Intervention sur la situation en Bosnie et alentour
du Ministre de la Défense de la France, Alain Richard<br />au Conseil Permanent Conjoint OTAN-Russie
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Monsieur le Secrétaire général,
cher collègue et ami de la Fédération de Russie,
Messieurs les Ministres,
La France est heureuse d'assurer aujourd'hui, un peu plus d'un an après la signature à Paris de l'Acte fondateur, la co-présidence du Conseil Permanent Conjoint OTAN-Russie.
Je voudrais souligner l'importance de la relation qui s'est développée jusqu'à présent entre l'Alliance et la Russie sur la question des Balkans. Nous parlerons tout à l'heure plus précisément du bilan de nos coopérations. Il m'apparaît que la situation en Bosnie, et plus généralement les problèmes de cette région ont constitué un bon exemple d'application des mécanismes de coopération voulus par nos dix sept Chefs d'Etat et de gouvernement.
En ce qui concerne la Bosnie, nous avons décidé, après consultation avec vous, la prolongation, au-delà de juin, de la mission de la SFOR, en particulier pour contribuer à conforter la mise en ¦uvre du volet civil du plan de paix et poursuivre la stabilisation entreprise depuis les accords signés à Paris.
Ces thèmes ont été fréquemment évoqués entre nos ambassadeurs et nos dix-sept représentants militaires.
Notre analyse commune est que nous ne pouvons pas relâcher nos efforts :
- l'évolution politique favorable en Republika Srpska, doit être consolidée car persistent des courants hostiles aux accords de paix ;
- les élections de septembre et le changement espéré d'une partie de la classe politique seront un enjeu majeur, elles doivent contribuer à renforcer la démocratie ;
- le retour des réfugiés, nécessaire à une paix durable dans une Bosnie pluriethnique, est un objectif prioritaire pour 1998 ;
- l'arrestation des accusés de crimes de guerre, enfin, constitue à nos yeux un préalable à la réconciliation entre les communautés.
La présence internationale est encore nécessaire, tout en veillant à éviter de développer un "syndrome de dépendance" des gouvernements des deux entités ; ceux-ci doivent assumer toutes leurs responsabilités.
Dans ce contexte, nous avons approuvé hier l'activation du plan opérationnel pour la poursuite de la mission de la SFOR après juin 1998. L'engagement confirmé de la Russie apparaît à la fois comme une composante majeure de la mise en ¦uvre des accords de paix, et la marque d'une coopération confiante et approfondie entre nous.
C'est l'histoire de cette crise de la Bosnie-Herzégovine que nous avons à l'esprit quand nous abordons les évènements qui se déroulent au Kosovo. Non que ces crises soient identiques. Mais nous devons savoir tirer, ensemble, les enseignements du passé récent pour tendre à la prévention et la maîtrise de ce type de conflit.
Dans le cas de la Bosnie, nous avons commencé à trouver la voie du règlement politique lorsque nous - Européens, Russes, Américains - avons été réellement unis face aux parties en conflit. Nous avons rencontré de graves difficultés durant toute la période où nous ne partagions ni les mêmes objectifs, ni la même appréciation des risques.
C'est cette unité, notamment dans le cadre du Groupe de contact, au Conseil de Sécurité et, désormais, ici, dans cette enceinte, qui peut aider à la résolution de crises de ce type.
Chacun a constaté la dégradation grave et inquiétante de la situation au Kosovo. Le Président Milosevic a engagé une vaste opération de répression, utilisant les forces de sécurité et les forces armées serbes, au moment précis où des discussions politiques s'engageaient. Les scènes de destruction et de déplacement de réfugiés sont réapparues dans cette région.
La responsabilité majeure en incombe, à nos yeux, aux dirigeants de Belgrade. Mais nous n'ignorons pas, nous l'avons dit, que des actes extrémistes sont perpétrés contre des Serbes, ce qui alimente le cycle de la violence. Le Groupe de contact est tombé d'accord sur cette analyse.
Face à cette situation, notre volonté est d'abord politique. Elle consiste à encourager le dialogue qui avait été entamé. Il a été brutalement interrompu par l'action des forces de Belgrade. Nous cherchons, ensemble, les moyens de relancer ce processus.
Cette action commune se développe au Groupe de contact, qui se réunit aujourd'hui au niveau ministériel à Londres pour discuter d'un paquet global de mesures. Elle concerne aussi, au premier chef, le Conseil de Sécurité dès lors que la sécurité et la stabilité régionales sont en cause : une résolution appropriée du Conseil est de nature à asseoir la légitimité et la crédibilité de notre action aux yeux de la communauté internationale.
Elle intéresse, enfin, directement, le Conseil permanent conjoint, le rôle de l'OTAN et de la Russie s'inscrivant dans cette démarche globale.
Nous avons décidé de faire étudier par les autorités militaires une série de mesures propres à contribuer au règlement de la crise, en appui du processus diplomatique, et à concourir à la stabilité régionale. Aucune décision n'est prise, à ce stade, aucune planification opérationnelle n'est déjà lancée : nous en sommes à l'étude d'options très diverses.
Et, à ce stade préliminaire, il nous paraît important de ne rien exclure. La situation, encore une fois, a déjà connu des dégradations rapides, plus rapides que les moyens de prévention dont nous disposions jusqu'à présent.
Ces études vont combiner des actions susceptibles d'infléchir le comportement de Belgrade et des mesures freinant les possibilités d'actions violentes de la part de l'UCK.
La gamme des options envisagées par les Alliés comprend, vous le savez, le renforcement des actions de coopération et d'exercice du Partenariat pour la Paix, des déploiements dans la région et, désormais, des mesures dissuasives, notamment dans le domaine aérien.
Il va de soi que nous préférerions grandement ne pas avoir à recourir à ces mesures de force. Mais l'Alliance a estimé unanimement que de telles études étaient désormais nécessaires et une condition de la crédibilité de notre démarche commune.
La résolution pacifique de cette crise constitue un objectif commun prioritaire, commun à l'OTAN et à la Russie. Elle doit être définie dans le cadre des frontières internationalement reconnues - nul ici ne soutient un projet d'indépendance du Kosovo - mais aussi dans le respect de la liberté et des droits de l'homme, qui sont des valeurs fondamentales que nous partageons.