Resumé établi par le President

Séminaire sur le maintien de la paix et sa relation avec la gestion des crises

  • 02 Dec. 1994
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  • Mis à jour le: 05 Nov. 2008 01:06

Le seminaire sur "le maintien de la paix et sa relation avec la gestion des crises" s'est tenu du 5 au 7 octobre 1994 au siege de l'OTAN sur la base du concept adopte par le Comite directeur politico-militaire/Groupe ad hoc sur la cooperation en matiere

Introduction

  1. Le seminaire sur "le maintien de la paix et sa relation avec la gestion des crises" s'est tenu du 5 au 7 octobre 1994 au siege de l'OTAN sur la base du concept adopte par le Comite directeur politico-militaire/Groupe ad hoc sur la cooperation en matiere de maintien de la paix "NACC-AHG-N(94)9(2e revision)). Environ 150 participants representant 38 pays et diverses organisations internationales, dont des organisations d'aide humanitaire, ont participe au seminaire.
  2. Le programme comprenait des discours des representants de l'ONU, de la CSCE et de l'OTAN sur le theme du seminaire. Treize delegations - Belgique, Canada, Republique tcheque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Italie, Pologne, Espagne, Suede et Royaume-Uni - ont presente des contributions nationales. D'autres exposes ont ete faits par les representants de l'Union europeenne, de l'UEO, du Departement des affaires humanitaires de l'ONU, du Haut commissariat des Nations Unies pour les refugies (UNHCR) et des Forces multinationale et Observateurs. Le general Briquemont, en sa qualite d'ancien commandant de la FORPRONU en Bosnie-Herzegovine et M. l'ambassadeur Eide de la Conference internationale sur l'ex-Yougoslavie ont apporte des contributions fondees sur leur experience personnelle.
  3. Le present document est un compte rendu analytique du seminaire.

Questions conceptuelles

  1. Le premier jour du seminaire a ete consacre a un debat sur l'evolution recente du concept de maintien de la paix, c'est-a-dire notamment sur le developpement du role du maintien de la paix et sa relation avec la gestion des crises ainsi que sur une reevaluation de nouvelles taches, y compris l'importance accrue des rapports entre les secteurs civil et militaire dans les operations de maintien de la paix.
  2. On a souligne que l'evolution des concepts de maintien de la paix a ete determinee par l'experience pratique et qu'il s'est agi en fait de ce que aucuns appeleraient une "evolution forcee". Non seulement le nombre d'operations de maintien de la paix a augmente, mais les fonctions et les taches se sont rapidement diversifiees. Le representant de l'ONU a fait observer que l'evolution rapide des fonctions et de la pratique du maintien de la paix a precede leur conceptualisation; c'est pourquoi aucune nouvelle doctrine de l'ONU ne vient etayer l'action de cette organisation dans ce domaine. Meme s'il existe encore des operations de maintien de la paix dites "traditionnelles", conduites par des forces equipees d'armes legeres avec le consentement des parties au conflit, un nombre croissant d'operations peuvent etre qualifiees de multifonctionnelles ou multidimensionnelles. Ces operations, qui comprennent encore des taches militaires, englobent diverses fonctions, telles que le deploiement preventif, le desarmement et la demobilisation de forces, la protection et l'apport de l'aide humanitaire, le retablissement de l'ordre public et de nombreuses autres taches civiles telles que le controle du respect des droits humanitaires et la facilitation du retour des refugies. On peut etablir une distinction entre, d'une part, des operations multifonctionnelles conduites sur la base d'un reglement negocie (par exemple Cambodge et Namibie), ayant une duree limitee et de grandes chances de succes et, d'autre part, d'autres operations de ce type ou un tel reglement fait defaut (Somalie et ex-Yougoslavie), dont la duree est indeterminee, ou l'on doit davantage recourir a la force et qui ont moins de chances de connaitre un succes rapide. Les questions qui se posent dans les Etats dits "en faillite", ou l'un des objectifs de la mission de maintien de la paix peut etre le retablissement de l'autorite de l'Etat, constituent un scenario particulierement difficile. Ces questions ont un caractere tout a fait special et doivent etre traitees au cas par cas.
  3. Dans le cas des operations de maintien de la paix multifonctionnelles complexes, qui a ete evoque dans un certain nombre d'exposes, l'extension de la "zone grise" fait apparaitre la necessite de decisions claires et rapides. Il est extremement important d'intervenir de bonne heure dans une crise pour eviter de gaspiller du temps et des ressources. Une prompte coordination entre les organisations internationales et les pays participant a une operation de maintien de la paix est essentielle afin d'eviter les doubles emplois et d'assurer la rentabilite. Les participants au seminaire ont souligne que l'ONU tendait a faire de plus en plus appel aux organisations regionales pour l'execution d'operations de maintien de la paix sous son mandat. Cela exige une coordination et une rationalisation encore plus grandes de leurs activites et de leurs facons d'operer. Dans ce contexte, on a souligne le role important de la CSCE dans l'alerte precoce et la prevention des conflits. On a appele l'attention sur le fait que, la CSCE avait le statut confere par le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies et que, de ce fait, elle pouvait confier un mandat d'operation de maintien de la paix aux termes du Document final d'Helsinki de 1992. Elle ne l'a pas encore fait jusqu'a present, mais il y a de plus en plus de chances pour qu'elle prenne une decision en ce sens dans le proche avenir, par exemple pour une operation multinationale de maintien de la paix au Haut-Karabach.
  4. L'aspect multidimensionnel des nouvelles operations de maintien de la paix exige aussi une nette augmentation du nombre des taches tant civiles que militaires et une grande diversification de ces taches, avec ce que cela implique sur le plan de la formation. L'interface des aspects militaire et civile devient plus importante, d'autant que le nombre d'organisations humanitaires participant au maintien de la paix augmente. Dans le cas des operations de maintien de la paix multifonctionnelles complexes, il n'en est que plus important d'etablir des procedures et une organisation facilement comprehensibles pour les personnels de tous les pays et organismes participants.
  5. De nombreux orateurs ont fait valoir qu'un recours a la force plus ferme ou plus vigoureux est de plus en plus necessaire dans les operations de maintien de la paix, aux termes tant du chapitre VI que du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. En particulier, selon certaines delegations, invoquant l'article 40 de la Charte (chapitre VII), le concept d'autodefense par anticipation qui suppose un plus grand recours a la force pourrait etre applique au niveau operationnel pour justifier une action offensive. Le representant des Nations Unies a egalement evoque les questions de maintien de la paix de "seconde generation", ou un recours plus vigoureux a la force n'entraine pas, en tout etat de cause, un passage du seuil entre le chapitre VI et le chapitre VII. Dans ce contexte, un debat s'est engage sur les principes et les criteres enonces dans le rapport d'Athenes. En ce qui concerne le concept d'impartialite, divers participants ont souligne qu'il n'etait pas synonyme de neutralite.

L'impartialite au niveau strategique et politique demeure essentielle mais l'application de son principe au niveau tactique ne saurait justifier l'inaction d'une force de maintien de la paix dans le cas ou une partie agit a l'encontre du mandat et des objectifs d'une operation. D'un autre cote, une telle action de la force de maintien de la paix peut etre interpretee par la partie concernee comme de la partialite.

L'application stricte de l'impartialite peut donc se reveler difficile dans la pratique. Des considerations analogues interviennent quant au principe du consentement qui devrait evidemment etre respecte pour le lancement d'une operation mais qu'on ne devrait pas necessairement invoquer pour chaque initiative sur le terrain, dans la mesure ou cela peut entrainer, pour une force de maintien de la paix, l'impossibilite d'operer efficacement dans le cadre de son mandat.

  1. Bien que le concept de maintien de la paix ait nettement evolue depuis juin 1993, on a estime que les definitions du rapport d'Athenes restaient generalement valides. Toutefois, il y a peut-etre lieu de les elaborer davantage compte tenu des nouveaux aspects qui se dessinent actuellement dans ce domaine. Plusieurs pays ont presente leur doctrine nationale en matiere de maintien de la paix et, de ce fait, on a ressenti le besoin de traiter la question plus en detail et d'essayer de jeter une base commune. On a egalement souligne la necessite d'elaborer un concept, des principes et des conditions ou criteres separes pour les operations de retablissement de la paix, dans la mesure ou elles se distinguent du maintien de la paix.

Experience acquise jusqu'a present

  1. Le deuxieme theme majeur du seminaire etait l'experience acquise jusqu'a present par les organismes ou institutions dans la conduite d'activites multilaterales de gestion de crise et de maintien de la paix, ainsi que la necessite d'harmoniser davantage ces activites. Au cours du deuxieme et du troisieme jour du seminaire, une bonne partie de la discussion sur ce theme a porte naturellement sur l'experience acquise dans l'ex-Yougoslavie, les relations de travail etablies a la suite de cette experience et les domaines ou un complement de travail est necessaire.
  2. Un certain nombre de participants ont exprime l'avis que l'approche des institutions europeennes a l'egard du maintien de la paix evoluait, la CSCE, l'Union europeenne et l'UEO etant toutes trois en train d'examiner de nouvelles facons de faire face a des situations necessitant le maintien de la paix. Les relations entre les divers organismes regionaux et internationaux participant au maintien de la paix evoluent egalement dans la mesure ou l'ONU et ses organismes commencent a collaborer plus etroitement avec d'autres organismes regionaux et non gouvernementaux dans ce domaine. Par le passe, des structures de gestion des crises ont ete etablies essentiellement pour faire face a l'agression dans le contexte d'une defense collective, comme dans le cas de l'OTAN.

Les evenements de l'ex-Yougoslavie ont pris au depourvu pratiquement toutes les institutions europeennes et c'est pourquoi ces institutions essaient maintenant d'elaborer des approches et des principes nouveaux leur permettant de repondre rapidement et efficacement aux crises futures. Les participants ont note que les crises sont le plus souvent de nature politique et qu'il faut maintenant recourir davantage a des moyens diplomatiques et politiques, ainsi que militaires, pour les contenir et les gerer.

  1. Par ailleurs, a propos des reponses qu'il convient d'apporter a des crises comme celles de la Yougoslavie, on a frequemment souleve la question du mandat confie aux acteurs du maintien de la paix. Les participants etaient d'accord sur le fait que seules l'ONU et la CSCE pouvaient conferer ce genre de mandat. On a generalement convenu que l'ideal etait que ces mandats refletent des objectifs politiques et une vision strategique clairs et fassent l'objet d'une bonne information au moyen de rapports etablis sur le terrain. En pratique, toutefois, cela s'est revele difficile et, en fait, la definition d'un mandat pouvait devenir un processus progressif suscite par des douzaines de resolutions du Conseil de securite, comme cela a ete le cas dans le conflit de l'ex-Yougoslavie. Un mandat large et souple, bien qu'utile du point de vue operationnel, pouvait aller a l'encontre de la definition d'un objectif clair.
  2. La question de la clarte du mandat a ete liee a celle de l'unite de commandement. Un certain nombre d'orateurs ont declare que les operations de maintien de la paix devaient s'executer sous un commandant unique charge des aspects militaire, humanitaire et de toutes les autres composantes de l'operation, et relevant directement des autorites politiques de l'organisation mandante. Cette unite de commandement permettrait une etroite coordination et eviterait les doubles emplois ou, ce qui est pire, les efforts contradictoires. Les pays participants doivent envoyer des troupes bien entrainees et bien equipees ayant une connaissance de la culture locale et elles ne devraient pas anticiper les decisions du commandement sur le terrain. Un orateur a observe qu'en pratique le succes de l'operation "Deny Flight" donnait a penser que l'unite d'effort pouvait dans une certaine mesure remplacer l'unite de commandement (meme si ce n'etait pas l'ideal).
  3. Tous les exposes ont mis en exergue la necessite d'une coordination et d'une cooperation etroites entre tous les elements d'une operation de maintien de la paix. De bonnes communications entre toutes les parties sont primordiales, et elles peuvent etre facilitees par des reunions et des echanges reguliers de personnel ainsi que par l'utilisation d'officiers de liaison. Est utile a cet egard la formation des personnels militaire et civil afin qu'ils comprennent mutuellement leurs perspectives et leurs facons d'operer meme si, en periode de crise, il est difficile en pratique d'organiser une formation pour un personnel dont on a souvent un besoin urgent ailleurs.
  4. La necessite d'une strategie efficace de l'information a ete un autre un enseignement important. Cette strategie aurait les objectifs suivants : informer la population locale et en obtenir le soutien et le consentement, conserver l'adhesion du public dans les pays fournisseurs de troupes et etablir de bonnes relations avec les medias sur le theatre d'operations.