Jordanie : faire face à la désertification et aux risques pesant sur la sécurité alimentaire

  • 15 Jun. 2011 -
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  • Mis à jour le: 29 Jun. 2011 11:30

La Jordanie pourrait voir ses ressources en eau, sa surface agricole et sa production de denrées alimentaires diminuer si ses terres arides et semi-arides continuent de se dégrader et en viennent à se désertifier. « Si ces zones arides se désertifient, nous allons connaître un problème de sécurité alimentaire » déclare M. Jawad Al Bakri, maître de conférences au département des sciences de la terre, de l'eau et de l'environnement de l'Université de Jordanie et codirecteur d'un projet parrainé par l'OTAN qui vise à tenter de résoudre ces problèmes en faisant appel aux technologies de télédétection.

Plusieurs études ont montré que le risque d'une désertification rapide était bien réel en Jordanie. Les précipitations y sont faibles, 90% du pays recevant moins de 200 mm d'eau par an. La déforestation, l'érosion des sols, l'utilisation inappropriée des terres, les pratiques culturales inadaptées, le changement climatique et la sécheresse sont autant de phénomènes qui contribuent à accentuer la désertification. L'urbanisation rapide n'est pas non plus étrangère à cette évolution.

La poursuite de la désertification pourrait avoir de lourdes conséquences sur les plans environnemental, social et économique. La région jordanienne de Badia en est un exemple significatif. Il s'agit de la principale zone d'élevage de bétail, et bon nombre d'habitants tirent l'essentiel de leur revenu des pâturages. Face à la perspective de perdre leur moyen de subsistance, les agriculteurs de Badia pourraient être nombreux à aller s'installer dans les villes pour y chercher du travail, ce qui ne ferait qu'exacerber la pression pesant déjà sur les zones urbaines. « Nous allons connaître un grave problème si elle [la désertification] se poursuit » affirme M. Al‑Bakri.

Une diminution de la surface arable et du nombre d'agriculteurs pourrait par ailleurs entraîner une baisse de la production de denrées alimentaires. « Si de telles réductions se produisent, l'insécurité alimentaire et la pauvreté continueront d'augmenter » souligne M. Ayman Suleiman, maître de conférences au département des sciences de la terre, de l'eau et de l'environnement de l'Université de Jordanie.

Recensement des zones touchées par la désertification

Un projet financé dans le cadre du programme OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité (programme SPS) vise à trouver le moyen d'échapper à ces menaces. Des scientifiques mènent ainsi des recherches dans le bassin du Yarmouk, qui couvre une superficie de 1 400 km2 dans la région de Badia. La majeure partie de cette zone est menacée de désertification car ses terres s'érodent à un rythme élevé sous l'effet du vent et de l'eau.

Les chercheurs entendent mettre au point un système de surveillance des changements intervenant au niveau du sol, de l'eau, de la végétation et du climat qui fera appel à des instruments de télédétection et à des modèles reposant sur un système d'information géographique. Les autorités jordaniennes pourront ainsi être averties de l'enclenchement du processus de désertification avant qu'il ne soit trop tard pour agir.

« Dans le cadre de ce projet, nous essayons de trouver des solutions qui nous permettront de suivre le processus de désertification au jour le jour. De la sorte, des mesures de prévention adéquates pourront être appliquées à l'endroit et au moment voulus » déclare M. Suleiman.

Formation et renforcement des capacités

Les décideurs clés et les institutions chargées de la lutte contre la désertification, comme le ministère de l'Environnement, le Centre national de recherche et de conseil en agronomie et le programme de recherche et de développement de Badia se verront communiquer les informations qui auront été recueillies dans le cadre du projet.

« Nous espérons que les résultats contribueront à la mise au point de plans et de programmes spéciaux de lutte contre la désertification » déclare M. Hani Saoub, maître de conférences au département d'horticulture et de phytotechnie de l'Université de Jordanie et codirecteur du projet.

Par ailleurs, le projet contribuera au renforcement des capacités dans le cercle des chercheurs et des utilisateurs finals en Jordanie. Au cours de la première année d'exécution du projet, de jeunes scientifiques ont reçu une formation sur les instruments qui servent à étalonner les données de télédétection pour la surveillance de la sécheresse et sur les nouvelles techniques applicables à la cartographie des zones de désertification et au contrôle de la teneur en eau du sol.

Comme tous les projets SPS, ce projet d'analyse et de suivi du processus de désertification en Jordanie sert à promouvoir la sécurité par la science. « On constate aujourd'hui que l'OTAN est une organisation qui peut contribuer à la sécurité et à la paix en œuvrant à l'amélioration du sort des populations à travers le monde » déclare M. Sa'eb A. Khresat, professeur au département des ressources naturelles et de l'environnement de l'Université de la science et de la technologie de Jordanie et codirecteur du projet.