à-côte dans la zone de couchage et dans le camp de l'équipe, qui les a reçus en remerciement pour l'aide apportée à Khwannen, une veuve mère de huit enfants, dont deux présentent un handicap mental.

« Khwannen s'est excusée d'être trop pauvre pour nous remettre un joli cadeau, mais j'ai ignoré cette remarque » déclare la sergente Corrales, âgée de 25 ans. « On nous a dit qu'elle avait trouvé les deux pigeons juste après leur naissance et qu'elle les avait élevés depuis le premier jour de notre rencontre. Elle était persuadée que cela était un signe qu'à partir de ce jour, tout irait bien. Le geste en tant que tel était d'une valeur inestimable. Les pigeons servent à rappeler que si nous n'avons pas changé le monde, nous avons été utiles à quelqu'un. »

Des équipes composées uniquement de femmes

Les FET sont une initiative mise en place en 2010 par le Corps des Marines des États-Unis dans le cadre de l'opération Enduring Freedom, la mission de lutte contre le terrorisme en Afghanistan, dirigée par les États-Unis. Des équipes entièrement féminines sont déployées pour créer des liens avec la population locale, en particulier les femmes afghanes qui, traditionnellement, communiquent peu avec des soldats de sexe masculin.

Le Corps des Marines des États-Unis compte 16 FET dans la province du Helmland et alentour. Quatre autres sont dirigées par les forces du Royaume-Uni.

Les FET opèrent indépendamment de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS). Le commandant de la FIAS, le général David Petraeus, a toutefois récemment demandé la mise en place d'un programme d'ensemble pour les FET, qui définit les normes, les besoins, les procédures de compte rendu et la voie à suivre. Des groupes de travail et des réunions ont déjà eu lieu pour partager les retours d'expérience.

« Nous avons la possibilité de convaincre les femmes que nos intentions sont bonnes et que nous cherchons seulement à les aider » explique la sergente Corrales. « En tant que femmes, nous pouvons établir avec elles un lien inaccessible aux hommes de tout temps, car nous sommes, nous aussi, des mères, des sœurs ou des épouses. »

« Les FET sont en mesure de fournir des informations sur des tribus et/ou des districts particuliers obtenues de sources locales auxquelles les Marines masculins ne peuvent accéder », explique le colonel H.G. Pratt, chargé des opérations civilo-militaires au sein de la force opérationnelle Leatherneck du Commandement régional sud-ouest.

« Les femmes afghanes sont rarement aperçues en dehors de leur milieu de vie, et il existe, en particulier dans les zones rurales, de profonds tabous culturels à leur encontre, qui leur interdisent d'agir ou de communiquer avec des hommes qui ne font pas partie de la famille » explique le colonel Pratt. «Les femmes afghanes exercent toutefois une grande influence à la maison et disposent d'un grand nombre d'informations concernant les zones locales. Sans les FET, nous serions effectivement coupés de la moitié de la population. »

Impact régional

Dans certaines régions, les FET ont eu un impact tel que même des gouverneurs de districts locaux ont mentionné le travail important mené par les équipes pour améliorer la vie des Afghans. Le colonel Pratt décrit comment, à l'occasion d'une réunion, un gouverneur de district a même dit que les sages et les hommes locaux devraient avoir honte de ne pas aider leur propre communauté, alors que des femmes américaines n'hésitent pas à le faire.

Chaque mois, les équipes comptent en moyenne plus de 1 000 rencontres avec des hommes, des femmes et des enfants dans des communautés rurales, se rendent dans des écoles locales pour y remettre des fournitures, aident à obtenir des micro-crédits pour permettre à des femmes de créer leur propre commerce, et organisent des chouras féminines pour encourager les femmes à être actives et à se faire entendre dans les communautés locales. «Les FET sont le meilleur moyen de comprendre tous les aspects de la vie de la population locale », déclare le colonel Pratt.

Pour la caporale Julie Buskirk, âgée de 22 ans, qui effectue actuellement son deuxième déploiement en Afghanistan, le fait de joindre les FET lui a ouvert les yeux. «À aucun autre endroit, je n'aurais vécu une expérience semblable à celle-ci » explique-t-elle. «Ceci est une chance unique dans la vie... Il s'agit de voir les choses dans une dimension plus large. Avec la présence des FET, les forces de coalition ont réalisé d'importants progrès dans l'opération Enduring Freedom. »

Responsabiliser les femmes afghanes

Enfin, plus important encore, les FET ont également eu un impact sur les femmes afghanes elles-mêmes. « Les femmes afghanes veulent que l'on leur prête attention et que l'on tienne compte de leurs opinions et préoccupations » explique la sous-lieutenante Melanie Piedra, âgée de 25 ans. Elle ajoute que les équipes sont souvent considérées comme appartenant à un «troisième sexe. » « Depuis que des femmes Marines ont des pouvoirs et des responsabilités, les hommes afghans les mettent souvent sur un pied d'égalité avec leurs collègues masculins. Les FET sont toutefois toujours perçues comme des femmes, ce qui leur permet d'établir des liens avec les femmes afghanes » explique-t-elle.

La sergente Corrales confirme ces propos, et ajoute qu'un grand nombre de ces femmes sont surprises de voir des personnes du même sexe vêtues d'uniformes masculins et porter des armes d'hommes. «Certaines des femmes auxquelles nous avons parlé n'ont jamais vu de femme américaine, encore moins une femme Marine » explique-t-elle. Elles essayent de porter une partie de notre équipement, et s'étonnent de son poids. Je pense que nous leur donnons de l'espoir. Nous leur apportons la preuve que les femmes peuvent atteindre tous leurs objectifs.»

Être femme et Marine à la fois

De nombreux Marines n'ont encore jamais travaillé avec des femmes, explique la caporale Buskirk, qui admet que cela a quelque peu compliqué les relations. Toutefois, sur la durée, les équipes ont prouvé leur compétence à leurs collègues masculins et gagné leur respect.

À la question de savoir si elles encourageraient d'autres femmes à s'engager dans les forces armées, les trois membres de la FET ont répondu qu'elles aimaient leur mission parce qu'elle leur permettait de faire évoluer les choses, mais qu'elle pouvait être difficile à de nombreux égards.

« Tout ce que je voulais, c'était de faire la fierté de mes parents, de mes frères et de mes sœurs » explique la sergente Corrales. «C'est un travail difficile, à la fois mentalement et physiquement, qui vous demande de nombreux sacrifices, mais vous savez que vous avez contribué à améliorer la situation. »