Intervention

du Ministre de la Défense de la France, Alain Richard, sur la situation en Bosnie et alentour à l'occasion de la session des ministres de la Défense de l'Alliance Atlantique

  • 11 Jun. 1998
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  • Last updated: 05 Nov. 2008 07:16

Monsieur le Secrétaire Général,
Messieurs les Ministres,

Après les présentations du Général Clark puis du Général Nauman, éclairantes sur le rôle de nos forces, illustrant une situation préoccupante, permettez-moi à mon tour de vous faire part de notre appréciation et des initiatives que nous sommes prêts à soutenir.

En Bosnie, les progrès réalisés restent à l'évidence en-deçà de nos espérances, en tout cas justifient que nous maintenions le niveau de notre engagement militaire.

De fortes réticences ralentissent encore la mise en œuvre du plan de paix et d'importants efforts restent à consentir, tant en Bosnie-Herzégovine qu'en Croatie et RFY pour que les objectifs fixés dans les accords de paix soient atteints. Nous soutenons la stratégie visant à briser les structures de pouvoir des anciens dirigeants responsables de la guerre. En même temps, il convient de ne pas ménager notre appui à l'autorité du Haut Représentant, voire d'encourager une plus grande unité de vues au sein même des organismes civils.

Certes, la situation s'est considérablement améliorée depuis la signature des accords de paix. Les forces politiques hostiles au plan de paix ont reculé. La situation militaire et de sécurité s'est encore améliorée. Des criminels de guerre ont été transférés à la Haye, d'autres ne tarderont pas à l'être, je l'espère.

Nous souhaitons tous que cette amélioration de la situation se poursuivre et permette effectivement, après les élections de septembre, une réduction du format de la force. Il convient plus que jamais d'encourager les dirigeants locaux à assumer de plus en plus les responsabilités qui lui reviennent.

Les élections seront, à cet égard un enjeu majeur ; elles doivent elles-mêmes contribuer au renouvellement espéré de la classe politique et au renforcement de la démocratie en Bosnie Herzégovine. L'évolution encourageante du Monténégro voisin est peut-être un signe avant-coureur positif.

Le retour et la réinstallation des réfugiés constituent une autre question majeure dont la réussite est cruciale pour l'avenir de ce pays et l'instauration d'une paix durable. Les incidents récents ont montré que les haines demeurent vives dans certaines régions. Il faut sans doute, sans renoncer aucunement au principe du droit au retour, gérer cette politique avec la souplesse indispensable, sauf à engendrer des réactions négatives et à faire, à l'approche des élections, le jeu des partis nationalistes.

Des incidents comme celui de Drvar sont de nature à mettre en péril, s'ils se reproduisaient, la crédibilité de nos unités. Il faut s'assurer que cela ne se reproduise pas.

Enfin l'arrestation des criminels de guerre que j'ai évoquée plus haut demeure le préalable à une véritable réconciliation entre les communautés. La France entend participer activement à cette action.

C'est dans ce contexte que nous pouvons aujourd'hui approuver l'activation du plan opérationnel pour la poursuite de la mission de la SFOR au-delà de juin 1998. Au Kosovo, l'évolution de la situation est évidemment beaucoup plus préoccupante et grave.

Le comportement de la police, et maintenant celui des forces armées - nous en avons la certitude - serbes est sans excuse. Le Président Milosevic a délibérément engagé une vaste opération de répression au moment précis où les discussions politiques s'amorçaient. Vous connaissez les uns et les autres les témoignages recueillis contre les exactions des forces serbes. Nous ne pouvons pas tolérer le retour des comportements déjà constatés en 1991 à Vukovar, en 1992-95 à Sarajevo, à Srebrenica, à Gorazde, à Bihac.

L'amorce d'un dialogue entre le Président Milosevic et M. Rugova devait être une première étape d'un processus long et difficile, que nous sommes prêts à encourager, et dont la réussite exige de l'Alliance une totale transparence et une parfaite cohésion. Nous cherchons ensemble les moyens de relancer le processus.

Le rôle de l'OTAN s'inscrit dans une démarche globale de la communauté internationale; celle-ci concerne au premier chef le Groupe de contact, l'UE et le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Une action a été entreprise au Conseil de Sécurité par nos collègues britanniques. Elle doit être encouragée ; une résolution appropriée du Conseil de Sécurité est de nature à asseoir la légitimité de notre action aux yeux de la communauté internationale, à renforcer la crédibilité des études militaires que l'Alliance doit conduire, à maintenir l'unité d'action de la communauté internationale, gage de sécurité.

L'Alliance fait déjà étudier par les autorités militaires des mesures propres à concourir à la stabilité régionale et à contribuer, en appui des mesures de pressions diplomatiques, au règlement de la crise. Vous savez que la France, depuis plusieurs semaines, estime nécessaire, avec quelques autres pays, de prendre en compte dans ses travaux toutes les options militaires, sans rien exclure.

La gamme de ces options allait jusqu'ici du renforcement de la coopération dans le cadre du partenariat pour la paix, jusqu'à un déploiement préventif en Albanie, voire en Macédoine.

Mais ainsi limitées, ces options auraient suscité le scepticisme quant à leur efficacité militaire et politique. Nous devons combiner des actions susceptibles de faire réellement réfléchir M. Milosevic et des mesures visant à freiner le développement d'actions violentes de l'UCK.

Je le redis ici, le lancement des études sur des mesures dissuasives visant directement les capacités serbes est une nécessité et une condition d'efficacité. Nous avons proposé l'étude de mesures d'embargo aérien, d'exclusion aérienne, de zone d'exclusion terrestre, sans exclure les frappes sélectives, ni même à l'extrême la présence au Kossovo même. Le document qui nous est présenté aujourd'hui nous convient donc parfaitement.

La priorité au règlement diplomatique, qui reste la nôtre, et à une issue positive des négociations Milosevic-Rugova ne sera atteinte que si un rapport de forces net contraint les uns et les autres à cette voie.

Il est essentiel, à nos yeux, que notre démarche permette de maintenir une consultation avec la Russie. Le Conseil conjoint de demain, avec notre collègue Sergueiev, nous permettra d'avancer en ce sens.

La résolution pacifique de la crise demeure notre objectif, dans le cadre des frontières internationalement reconnues, mais aussi dans le respect de la liberté et des droits de l'homme, qui sont les valeurs communes fondamentales qui permettent d'agir ensemble.