Communiqué
Président: Manfred Wörner
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- Le Comité des plans de défense de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord s'est réuni en session ministérielle à Bruxelles, les 22 et 23 mai 1990.
- Cette année, nos réunions du printemps marquent le début d'une ère nouvelle. Lorsque nous nous sommes réunis voici deux semaines au Canada pour débattre des questions nucléaires, nous avons souligné le caractère fondamental des changements en cours dans les pays d'Europe centrale et orientale. Les progrès de la démocratie dans ces pays et l'unification de l'Allemagne transforment le visage politique de l'Europe. La nature des problèmes de sécurité que rencontre l'Alliance se modifie donc radicalement. L'OTAN est résolue à tirer le meilleur parti des possibilités créées par cette évolution et s'adapte aux conditions nouvelles qui voient le jour en Europe, tout en constituant un des grands pôles de coordination des efforts déployés par les pays occidentaux dans le but d'influer sur le cours des événements. Nous avons réaffirmé que l'OTAN demeure le fondement de notre sécurité collective. Parallèlement nous considérons que la CSCE et le processus de maîtrise des armements peuvent jouer un rôle important et complémentaire dans la mise au point de mesures visant à renforcer la sécurité fondée sur la coopération. Notre objectif est de permettre au changement de s'opérer dans des conditions de stabilité favorables à l'instauration d'une paix durable et de la liberté en Europe.
- Grâce à ces changements politiques et au succès de l'action menée par l'OTAN, les risques auxquels l'Alliance est exposée dans le domaine militaire se sont déjà fortement atténués. Nous espérons que les réductions unilatérales des forces de l'Union soviétique et d'autres pays du Pacte de Varsovie seront réalisées comme annoncé. L'exécution intégrale de ces réductions contribuera à corriger le déséquilibre marqué des forces en Europe. Celui-ci ne disparaîtra toutefois qu'avec la mise en oeuvre d'un accord satisfaisant sur les forces conventionnelles en Europe (FCE). Il ressort d'une première évaluation des autorités militaires de l'OTAN que l'application d'un traité sur les FCE, conjuguée à de nouvelles mesures de confiance et de sécurité, rendra virtuellement impossible le lancement, contre l'ensemble de l'OTAN, d'une attaque-surprise mobilisant des forces conventionnelles très supérieures. En conséquence, le délai minimum d'alerte précédent toute opération offensive de grande envergure s'allongera sensiblement. Globalement, la mise en oeuvre d'un tel accord se traduira par une amélioration spectaculaire de notre sécurité mutuelle. C'est pourquoi nous soulignons qu'il est important de conclure un traité cette année encore, et nous en appelons à l'Union soviétique pour qu'elle collabore, dans un esprit constructif, avec toutes les autres parties afin d'y parvenir.
- Un changement aussi profond contient des germes d'incertitude et d'instabilité. En outre, même après un aboutissement satisfaisant des actuelles négociations sur la maîtrise des armements, l'Union soviétique conservera des forces nucléaires et conventionnelles importantes, modernes et efficaces. Pour l'essentiel, la nécessité de préserver notre sécurite demeure donc vitale. La détermination et la solidarité dont nous avons fait preuve si longtemps dans le maintien d'un dispositif de défense collective adéquat, et notamment la présence en Europe d'importantes forces conventionnelles et nucléaires nord-américaines, continueront de jouer un rôle crucial dans la construction d'un ordre pacifique durable sur le Vieux Continent.
- Déjà nous évoluons en fonction des circonstances. Les principes régissant notre sécurité, qui sont exposés dans le concept global de l'Alliance pour la maîtrise des armements et le désarmement, demeurent valables. Sur cette base et dans la perspective du prochain sommet de l'OTAN, au cours duquel le rôle à jouer par l'Alliance dans les années 90, au sein d'une Europe transformée, sera examiné, nous avons décidé d'entreprendre une révision de la stratégie militaire de l'OTAN et de continuer à adapter nos impératifs de défense afin qu'ils tiennent pleinement compte de la situation nouvelle qui se développe. Nous devrons également ajuster les concepts et doctrines opérationnels qui sous-tendent cette stratégie, de telle sorte qu'ils restent conformes à nos besoins en matière de sécurité.
- Nous sommes dans une période de transition. Nous progressons à grands pas vers l'objectif que nous poursuivons depuis longtemps: accroître la sécurité et la stabilité en Europe au niveau de forces le plus bas qui soit compatible avec nos besoins dans le domaine de la sécurité. Nous nous employons à accomplir ensemble cette tâche difficile qu'est la réduction et l'adaptation de nos moyens de défense, en mettant à profit les procédures éprouvées de la planification collective de l'Alliance. Cela signifie qu'à court terme, nous devrons apporter des ajustements à notre dispositif de défense là où nous pensons que c'est raisonnable et sûr, et à long terme, prévoir des changements plus fondamentaux. En dressant ainsi nos plans pour l'avenir, nous veillerons avec soin à conserver la souplesse qui permettra à l'Alliance de répondre rapidement et positivement aux conditions nouvelles.
- Nous pouvons maintenant commencer à récolter les fruits de l'amélioration très nette du climat des relations Est-Ouest. En guise de premier pas, nous avons conclu que l'objectif général que nous avions adopté pour la première fois en 1977 et qui fixait à quelque 3% les augmentations annuelles réelles des dépenses de défense, ne se justifie plus, étant entendu que les programmes de dépenses doivent continuer de refléter les circonstances propres à chaque pays. La nécessité de conserver un dispositif de défense crédible et efficace restera le principal critère utilisé pour déterminer les ressources que réclame notre défense collective. Avec la conclusion d'un traité sur les FCE on peut s'attendre à une certaine diminution du montant global des dépenses de défense. Cependant les économies seront en partie annihilées par des dépenses liées à la mise en oeuvre de ce traité, par exemple, celles qu'occasionneront la destruction d'équipements, la vérification, et la nécessaire restructuration de nos forces. A plus long terme, la poursuite du processus de maîtrise des armements pourrait autoriser une nouvelle réduction de coût de la défense.
- Nous avons en outre décidé de prendre des mesures pour abaisser le degré de préparation et de disponibilité de certaines de nos forces permanentes. Nous avons déjà réduit fortement l'envergure et le nombre des exercices. Comme suite à une étude approfondie des autorités militaires de l'OTAN, nous avons décidé d'encore diminuer sensiblement et d'adapter nos programmes d'entraînement, tout en préservant la capacité opérationnelle requise. Ces mesures atténueront les inconvénients pour la population, auront une incidence bénéfique sur la qualité de la vie et contribueront à la protection de l'environnement. Nous avons aussi examiné la question de l'implantation du centre de chasse tactique de l'OTAN et sommes convenus de ne pas retenir les sites envisagés, mais d'étudier d'autres solutions pour répondre à nos besoins d'entraînement.
- Pour ce qui est du long terme, nous attachons une importance particulière à un examen que nous avons confié aux autorités militaires de l'OTAN en vue de déterminer les possibilités d'un recours accru aux forces multinationales. L'étude en cours sur le concept futur du renforcement et l'emploi des renforts sera un élément important dans notre évaluation des besoins après la conclusion d'un accord sur les FCE. Nous étudions les moyens de faire davantage appel aux ressources civiles pour la défense. Nous nous félicitons du programme de travail que la Conférence des directeurs nationaux des armements prépare pour nous permettre d'exploiter au mieux la coopération en matière d'armements dans le contexte qu'aura créé la signature d'un traité sur les FCE. Nous avons demandé qu'il soit procédé à une réévaluation de tous les besoins potentiels qui pourraient grever nos ressources financières communes, y compris ceux découlant de la mise en oeuvre d'un traité sur les FCE, afin de redéfinir les priorités.
- Nous préparons déjà la mise en oeuvre d'un traité sur les FCE et entre-temps, nous avons pris des mesures destinées à garantir que notre dispositif de forces demeure approprié et souple. C'est précisément dans cette optique que nous avons adopté les objectifs de forces 1990 en tant qu'enveloppe de transition. Face à la très grande incertitude qui règne, ces objectifs constituent des orientations rationnelles pour l'avenir. Soucieux de permettre une signature rapide et une application prompte de l'accord, nous avons bien avancé dans la répartition des réductions potentielles de matériels et la fixation des plafonds nationaux résiduels. Nous sommes résolus à faire en sorte que la mise en oeuvre du traité se traduise par le maintien d'une structure de forces alliées équilibrée et homogène, et facilite un partage judicieux des tâches. Une fois l'accord réalisé sur les FCE, nous comptons bien poursuivre les négociations afin de réduire encore les forces en Europe, conformément à ce que nous préconisons depuis longtemps en matière de sécurité.
- L'Alliance entre dans une nouvelle décennie au cours de laquelle elle sera confrontée à des changements et des possibilités sans précédent. Au coeur de ces changements, un système de sécurité collective solide et fiable demeure aussi indispensable qu'avant. Nous resterons donc attachés au principe fondamental de la prévention de la guerre par la dissuasion et la défense. En adaptant notre effort de défense en fonction des besoins d'un monde en pleine mutation, nous veillerons à ce que les niveaux, les structures et les concepts opérationnels de nos forces armées continuent à évoluer dans un sens positif et constructif. Nous possédons la détermination, l'expérience et la clairvoyance requises pour gérer et orienter les événements vers un avenir où les défis qui se présenteront devraient pouvoir, selon nous, être relevés dans un esprit de coopération plutôt que de confrontation.