Communiqué final

Président : M. J. Luns

  • 23 May. 1975
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  • Mis à jour le: 05 Nov. 2008 22:37

<p>Situation stratégique et rapport des forces Est-Ouest - Rationalisation des fonctions et standardisation des matériels - Activités soviétiques en Méditerranée - Eurogroupe - Installations militaires américaines en Espagne Directives ministérielles pou

  1. Au cours d'une étude générale de la situation stratégique et du rapport des forces entre l'Est et l'Ouest, les Ministres ont reçu des précisions sur les dernières constatations faites au sujet de l'accroissement de la puissance militaire du Pacte de Varsovie. Tenant compte de la conjoncture économique, ils ont examiné l'état actuel des défenses de l'OTAN; ils ont souligné la nécessité de réaliser des progrès dans les domaines importants de la rationalisation des fonctions et de la standardisation des matériels, et ont donné des instructions pour la suite des travaux dans ces domaines. Ils ont étudié également les incidences militaires, pour l'Alliance, des négociations sur les MBFR qui se poursuivent à Vienne.
  2. Ils ont réservé une attention particulière à la situation stratégique dans la zone de la Méditerranée, telle qu'elle se présente aujourd'hui à la lumière des récents développements politiques, économiques et militaires, des activités militaires et maritimes soviétiques dans cette zone, et des incidences, pour l'Alliance, de la situation dans les régions adjacentes.
  3. Les Ministres ont écouté avec intérêt une déclaration de M. Roy Mason, président cette année des Ministres de l'Eurogroupe, sur l'état des activités de celui-ci; ils sont convenus de promouvoir, dans le cadre approprié, l'établissement d'un double courant d'échange entre l'Europe et l'Amérique du Nord pour les acquisitions de matériels militaires afin de faciliter une utilisation plus rentable des ressources et d'accroître la standardisation des systèmes d'armes.
  4. Parmi les question spécifiques dont ils ont discuté figurent l'amélioration des mesures prévues au sein de l'Alliance pour le temps de crise, ainsi que le financement du programme commun d'infrastructure jusqu'en 1979. Les Ministres ont d'autre part accepté un projet d'étude conjointe sur les possibilités d'acquérir et d'exploiter en coopération un système aéroporté de détection lointaine et de conduite des opérations destiné à améliorer l'efficacité des défenses aériennes de l'OTAN.
  5. Le Secrétaire à la défense des Etat-Unis a fait part à ses collègues de l'état actuel des accords bilatéraux concernant l'utilisation d'installations militaires en Espagne par les forces armées des Etats-Unis, étant entendu que ces arrangements restent en dehors du contexte OTAN.
  6. Enfin, les Ministres ont établi des directives pour la planification de la défense au sein de l'OTAN. Ces directives réaffirment les objectifs fondamentaux et la stratégie de l'Alliance, et mettent particulièrement l'accent sur l'adoption d'un concept de défense à long terme. Elles donnent également un nouvel élan à la recherche d'une utilisation optimale des ressources grâce à la rationalisation, à la standardisation et à de plus grands efforts de coopération. Elles constitueront pour l'OTAN un texte de référence et d'orientation pour toutes les activités de planification de la défense à mener jusqu'en 1982 et par la suite. On en trouvera ci-joint une version abrégée.

Directive ministérielle 1975

Introduction

  1. La procédure de l'OTAN prévoit que les ministres adoptent tous les deux ans une directive pour l'élaboration des plans de défense. La directive tient compte des facteurs politiques, économiques, technologiques et militaires qui sont de nature à influer sur l'évolution des forces de l'OTAN pendant la période considérée. Etant un document important de politique générale approuvé par les ministres, elle constitue un texte de référence et d'orientation pour toutes les activités de planification à mener au sein de l'OTAN en matière de défense, tant dans le cadre national qu'à l'échelon international.

Concept de défense à long terme

  1. Les directives ministérielles précédentes couvraient la période de sept ans du cycle des p!ans de défense de l'OTAN. L'allongement des délais nécessaires pour mettre au point et déployer des systèmes d'armes perfectionnés, ainsi que l'accroissement du coût des personnels et des matériels militaires, obligent désormais à établir les plans de défense dans un cadre plus large. C'est ce qui explique l'adoption d'un concept de défense à long terme qui fait une plus grande place à des mesures à prendre en coopération au sein de l'Alliance et à la fixation de priorités rigoureuses.
  2. Du point de vue de la sécurité, la situation internationale actuelle et les perspectives de son évolution font ressortir l'inéluctable nécessité, pour l'OTAN, de garder les moyens, tant de décourager toute agression ou menace d'agression, que de restaurer et de maintenir la sécurité de la zone de l'Atlantique Nord en cas d'échec de la dissuasion. Les membres de l'OTAN s'efforcent d'améliorer les relations avec l'Est et recherchent une réduction de forces sur une base mutuelle et équilibrée, mais les négociations sont lentes. Dans le même temps, cependant, le potentiel militaire des pays du Pacte de Varsovie continue de croître. Le maintien de la puissance défensive de l'OTAN fournira une base sour négocier, tout en faisant obstacle à l'agression ou aux menaces de'agression.
  3. Le concept de défense à long terme sert la stratégie agréée de l'OTAN, car il requiert une structure de forces réalisant l'équilibre entre les éléments interdépendants que constituent les forces nucléaires stratégiques, les forces nucléaires de théâtre d'opérations et les forces conventionnelles. Chacun des éléments de cette triade assume un rôle spécifique; combinés, ils se soutiennent et se renforcent mutuellement. Aucun d'eux pris isolément ne peut en remplacer un autre. Le concept nécessite également la modernisation du potentiel nucléaire stratégique aussi bien que du potentiel nucléaire de théâtre d'opérations. Néanmoins, il met fortement l'accent sur le maintien et l'amélioration des forces conventionnelles de l'Alliance. Dans ce domaine, I'OTAN est déjà parvenue à d'assez larges succès, ayant mis en place les moyens essentiels d'une défense conventionnelle vigoureuse. Mais des disparités subsistent entre les forces conventionnelles de l'OTAN et celles du Pacte de Varsovie. Les Alliés doivent y remédier et établir les bases stables à long terme qui leur permettront de porter leurs forces conventionnelles au niveau adéquat et de les y maintenir.
  4. L'idée force du concept de défense à long terme est que l'OTAN peut mettre en place une structure de forces répondant aux besoins de la dissuasion et de la défense si les Alliés maintiennent les forces qui existent déjà (ou sont déjà prévues dans les plans communiqués à l'OTAN) et continuent à moderniser et à améliorer ces forces ainsi que leurs moyens de soutien. Cet effort suppose une augmentation annuelle modeste des dépenses de défense en termes réels: I'augmentation à réaliser variera selon les pays et sera, dans chacun d'eux, fonction de sa contribution en forces et de ses efforts du moment, ainsi que de sa puissance économique. Cet effort suppose également une utilisation optimale des ressources consacrées à la défense, grâce à la fixation de priorités rigoureuses, et une coopération plus étroite entre les forces nationales au sein de l'Alliance.
  5. Ce concept de défense à long terme aidera à établir une base de planification OTAN plus large, qui sera assez souple pour s'adapter aux répercussions des changements politiques, économiques et technologiques, et qui assurera en même temps aux programmes de défense nationaux une stabilité suffisante pour empêcher des fluctuations brusques et antiéconomiques.

Nécessité de la défense

  1. Les gouvernements des pays alliés ont réussi à entamer des discussions et des négociations avec l'Union soviétique et les pays du Pacte de Varsovie sur plusieurs questions de défense et de sécurité:
    par exemple, la limitation des armements stratégiques (SALT) et les réductions mutuelles et équilibrées de forces. Bien que le climat des relations Est-Ouest se soit amélioré au cours de la dernière décennie, le fait demeure que le Pacte de Varsovie continue de maintenir un potentiel militaire bien supérieur aux besoins de sa seule défense. En ce qui concerne l'armement nucléaire stratégique, I'Union soviétique, étant d'ores et déjà arrivée à une parité approximative avec les Etats-Unis, semble chercher maintenant à prendre un avantage dans ce domaine en s'attachant à mettre au point des missiles plus perfectionnés et plus puissants. Des améliorations qualitatives et quantitatives sont également apportées aux forces conventionnelles du Pacte, et en particulier aux possibilités offensives de l'aviation, des blindés, de l'artillerie et des missiles.

    En mer, le développement des forces navales soviétiques au cours de la dernière décennie et leur déploiement mondial ont donné une dimension nouvelle à leurs possibilités, de telle sorte qu'indépendamment d'une attaque terrestre/aérienne sur le territoire de pays de l'OTAN, des forces navales soviétiques pourraient maintenant être utilisées contre des forces alliées opérant en mer ou contre nos lignes maritimes de communication pour nuire à l'économie et aux approvisionnements vitaux de membres de l'Alliance.

  2. Le principe selon lequel la défense commune des membres de l'Alliance est une et indivisible constitue le fondement du Traité de l'Atlantique Nord. Les Alliés considéreraient une attaque lancée contre un ou plusieurs d'entre eux comme une attaque dirigée contre tous. L'indispensable solidarité de l'Alliance dépend de la détermination politique des différents pays membres et de l'ampleur des efforts qu'ils sont disposés à consacrer à la défense commune. Si des failles dans ces deux domaines amenaient les pays du Pacte de Varsovie à douter de notre résolution à résister aux pressions politiques ou de notre détermination à nous défendre contre un agresseur par tous les moyens à notre disposition, ces pays risqueraient de croire qu'ils peuvent sans trop de risques utiliser leur puissance militaire contre nous à des fins politiques ou militaires c'est pourquoi le dispositif de défense de l'OTAN doit être construit de fa‡on à tenir compte du déploiement, des moyens et des objectifs possibles des forces du Pacte.

Stratégie de l'OTAN

  1. Le but de la stratégie et des plans militaires de l'OTAN est de garantir la sécurité par la dissuasion. Il s'agit avant tout de décourager l'agresseur en montrant clairement à l'avance que toute attaque contre l'OTAN se heurterait à une défense vigoureuse et qu'elle pourrait déclencher une suite d'événements échappant à tout calcul et comportant, pour l'agresseur, des risques hors de proportion avec les avantages, quels qu'ils soient, qu'il pourrait espérer obtenir. A une époque de parité nucléaire stratégique approximative, la dissuasion ne peut pas s'exercer contre toutes les formes d'agression si elle s'appuie uniquement sur les forces nucléaires stratégiques; elle doit être assurée par le potentiel global de toutes les forces de l'OTAN. L'Alliance doit être capable de riposter de fa‡on appropriée à toute espèce d'agression; sa riposte doit être efficace compte tenu du niveau des forces engagées par l'agresseur, et doit en même temps rendre celui-ci conscient des dangers d'escalade à un niveau supérieur.
  2. En cas d'agression, l'objectif militaire de l'Alliance est de préserver ou restaurer l'intégrité et la sécurité de la zone de l'OTAN en appliquant le concept de la défense en avant et de la riposte graduée avec toutes les forces dont celui-ci peut nécessiter l'emploi. Les forces de l'OTAN doivent être prêtes à utiliser à cette fin toutes les possibilités dont elles disposent (y compris l'arme nucléaire). Cette détermination doit apparaître clairement à l'agresseur.

Forces de l'OTAN

  1. Pour appliquer cette stratégie de dissuasion et de défense, I'OTAN a besoin de forces terrestres, navales et aériennes conventionnelles, de moyens permettant d'utiliser avec efficacité l'arme nucléaire à des fins tactiques et de forces nucléaires stratégiques. Chacun de ces éléments des forces de l'OTAN devrait avoir une crédibilité propre, et ils devraient constituer ensemble un système de dissuasion et de défense étroitement imbriqué. De fa‡on plus précise:
    1. les forces conventionnelles devraient être assez puissantes, tant pour résister à une attaque conventionnelle d'envergure limitée et la repousser, que pour décourager des attaques classiques de plus grande envergure en faisant redouter un développement de la zone, de l'ampleur et de l'intensité des hostilités qui pourrait déboucher sur l'utilisation des armes nucléaires. Si une agression conventionnelle de grande envergure se produisait cependant, ces forces devraient pouvoir soutenir dans les zones de l'avant une défense conventionnelle suffisante pour infliger des pertes graves à l'agresseur et le convaincre des risques qu'entraînerait la poursuite de l'agression;
    2. les moyens nucléaires tactiques ont pour objet de renforcer le pouvoir dissuasif et défensif des forces de l'OTAN à l'égard d'attaques conventionnelles de grande envergure, ainsi que de dissuader l'agresseur d'étendre des attaques conventionnelles limitées et de recourir éventuellement aux armes nucléaires tactiques. Ils sont destinés, d'une part, à convaincre l'agresseur que toute attaque contre l'OTAN, quelle qu'en soit la forme, pourrait entraîner de très graves dommages pour ses propres forces et, d'autre part, à bien lui faire comprendre les dangers que comporterait la poursuite d'un conflit en lui montrant que celui-ci risque alors de dégénérer en guerre nucléaire totale après une escalade échappant à son contrôle. D'un autre côté, ces moyens devraient aussi être d'une nature telle que le contrôle de la situation reste entre les mains de l'OTAN;
    3. les moyens nucléaires stratégiques sont destinés à renforcer les options de la riposte graduée, à étendre les possibilités de la dissuasion à une vaste gamme d'éventualités, et à fournir une arme ultime à la stratégie d'ensemble.

    Ces principes de dissuasion et de défense s'appliquent à l'agression en mer aussi bien qu'à l'agression sur terre.

Ressources

  1. Tant que les niveaux des forces du Pacte de Varsovie ne baisseront pas - ce qui pourrait éventuellement résulter des négociations sur les MBFR - les potentiels des forces de l'OTAN face au Pacte de Varsovie devront être au moins maintenus. Ceci implique que l'on maintienne les niveaux de forces déjà réalisés (ou déjà prévus dans les plans communiqués à l'OTAN) et que l'on remplace et modernise régulièrement les matériels d'importance majeure. C'est ce principe fondamental qui doit déterminer les affectations annuelles et à long terme de ressources à la défense dans tous les pays. Les budgets de la défense doivent donc compenser intégralement les hausses nécessaires ou inévitables des dépenses de fonctionnement et d'entretien - dépenses de personnel notamment - par exemple celles qui résulteraient de l'inflation; en outre, il est nécessaire dans la plupart des pays de majorer substantiellement la part des dépenses qui est consacrée à l'acquisition de matériels nouveaux d'importance majeure.
  2. Il est essentiel pour la solidarité de l'Alliance que chaque pays membre apporte, de fa篮 visible, une contribution à la défense commune qui soit à la mesure du rôle qu'il assume dans la structure de l'Alliance et de sa propre puissance économique.

Coopération au sein de l'Alliance

  1. Les programmes de défense de l'OTAN sont organisés en majeure partie sur une base strictement nationale. Les Etats membres étant souverains et ayant leurs propres systèmes de financement, il y a nécessairement des limites à la mesure dans laquelle l'intégration de programmes communs peut être réalisée. Il existe cependant un certain nombre de possibilités d'action en coopération dont il est urgent de s'occuper plus activement, par exemple:
    1. Rationalisation. Elle représente un ajustement de tâches et de fonctions opéré tant dans le cadre des structures nationales de forces que sur un plan multinational. Ces remaniements ne doivent se traduire par aucun affaiblissement du potentiel global des forces de l'OTAN ni par aucune réduction des efforts de défense nationaux.
    2. Souplesse d'emploi. Elle implique l'élimination de tous les obstacles à l'utilisation optimale de toutes les forces disponibles.
    3. Standardisation. Grâce à la standardisation (ou à l'interopérabilité) des matériels, il est plus facile aux forces de différents pays d'opérer efficacement ensemble. Elle simplifie l'entraînement et le soutien logistique.
    4. Coopération. La coopération dans la mise au point et la production de matériels militaires est une forme particulière de standardisation qui,exploitant les avantages de l'économie d'échelle, permet de réduire les coûts unitaires. La coopération entre l'Amérique du Nord et l'Europe dans ce domaine devrait prendre la forme d'un double courant d'échange.
  2. Il faudrait utiliser au maximum les ressources civiles existantes pour le soutien des plans militaires. Des plans détaillés doivent également être établis dans le secteur civil afin de préparer, dans le domaine économique, un passage rapide au régime du temps d'urgence.

Directives

  1. Compte tenu des considérations ci-dessus, les ministres ont formulé des directives sur les niveaux et caractéristiques des forces l'ampleur des affectations de ressources, la nature des efforts de coopération et les critères d'établissement des priorités, données en fonction desquelles doivent être établis tous les plans de défense de l'OTAN à élaborer pour l'avenir, tant dans le cadre national qu'à l'échelon international.