Observations
formulées par le secrétaire général de l’OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen, lors du quatrième séminaire sur le concept stratégique, consacré à la transformation et aux capacités, qui s’est déroulé à Washington
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Monsieur Gates,
Vice-amiral Rondeau,
Général Abrial,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
En août dernier, lorsque j’ai désigné le groupe d’experts afin qu’il prépare l’élaboration du nouveau concept stratégique, je l’ai invité à examiner de façon objective et pragmatique l’ensemble des défis auxquels notre Alliance doit faire face. Au-delà de cette analyse, je lui ai également demandé de proposer des solutions créatives.
La transformation et les capacités sont sans aucun doute les domaines de l’OTAN dans lesquels l’urgence d’une pensée créative est la plus prégnante. Il est absolument crucial, pour la conception du concept stratégique de l'OTAN quel qu’il soit, et, par extension, pour la pertinence de Alliance, que ces domaines soient définis sans équivoque.
Si nous définissons une vision politique ambitieuse tout en omettant de préciser comment nous allons réformer l’OTAN, notre nouveau concept stratégique n’aura malheureusement qu’une durée de vie très limitée.
Actuellement, Mme Albright et ses collègues du groupe d’experts font glisser l'axe de leur réflexion sur le rôle et les missions de l’OTAN au XXIe siècle du « pourquoi » au « comment ». Forts du soutien que leur apportent le Commandement allié Transformation et l’université de la Défense nationale, ils sauront, j’en suis convaincu, formuler quelques réponses à ces défis.
Mon intention aujourd’hui n’est pas d'établir une feuille de route détaillée de la transformation politique et militaire de l'OTAN. Je souhaite en effet respecter l’indépendance du groupe d’experts, et attendre le rapport qu’il me soumettra le 1er mai. Je considère toutefois cette question à ce point urgente, et essentielle pour la crédibilité de l’OTAN en tant qu’acteur de la sécurité, que je voudrais néanmoins formuler quelques suggestions et mettre quelques grandes priorités en exergue.
Avant toute chose, il nous faut toutefois répondre à la question fondamentale suivante : « Quelle est, aujourd’hui, la finalité de la transformation ? » La transformation a pour objet l’amélioration de nos méthodes de travail et la préparation de notre avenir, et ce compte tenu d’une l’utilisation optimale de nos ressources. Face aux nouveaux défis que nous avons à relever – terrorisme, prolifération, cybersécurité, voire changement climatique –, nous avons l’obligation de trouver de nouveaux modes de fonctionnement. En cette période de contraintes financières et budgétaires, il importe de faire preuve d’efficacité maximale avec des ressources limitées.
Pour atteindre cet objectif, une refonte des trois piliers de notre modus operandi s'impose : nos méthodes de travail habituelles, notre approche des nouvelles menaces et, dernier élément, mais non le moindre, notre structure et notre organisation. Permettez-moi de vous faire part de quelques suggestions qui pourraient nous aider à atteindre notre objectif.
Premièrement, la transformation devra porter sur la façon dont nous menons les opérations. L’expérience acquise en Afghanistan illustre clairement comment nous devons – et ne devons pas – procéder. Le déploiement de nos forces devrait résulter d'un effort collectif, et non pas d’initiatives nationales disparates assorties de différents types de restrictions. Nous sommes plus de 40 pays alliés et partenaires qui nous déployons dans le cadre d’opérations et il nous faut par conséquent dépasser la dimension multinationale pour constituer une force réellement unifiée – une force au sein de laquelle les informations et les capacités seront partagées par tous, au profit de tous – et mener à bien notre mission.
Il nous appartient de trouver des solutions communes à des problèmes communs, qu’il s’agisse de mettre à niveau les hélicoptères, de déployer une défense antimissile ou de lutter contre les bombes artisanales. Voir plusieurs projets nationaux se dérouler simultanément constitue non seulement une perte de temps et d'argent, mais c’est aussi mettre en danger la vie de nos soldats.
Autre domaine nécessitant une réforme : les activités financées en commun, dont le nombre doit s’étoffer. Nous sommes brillamment parvenus à associer un certain nombre d’Alliés, et plusieurs Partenaires, à l’acquisition et à l'exploitation d’avions de transport lourd, qui constituent une capacité de transport aérien stratégique. C'est toutefois la totalité des Alliés qu’il y a lieu d’associer à ces projets, car tous en tireront bénéfice.
Enfin, il nous faut étendre notre coopération avec l’Union européenne. Procéder à des échanges de vues et d’informations ne suffit pas : nous devons agir ensemble, car nous poursuivons des objectifs similaires et sommes confrontés à des défis similaires. Nous devons joindre nos efforts pour développer des capacités, telles que les hélicoptères de transport lourd. Lancer deux projets parallèles sans se concerter se révèle improductif et multiplie les coûts par deux. Nous devrions avoir pour principaux objectifs d’éviter tout double emploi et de veiller à accroître l'efficacité opérationnelle, ce qui devrait être accueilli favorablement par les ministres de la Défense, les ministres des Affaires étrangères et, certainement, aussi par nos opinions publiques.
Il ne s’agit pas là uniquement de propositions intéressantes, mais bien d’impératifs à respecter, si nous ambitionnons d’accroître notre efficacité et nos capacités, et de faire une exploitation optimale des ressources limitées dont nous disposons.
Le deuxième axe de la transformation a trait à la façon dont nous faisons face aux nouvelles menaces. La cybersécurité, par exemple, ne figurait pas à notre ordre du jour il y a quelques années, ce dont, depuis lors, certains parmi nous ont subi les conséquences.
Face à ces menaces, nous ne pouvons rester inactifs, et il nous appartient de développer nos défenses afin de nous protéger. Déjà, nous avons élaboré des mécanismes qui mettent le siège de l’OTAN à l’abri d’attaques de cet ordre. Nous devons toutefois aller plus loin, et faire de l’OTAN le creuset des normes et des meilleures pratiques en la matière. Et c’est grâce à ces normes que nous serons tous en mesure de détecter les cyberattaques et d'y réagir avant que nos systèmes soient atteints et paralysés.
Pour élaborer cette stratégie commune, nous devons conjuguer nos ressources. Dans cette optique, nous avons créé un centre d’excellence multinational en Estonie, où des experts de plusieurs pays alliés se consacrent d'ores et déjà à concevoir cette tâche.
Mais la cyberdéfense n'est qu'un exemple. Il nous faut désormais examiner les capacités dont nous aurons besoin à l'avenir, de façon à nous protéger d'autres menaces, telles que la prolifération nucléaire. Il va sans dire que le développement d’une capacité de défense antimissile sera plus efficace et plus rentable s’il est effectué en commun. Les effets du changement climatique nous obligeront pour leur part à nous adapter à un environnement sécuritaire plus instable. Pour relever ces défis, nous devons améliorer la capacité de l’OTAN à analyser, à consulter, à recueillir et à partager le renseignement, et à réagir.
Ceci m’amène tout naturellement au troisième et dernier point : il nous faut réformer notre structure et notre organisation. Il faudra que l'OTAN de demain soit différente : une organisation plus axée sur les opérations, moins bureaucratique, et dans laquelle les ressources humaines et financières seront consacrées aux vraies priorités.
C’est pour cette raison que j'ai décidé d'établir une nouvelle division au siège de l'OTAN, qui sera chargée de la gestion des nouvelles menaces et des nouveaux défis. Bien entendu, le commandement allié Transformation sera un partenaire essentiel de cette nouvelle division, qui sera opérationnelle après les vacances d’été.
J’ai par ailleurs reçu mandat des ministres de la Défense de réformer la structure de commandement de l’OTAN ainsi que toute la gestion de nos ressources. C’est un mandat pour une réforme en profondeur, et j’entends l'appliquer pleinement.
La transformation, j'en suis convaincu, ne sera couronnée de succès que si elle est le fruit d'un effort collectif. Si nous apportons tous notre pierre à l'édifice, nous en recueillerons tous les bénéfices, . Pour bon nombre de pays, il s’agit soit d’acquérir une capacité dans un cadre multinational, soit de renoncer purement et simplement à cette acquisition. La transformation a pour objet d’améliorer l'exploitation que nous faisons de nos ressources, de réaliser des économies d’échelle, d'optimiser notre collaboration et de sauver des vies grâce à des technologies plus performantes, à une doctrine mieux adaptée et à une meilleure préparation des missions.
Ensemble, nous devons nous employer à réduire les pesanteurs bureaucratiques et à consacrer les ressources limitées dont nous disposons à nos opérations – c’est-à-dire à nos soldats sur le terrain. Je suis intimement convaincu que ce séminaire donnera naissance à des idées intéressantes sur la meilleure façon d’atteindre ces objectifs.
Merci.