Communiqué final

Président: Manfred Wörner

  • 28 May. 1991 - 29 May. 1991
  • |
  • Mis à jour le: 04 Nov. 2008 22:44

<p>L'ère nouvelle pour l'Europe et pour l'Alliance - Expansion du dialogue avec les pays d'Europe centrale et orientale - Objectif d'une Europe entière et libre - Rapatriement des contingents soviétiques et dissolution de la structure militaire du Pacte

  1. Le Comité des plans de défense (DPC) et le Groupe des plans nucléaires (NPG) de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord se sont réunis en session ministérielle à Bruxelles, les 28 et 29 mai 1991.
  2. L'an dernier, au sommet de Londres, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'OTAN ont engagé l'Alliance dans une nouvelle voie, soucieux de l'adapter à des paramètres de sécurité profondément modifiés et de promouvoir l'évolution positive observée en Europe centrale et orientale. L'ère nouvelle a bel et bien commencé, et pour l'Europe, et pour l'Alliance. Nous avons ouvert avec les pays d'Europe centrale et orientale un dialogue qui s'accompagne de contacts politiques et militaires à tous les niveaux et qui doit continuer à se développer. Les Alliés continueront de privilégier la coopération en faisant fond sur les principes de la Charte de Paris. Tout cela aide à surmonter les divisions du passé, cependant que nous nous acheminons vers notre objectif d'une Europe entière et libre.
  3. La poursuite du rapatriement des contingents soviétiques et la récente décision des Etats membres du Pacte de Varsovie de dissoudre officiellement la structure militaire de celui-ci sont des facteurs importants qui profitent à la sécurité et à la stabilité du continent. Nous comptons que toutes les parties au Traité sur les forces conventionnelles en Europe appliqueront intégralement celui-ci, ce qui serait un grand pas en avant, et nous en appelons à l'URSS pour qu'elle trouve une solution aux derniers problèmes qui en retardent la ratification.
  4. La nouvelle situation politique et 1'amélioration sensible des conditions de la sécurité en Europe ont rendu un affrontement entre l'Est et l'Ouest beaucoup plus improbable. Des incertitudes et des périls subsistent néanmoins. L'URSS connaît une évolution politique difficile. Il est évidemment de notre intérêt que son processus de reforme politique et économique aboutisse, d'autant que les Soviétiques possèdent toujours un solide potentiel nucléaire et conventionnel. Les pays d'Europe centrale et orientale sont soumis à des pressions politiques, sociales, économiques et ethniques qui risquent d'engendrer des crises préjudiciables à la stabilité générale de l'Europe. Qui plus est, la guerre du Golfe vient de nous rappeler que le danger peut venir d'ailleurs. Les Alliés doivent donc travailler sans relâche à protéger la paix et la liberté, préserver l'équilibre stratégique et conserver les moyens d'une dissuasion crédible et d'une défense collective efficace, pour faire pièce à toute menace dirigée contre leur territoire.
  5. Nous nous réjouissons vivement de la victoire remportée par les forces de la coalition internationale dans le conflit du Golfe. Nous avons beaucoup apprécié la rapidité avec laquelle l'Alliance a pu envoyer des unités navales et aériennes dans la partie méridionale de la zone du Traité de l'Atlantique Nord, en vue de prévenir une éventuelle agression contre ses membres. Ainsi, pour la première fois dans l'histoire de l'Alliance, des éléments de la Force mobile du CAE (Commandement allié en Europe) se sont déployés dans une configuration opérationnelle. Ces initiatives ont, une fois de plus, illustré l'importance capitale de notre solidarité politique et de notre détermination à remplir nos engagements envers la sécurité commune, tels que stipulés dans l'article 5 de notre Traité.
  6. Nous nous employons à ajuster et à transformer nos dispositions de défense collective suivant les principes énoncés dans la Déclaration de Londres. Notre vision générale de la politique de sécurité alliée se manifeste dans les trois éléments mutuellement complémentaires de celle-ci, à savoir la coopération, le dialogue et la conservation d'une défense collective efficace. La maîtrise des armements et le désarmement jouent un rôle clé dans la poursuite du dialogue et dans l'approche coopérative de la sécurité européenne. Nous saluons les progrès substantiels enregistrés dans l'élaboration du nouveau concept stratégique de l'Alliance, qui approche de sa phase terminale. Nous espérons bien que ce concept sera approuvé avant la fin de l'année. Les travaux effectués jusqu'ici pour tenir compte des nouveaux paramètres de la sécurité sont un bon point de départ pour la suite des activités visant à approfondir le développement de notre politique de défense et, en particulier, à remodeler notre dispositif nucléaire et conventionnel, par le processus de planification de la défense collective.
  7. Tandis que l'Alliance s'adapte au nouvel environnement, elle doit continuer de se référer à des principes permanents, dont l'indivisibilité de sa sécurité et le partage des responsabilités. Ces principes transparaissent dans la structure militaire intégrée et dans les dispositions de défense collective qui garantissent une dissuasion crédible et un potentiel militaire efficace depuis quarante ans. Il est indispensable que des forces nord-américaines restent présentes en Europe.
  8. A la réunion du DPC, nous avons repris nos consultations intensives sur le réexamen auquel de nombreux pays membres soumettent leurs plans de défense, d'une part, et sur ses conséquences pour la défense collective, d'autre part. Nous nous sommes également penchés sur les recommandations des autorités militaires alliées au sujet de la nouvelle structure des forces. Celle-ci reflétera fidèlement les caractéristiques évoquées dans la Déclaration de Londres: souplesse, mobilité et multinationalité. Nous sommes heureux de constater que les futurs plans nationaux et les changements apportés à la structure des forces de l'OTAN nous permettront de garder un dispositif de défense collective cohérent, efficace et reposant sur des niveaux de forces globalement moins élevés.
  9. Nous avons souscrit aux éléments de base d'une nouvelle structure constituée de forces de défense principales, de forces de réaction et de forces d'appoint faisant appel à des unités multinationales terrestres, aériennes et navales. Plus précisément, nous avons marqué notre accord sur les contributions de divers pays aux corps d'armée multinationaux des forces de défense principales, pour lesquels des plans détaillés vont maintenant être établis. Quant aux forces de réaction, elles devraient se subdiviser en forces de réaction immédiate et en forces de réaction rapide, provenant de la plupart des membres de l'OTAN et intégrant des formations nationales et multinationales. Nous avons décidé de créer, à l'intérieur des forces de réaction rapide, un corps d'armée destiné au CAE, placé sous commandement britannique et doté d'un quartier général multinational. Si nous combinons ces forces à la structure future de nos forces aériennes et navales, nous serons en mesure de déployer avec souplesse des unités dont les caractéristiques dépendront des circonstances. Dans ce contexte, nous avons décidé également de mettre en place, au SHAPE, un état-major multinational chargé des activités de planification relatives aux forces de réaction, qui élaborera et coordonnera les plans de l'ensemble des forces de réaction du CAE. Plusieurs aspects importants de la réalisation de la nouvelle structure doivent encore être examinés, y compris la composition des éléments aériens et navals multinationaux et leurs modalités de commandement. Nous sommes convenus qu'il fallait procèder immediatement aux études requises. Enfin, la structure de commandement de l'OTAN doit sans délai faire l'objet d'une étude dont le but sera de l'alléger et de l'adapter à la situation nouvelle.
  10. Nous avons approuvé la directive ministérielle pour 1991 en tant qu'orientation politique des activites nationales et collectives de planification de la défense de l'Alliance qui seront menées jusqu'en 1998 et au-delà. La directive couvre donc la période de transition au nouveau concept stratégique de l'Alliance, et l'application de ses dispositions devra dès lors tenir compte de la nouvelle stratégie, telle qu'elle sera finalement adoptée. Elle atteste notre adhésion à la proposition selon laquelle il faut sauvegarder l'efficacité de la défense collective, et à cet effet, dégager des ressources propres à garantir que les forces affectées à la nouvelle structure soient dotées d'un personnel adéquat, bien équipé et possédant une formation et un entraînement appropriés. Nous n'en reconnaissons pas moins qu'une amélioration soutenue du contexte de la sécurité devrait alléger la charge de la défense supportée par la majorité des gouvemements. Cependant, l'adaptation et la transformation des forces durant la période de transition auront inévitablement des conséquences financières, de sorte que la plupart des pays ne doivent pas compter, à court terme, sur une baisse prononcée de leurs dépenses de défense en valeur réelle. A cet égard, l'exploitation plus rationnelle des budgets militaires et un partage équitable des charges liées à la défense collective demeurent deux objectifs essentiels.
  11. Nous avons également passé en revue les travaux en cours dans certains des principaux domaines de la planification de la défense, au titre de l'adaptation des forces alliées. Ces travaux concernent notamment la gestion des crises (qui acquerra beaucoup plus d'importance au vu de l'ampleur, de la diversité et de l'imprévisibilité des risques éventuels pour l'Alliance), les plans de renforcement (en plus de la liaison transatlantique, dont le caractére vital n'est pas remis en cause, les mouvements de renforts entre différentes régions d'Europe, qui font intervenir des unités européennes et nord-américaines, joueront en effet un rôle grandissant), le système de commandement et de contrôle aériens, et aussi l'infrastructure, la coopération en matière d'armements - facilitée par le plan d'orientation pour les armements conventionnels et le soutien logistique. Certes, une bonne partie de ces tâches ne pourront être achevées qu'une fois approuvés le concept stratégique et la nouvelle structure des forces, mais les travaux avancent de façon satisfaisante. Nous avons entendu un exposé consacré aux enseignements tirés du conflit du Golfe sur le plan militaire, enseignements dont nous pensons qu'ils devraient être analysés avec soin et, le cas échéant, mis en pratique.
  12. A la réunion du NPG, nous avons examiné tout un éventail de questions liées au domaine nucléaire. Nous avons reçu des informations sur l'avancement des négociations américano-soviétiques, et nous appuyons les efforts déployés par les Etats-Unis pour mener à bien les entretiens sur la réduction des armements stratégiques. Nous notons avec plaisir que les missiles américains et soviétiques déclarés dans le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ont été complètement éliminés. Nous avons ainsi franchi une étape sur la voie qui conduit à la sécurité dans la stabilité, à partir de niveaux d'armement moins élevés. A cet égard, nous avons fait le point sur les consultations interalliées visant à l'établissement d'un cadre qui se prête à des négociations entre les Etats-Unis et l'URSS sur la réduction des forces nucléaires à courte portée.
  13. L'an dernier, nous avons commencé un réexamen fondamental du volume et des missions des forces nucléaires alliées, désireux de parvenir à une moindre dépendance vis-à-vis des arsenaux nucléaires et à une diminution substantielle de ceux-ci. En même temps, cette demarche montre que, pour l'avenir prévisible, l'arme atomique joue un rôle essentiel dans une stratégie conçue pour preserver la paix, et qu'à cet égard il reste indispensable de baser en Europe des forces préstratégiques maintenues à niveau là où ce sera nécessaire, moyennant une large participation à la fonction nucléaire et à la formulation des politiques qui s'y rattachent. Ce réexamen est bien avancé et sera mené à son terme concurremment avec la définition de notre nouveau concept stratégique. Tout en recherchant pour les forces nucléaires le niveau le plus bas qui soit compatible avec les impératifs de la sécurité de 1'Alliance, nous étudions les mesures requises pour que les forces qui subsisteront demeurent efficaces, souples et aptes à la survie, et pour qu'elles soient dotées de moyens de communication adéquats.
  14. Avec la guerre du Golfe pour toile de fond, nous avons discuté du risque engendré par la prolifération des missiles balistiques et des armes de destruction massive, ainsi que de la nécessité d'envisager des solutions complémentaires pour parer à ce problème, y compris l'imposition de contrôles à l'exportation et l'installation de systèmes de défense antimissiles. Nous avons apprécié l'exposé dans lequel les Etats-Unis nous ont présenté leur concept pour une protection à l'echelle mondiale contre des attaques limitées de missiles balistiques.
  15. C'est dans un environnement où les chances de faire progresser la liberté, la stabilité, le règlement pacifique des différends et la démocratie dans toute l'Europe sont meilleures que jamais que l'Alliance a entamé sa transformation. Nous nous félicitons de l'intensification du dialogue et de la coopération avec tous les pays d'Europe centrale et orientale; nous y voyons une contribution riche de promesses à 1'amélioration de la confiance et de la compréhension mutuelles. Placé sous le signe de la Charte de Paris, le processus de la CSCE devrait être de plus en plus constructif et il viendra compléter les efforts que l'Alliance déploie en faveur d'une Europe plus sûre et plus stable, d'une Europe où aucun pays ne pourrait se livrer à des actes d'intimidation ou de coercition à l'encontre d'un autre pays, ni imposer son hégémonie en recourant à la menace ou à l'emploi de la force. Comme par le passé, la maîtrise des armements et le désarmement sont appelés, eux aussi, à jouer un rôle de premier plan dans ce domaine. Le développement d'une identé européenne de sécurité et de défense devrait déboucher sur 1'affermissement du pilier européen de l'Alliance, et de ce fait, servir les intérêts des Etats du Vieux Continent, mais également accroître la solidarité atlantique, puisqu'il témoignera de la disposition des Alliés européens à assumer une plus large proportion des responsabilités inhérentes à la sécurité collective. L'OTAN restera le forum essentiel de la consultation interalliée et l'enceinte habilitée à valider les politiques influant sur les engagements pris par ses membres, aux termes du Traité de Washington, en matière de sécurité et de défense.
  16. A nos réunions de l'automne, nous examinerons plus avant l'application du nouveau concept stratégique, et en particulier la structure qui en découle pour les forces nucléaires et conventionnelles et pour leur commandement. L'adaptation aux impératifs du nouveau contexte de la sécurité est un véritable défi. Les débuts sont prometteurs, et nous restons déterminés à faire en sorte que le dispositif de défense commun continue à nous servir aussi bien qu'il l'a fait par le passé.