L’OTAN doit lutter contre le changement climatique
Tribune libre du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg
J’ai grandi en Norvège et lorsque j’étais enfant, on apprenait à l’école qu’au Svalbard, un archipel dans l’Arctique où vivent les ours blancs, les températures n’étaient pratiquement jamais supérieures à zéro. Or, cette année, le mercure y a grimpé jusqu’à 21,7 degrés, un record pour cette région. Et il ne s’agit là que du dernier pic en date qui s’inscrit dans une évolution à la hausse des températures, transformant la banquise en neige fondue et détruisant le pergélisol norvégien.
Nous avons tous en tête des exemples de ce type. Nous avons tous entendu parler du réchauffement climatique, qui provoque la fonte des calottes glaciaires et qui entraîne des sécheresses, des tempêtes géantes et des incendies de forêt. Le changement climatique est une réalité incontestable, et la situation ne cesse d’empirer.
Toute ma vie, je me suis passionné pour le changement climatique. Mon premier emploi au gouvernement a été un poste de vice-ministre de l’Environnement, et j’ai eu la chance d’exercer les fonctions d’envoyé spécial des Nations Unies pour le changement climatique. Aujourd’hui, en ma qualité de secrétaire général de l’OTAN, il est de mon devoir de prendre en considération la menace que représente le changement climatique pour notre sécurité commune.
Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre temps. Tandis que la planète se réchauffe, les conditions météorologiques deviennent plus extrêmes, les températures grimpent, les vents se déchaînent et les précipitations s’accentuent, ce qui met la pression sur les populations car les sources de nourriture, d’eau potable et d’énergie sont menacées.
C’est ce que nous observons à présent dans la région du Sahel, en Afrique, où le changement climatique entraîne des migrations. Dans l’Arctique où, à mesure que la glace fond, les tensions géopolitiques s’enflamment. Ou ici en Europe, où les inondations sans précédent et les incendies incontrôlés se multiplient d’année en année.
Le changement climatique menace notre sécurité. L’OTAN doit donc aller plus loin pour ce qui est de comprendre et d’intégrer pleinement cette problématique dans tous les aspects de son travail, qu’il s’agisse de la planification militaire ou de la formation et de l’entraînement des forces armées.
L’évolution du climat complique également la tâche des troupes de l’OTAN, chargées d’assurer la sécurité des populations. Nos soldats opèrent dans certains des environnements les plus hostiles de la planète. Citons par exemple la mission OTAN de formation en Iraq, où, l’été dernier, les températures ont régulièrement dépassé les 50 degrés. Imaginez-vous devoir vivre par cette chaleur. Et je ne parle même pas d’essuyer des tirs alors que vous portez un équipement complet de combat.
Il est essentiel de s’adapter à cette nouvelle réalité. Cela signifie disposer de meilleures tenues de combat, de meilleurs véhicules et de meilleures infrastructures. Et cela signifie explicitement inclure le changement climatique dans le travail de l’OTAN afin d’améliorer la résilience des Alliés et des partenaires, ce que nous faisons déjà depuis des décennies notamment dans le domaine des infrastructures.
L’OTAN doit aussi être prête à réagir aux catastrophes en lien avec le climat, tout comme elle l’a fait durant la pandémie de COVID-19. Cette année, les pays de l'OTAN ont acheminé des centaines de tonnes de matériel médical dans le monde entier, construit près d’une centaine d’hôpitaux de campagne et assuré le transport de patients et de personnels médicaux.
L’OTAN et ses pays membres ont aussi la responsabilité de contribuer à ralentir le changement climatique en réduisant les émissions qu’ils produisent, sans compromettre leurs missions fondamentales. Nous nous consacrons depuis longtemps au rendement des carburants pour améliorer notre efficacité militaire. Réduire notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, par exemple en utilisant des panneaux solaires pour fournir les camps militaires en électricité, ne contribuera pas seulement à lutter contre le changement climatique, mais peut aussi renforcer la sécurité de nos troupes et de nos équipements en améliorant notre capacité à opérer en toute indépendance et avec flexibilité.
Les membres de l’Alliance montrent la voie pour ce qui est de réduire les émissions de leurs forces armées, avec des initiatives comme l’utilisation de biocarburants, la conception de véhicules hybrides et l’amélioration de l’efficacité énergétique des bases militaires et d’autres infrastructures.
Comme de nombreux pays se préparent graduellement pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050, l’OTAN peut aussi faire davantage d’efforts pour aider les forces armées à aller dans ce sens. Il est temps pour l’OTAN de revoir à la hausse son niveau d’ambition et de contribuer à réduire les émissions. Un premier pas pourrait être d’aider ses membres à mesurer les émissions de leur secteur militaire. L’étape suivante serait qu’ils acceptent de réduire volontairement leurs émissions de carbone.
Le changement climatique rend le monde moins sûr. Or, la tâche de l’OTAN est de préserver la paix et de garantir notre sécurité. Pour s’acquitter de sa responsabilité principale, l’OTAN doit donc contribuer à freiner le changement climatique pour notre sécurité d’aujourd’hui et pour la sécurité des générations de demain.
Cet article a été publié le 27 septembre 2020 dans le quotidien allemand Die Welt.