Communiqué final

Président : M. M. Brosio

  • 15 Nov. 1968 - 16 Nov. 1968
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  • Mis à jour le: 05 Nov. 2008 20:30

<p>La situation internationale après l'intervention armée du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie - Appui à l'Allemagne - Ber</p><p>Le CPD réévalue la défense intégrée de l'OTAN (14 novembre) et approuve des mesures spécifiques.</p>

  1. Le Conseil de l'Atlantique Nord s'est réuni à Bruxelles, en session ministérielle, les 15 et 16 novembre. Les Ministres des Affaires étrangères et un certain nombre de Ministres de la Défense et des Finances participaient à cette réunion. Le Conseil avait avancé sa réunion ordinaire de fin d'année, prévue pour la mi-décembre, afin de permettre aux Ministres examiner à une date plus rapprochée la grave situation qu'ont créée l'intervention armée en Tchécoslovaquie et l'occupation de ce pays par les forces de l'Union soviétique et de quatre de ses alliés du Pacte de Varsovie.
  2. Les Ministres ont réaffirmé l'intangibilité du principe, maintes fois rappelé par tous les Etats, y compris l'URSS, de l'indépendance de chaque peuple et, en conséquence, de la non-intervention d'un Etat dans les affaires d'un autre Etat.

    Ils ont constaté que les dirigeants soviétiques, avec l'assistance de quatre de leurs alliés, avaient délibérément violé ce principe. L'opinion mondiale a été profondément choquée par cette intervention armée effectuée contre la volonté du gouvernement et du peuple tchécoslovaques. Tous les membres de l'Alliance ont dénoncé ce recours à la force, qui met en cause la paix et l'ordre international, ainsi que les principes de la Charte des Nations Unies. Comme tous les autres peuples, le peuple tchécoslovaque doit être libre de forger son avenir sans ingérence extérieure. Des accords conclus sous l'occupation ne peuvent justifier une remise en cause de cette idée fondamentale.

  3. L'affirmation des dirigeants soviétiques selon laquelle il existerait un droit d'intervention dans les affaires d'autres Etats considérés comme faisant partie d'une soi-disant "communauté socialiste" est contraire aux principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies, est dangereuse pour la sécurité européenne et a inévitablement suscité de graves inquiétudes. Elle peut faire craindre que la force ne soit de nouveau utilisée dans d'autres cas.

    Le recours à la force, ainsi que le stationnement en Tchécoslovaquie de forces soviétiques qui n'y avaient pas encore été déployées, ont crée, tant en ce qui concerne l'appréciation de la situation qu'au sujet des desseins et des intentions de l'URSS, une grave incertitude qui oblige les Alliés à faire preuve d'une grande vigilance.

  4. Appliquée à l'Allemagne, la politique que l'URSS fait découler de sa doctrine d'une soi-disant "communauté socialiste" élève de nouveaux obstacles au rapprochement et, finalement, à l'unification des deux parties de l'Allemagne. De plus, elle serait contraire à la lettre et à l'esprit des accords quadripartites concernant l'Allemagne dans son ensemble.

    Compte tenu de cette situation, et prenant en considération les responsabilités particulières des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France, les Ministres ont réaffirmé la détermination de l'Alliance de persévérer dans ses efforts en vue de contribuer à une solution pacifique de la question allemande fondée sur la libre décision du peuple allemand et sur les intérêts de la sécurité européenne. Leurs Gouvernements ne reconnaissent pas la "RDA". Ils s'opposent à toute prétention qui consacrerait la division de l'Allemagne contre la volonté du peuple allemand.

    Se référant au Communiqué publié le 25 juin 1968, à Reykjavik, les Ministres confirment le soutien de leurs Gouvernements à la volonté déclarée des trois Puissances de sauvegarder la sécurité de Berlin et de maintenir le libre accès à la ville. Ils rappellent la déclaration du Conseil Atlantique en date du 16 décembre 1958 sur Berlin et les responsabilités assumées par tous les Etats membres en ce qui concerne la sécurité et le bien-être de Berlin. Ils notent avec satisfaction les mesures importantes prises par la République Fédérale d'Allemagne, en conformité avec le statut de Berlin, pour maintenir la viabilité de la ville. Ils s'associent à la position des trois Puissances quant à l'intérêt légitime que le Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne porte au bien-être et à la viabilité de Berlin et quant aux liens qui en résultent entre l'un et l'autre sur la base des arrangements en vigueur.

    Les Ministres s'associent à l'appel lancé par les trois Puissances à l'URSS pour qu'elle respecte les accords quadripartites concernant Berlin, ainsi que les décisions prises conformément à ces accords par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni.

  5. Les incertitudes nouvelles suscitées par la récente action des Soviétiques se manifestent également dans le bassin méditerranéen. Il y a là une situation qui exige que les Alliés poursuivent, par tous les moyens dont ils disposent, leurs efforts en vue de promouvoir dans cette zone la stabilité et une paix juste et équitable, ainsi que la coopération et l'entente mutuelles. Le développement de l'activité soviétique en Méditerranée, y compris la présence accrue d'unités navales, requiert une vigilance propre à sauvegarder la sécurité des Alliés.
  6. Les membres de l'Alliance invitent instamment l'Union soviétique, dans l'intérêt de la paix mondiale, à s'abstenir de recourir à la force et de s'ingérer dans les affaires des autres Etats.

    Résolus à sauvegarder la liberté et l'indépendance de leurs pays, ils ne pourraient rester indifférents à tout développement qui mettrait en danger leur sécurité.

    Il est évident que toute intervention soviétique ayant une influence directe ou indirecte sur la situation en Europe ou en Méditerranée provoquerait une crise internationale aux conséquences graves.

  7. Ces incertitudes nouvelles subsisteront aussi longtemps que les dirigeants soviétiques s'en tiendront à une politique de force. Les Alliés demeurent convaincus que leur solidarité politique reste indispensable pour décourager l'agression et les autres formes d'oppression. Ils sont, avant tout, fermement résolus à faire face à leurs responsabilités communes et , conformément au Traité, à défendre les membres de l'Alliance contre toute attaque armée.
  8. Les Alliés participant au programme de défense intégrée de l'OTAN se sont donc trouvés dans l'obligation de réévaluer l'état de leurs défenses. Ils considèrent que la situation créée par les récents événements appelle une réaction collective. La qualité, l'efficacité et le déploiement des forces de l'OTAN seront améliorés sur le plan des effectifs comme sur celui du matériel, afin d'être mieux à même d'assurer une défense aussi avancée que possible. La qualité des forces de réserve sera également améliorée et leur aptitude à une mobilisation rapide sera accrue. L'envoi de renforts sur les flancs et le renforcement des forces locales des flancs feront l'objet d'une attention redoublée.

    Le potentiel classique des forces aériennes tactiques de l'OTAN sera augmenté. Certaines unités nationales supplémentaires seront mises à la disposition des Grands Commandements OTAN. Des mesures particulières ont été approuvées dans chacun de ces domaines pour améliorer le potentiel classique des forces de l'OTAN. Les Ministres ont décidé que la mise en pratique coordonnée de ces mesures et le dégagement de ressources budgétaires supplémentaires dans la mesure nécessaire feraient partie du plan de forces OTAN qui sera présenté pour décision en janvier 1969 pour 1969/1973. Ils ont également reconnu que la solidarité de l'Alliance pouvait être renforcée par la coopération entre ses membres, pour alléger les charges qui découlent des déficits de balance des paiements directement provoqués par les dépenses militaires engagées pour la défense collective.

  9. Les Ministres avaient, il y a un an, affirmé, dans le Rapport sur les tâches futures de l'Alliance, que celle-ci, tout en maintenant une puissance militaire et une solidarité politique suffisantes pour décourager tout agresseur, devait s'employer à promouvoir une politique de détente. L'intervention soviétique en Tchécoslovaquie, en portant un grave préjudice à l'espoir de régler les problèmes en suspens qui divisent encore le continent européen et l'Allemagne et de donner à l'Europe la paix et la sécurité, risque de compromettre certains des résultats déjà obtenus dans le domaine de la détente. De fait, l'action des cinq membres du Pacte de Varsovie a contraint les Alliés à réduire la portée et le niveau de leurs contacts avec eux.
  10. Plus précisément, les perspectives de réductions mutuelles et équilibrées de forces ont subi un sérieux recul. Les Alliés poursuivent néanmoins, par d'étroites consultations, leurs études et leurs préparatifs en attendant le jour où règnera un climat plus propice à des discussions fructueuses.
  11. En tout état de cause, l'objectif politique conforme aux valeurs occidentales reste d'établir entre l'Est et l'Ouest des relations sûres, pacifiques et mutuellement avantageuses. Les Alliés sont résolus à poursuivre cet objectif, en tenant compte du fait qu'il ne faut pas laisser la recherche de la détente aboutir à une rupture de l'Alliance. La recherche de la paix exige des progrès, compatibles avec la sécurité de l'Ouest, dans les domaines vitaux du désarmement et du contrôle des armements, ainsi que des efforts constants pour résoudre les problèmes fondamentaux qui séparent l'Est et l'Ouest.
  12. L'Alliance de l'Atlantique Nord continuera d'être l'indispensable garant de la sécurité et la base essentielle de la réconciliation européenne. Aux termes de sa constitution, elle est d'une durée indéfinie. Les événements récents ont démontré de nouveau qu'il est aussi nécessaire que jamais qu'elle demeure en vigueur. Le Ministre français des Affaires étrangères a rappelé, pour sa part, que, sauf événements qui viendraient à modifier de manière fondamentale les rapports entre l'Est et l'Ouest, le Gouvernement français considère que l'Alliance doit se poursuivre aussi longtemps qu'elle apparaîtra nécessaire.
  13. La prochaine réunion du Conseil en session ministérielle aura lieu à Washington les 10 et 11 avril 1969.
  14. Le Comité des Plans de défense, qui s'est réuni en session ministérielle le 14 novembre, tiendra sa prochaine session ministérielle le 16 janvier 1969 à Bruxelles.