Communiqué

Président: Manfred Wörner

  • 06 Dec. 1990 - 07 Dec. 1990
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  • Mis à jour le: 04 Nov. 2008 21:47

  1. Les réunions ministérielles du Comité des plans de défense (DPC) et du Groupe des plans nucléaires (NPG) de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord se sont tenues à Bruxelles, les 6 et 7 décembre 1990.
  2. Depuis un an, la sécurité de l'Europe est en pleine évolution. Nous sommes entrés dans une ère nouvelle et prometteuse. Réunis à Londres en juillet, les dirigeants alliés ont défini, dans une déclaration qui fera date, les orientations que devra suivre l'Alliance pour saisir les occasions et relever les défis qui se présentent à elle. Nous venons donc de faire le point sur la révision de notre stratégie et sur le remaniement en profondeur qu'exige notre dispositif conventionnel et nucléaire.
  3. D'autres bouleversements se sont produits ces derniers mois, qui nous rapprochent de notre but: l'avènement d'une Europe entière et libre. L'unification véritablement historique de l'Allemagne pleinement intégrée à l'Alliance, la poursuite de la démocratisation en Europe centrale et orientale, les changements s'opérant à l'intérieur d'un Pacte de Varsovie dont le statut d'organisation militaire cohérente est sérieusement ébranlé, et les réductions de forces et les retraits auxquels l'URSS procède de sa propre initiative sont autant de facteurs qui contribuent à accroître la sécurité et la stabilité du Vieux Continent. A Paris, lors du sommet de la CSCE, un grand pas en avant a été fait avec la signature du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE); une fois intégralement appliqué, ce traité éliminera les asymétries les plus déstabilisantes dans les principales catégories de systèmes d'armes. La déclaration conjointe publiée à l'occasion de ce sommet souligne que les Etats membres des deux alliances ne se considèrent plus comme adversaires et marque la fin de la guerre froide.
  4. Mais, si la menace d'hier s'éloigne, la paix et la liberté demeurent des valeurs qu'il faut constamment protéger. Dans un monde d'incertitude, le dispositif de sécurité collective que nous offre l'Alliance, grâce au partenariat transatlantique, n'a rien perdu de son utilité. Les risques auxquels les Alliés se voient aujourd'hui confrontés en Europe ne résident pas tant dans une agression caractérisée commise contre leurs territoires que dans les conséquences imprévisibles d'un climat de précarité engendré par une succession de mutations rapides et généralisées, qu'elles soient politiques, sociales, économiques. L'établissement de relations débarrassées de tout caractère conflictuel ne dispense pas l'OTAN de contrebalancer, au nom de la prudence, ce qui va subsister du potentiel militaire soviétique. De plus, notre sécurité commune peut être mise en péril par des foyers d'instabilité en Europe centrale et orientale - ou ailleurs - et nous sommes résolus à la garantir en conservant des forces suffisamment puissantes.
  5. La crise du Golfe nous montre bien que le danger d'une agression reste du domaine du possible. L'invasion du Koweit par l'Irak est une grave atteinte à l'idéal d'une paix universelle; plus que jamais, les nations pacifiques et respectueuses du droit international doivent faire bloc. Pour donner effet aux résolutions de Conseil de sécurité de l'ONU, plusieurs pays de l'Alliance ont contribué de diverses manières à l'effort international, que ce soit à titre individuel ou sous les auspices d'autres organisations: démarches diplomatiques, envoi de troupes, octroi d'une aide économique et humanitaire, délivrance d'autorisations de survol et d'atterrissage, et fourniture d'un soutien logistique. Un Etat agissant isolément n'aurait pu avoir une réaction aussi rapide et aussi impressionnante s'il avait dû compter sur ses seules ressources. Les consultations interalliées figurent en bonne place dans les démarches engagées en l'occurrence. Il y a lieu de préserver la solidarité manifestée par la communauté internationale pour désamorcer la crise.
  6. Nous entretenons l'espoir d'arriver à un règlement pacifique. La résolution 678 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui autorise l'usage de tous les moyens voulus pour faire appliquer toutes les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et pour rétablir la paix et la sécurité internationales dans la région, accorde à l'Irak une période de grâce pour lui laisser une dernière chance de s'acquitter pleinement de ses obligations internationales. Cette même résolution demande à tous les membres de l'ONU d'apporter l'appui requis aux mesures envisagées. Aux côtés des nombreux pays qui ont opposé un front uni à l'agression injustifiée dont l'Irak s'est rendu coupable, les pays alliés, en leur qualité d'Etats souverains, continueront à se conformer scrupuleusement aux résolutions déjà évoquées.
  7. En cette période de transition, nous nous tournons vers l'avenir, orientant nos discussions sur les besoins auxquels nous devrons satisfaire. Conformément aux dispositions de la Déclaration de Londres, nous mettons au point un nouveau concept stratégique. Il s'agira notamment de donner aux autorités militaires de l'OTAN des principes directeurs pour l'élaboration du dispositif de forces et des doctrines opérationnelles nécessaires. Nous prendrons aussi en considération l'interaction des moyens de défense, de la maîtrise des armements et de la coopération en matière de sécurité, dont les structures commencent à se dessiner. La révision de la stratégie avance à un rythme satisfaisant, et nous espérons être en mesure d'approuver ce concept au printemps prochain..
  8. A la réunion du Comité des plans de défense, nous avons poursuivi nos consultations sur les changements que bon nombre de pays membres envisagent d'introduire dans leur contribution militaire à la défense collective. Nous tenons beaucoup à ce que les plans de forces nationaux soient étroitement coordonnés, de manière à garder un dispositif cohérent, allant de pair avec la stratégie en préparation. Nous voulons améliorer la stabilité et la sécurité, pendant la transition actuelle, et aussi dans une Europe où la sécurité sera placée sous le signe de la coopération. Notre futur dispositif s'articulera autour de forces d'active moins nombreuses, constituées en formations plus mobiles, plus souples, et capables de riposter à une agression, d'où qu'elle vienne; une bonne partie de ces formations auront un degré de préparation et de disponibilité moins élevé, mais, le cas échéant, elles pourront être recomplétées et renforcées. De plus en plus, nous privilégierons les formations multinationales, ce qui intensifiera la coopération alliée et soulignera le caractère collectif de notre défense. Il est indispensable que les démocraties nord-américaines maintiennent une présence militaire significative sur le territoire européen.
  9. Nous avons passé en revue diverses mesures qui sont prises pour adapter notre dispositif à la conjoncture, laquelle nous a permis - et nous en réjouissons - d'abaisser encore le niveau de préparation de certaines forces alliées; les travaux se poursuivent dans cette direction. Nous sommes convenus qu'il faut s'atteler en outre à deux tâches majeures, à savoir l'élaboration de nouvelles directives quant à la capacité de soutien de nos forces, et la définition d'un nouveau concept de renforcement, pour tenir compte de la signature du traité sur les FCE et de l'apparition d'une stratégie et de structures de forces différentes. Par ailleurs, l'OTAN réoriente son programme d'infrastructure pour l'ajuster à ses besoins futurs. Nous avons aussi entendu un exposé consacré à l'état d'avancement des travaux visant à adapter l'ampleur du programme relatif au système de commandement et de contrôle aériens (ACCS) selon l'évolution de la situation sur le plan de la sécurité. D'autre part, il reste important pour l'Alliance que la 401e escadre de chasse tactique américaine soit basée dans la région Sud, et nous confirmons notre décision de construire à Crotone, par un financement commun de l'infrastructure, une base destinée à accueillir cette unité. Enfin, nous avons noté qu'un groupe de pays procède à un examen préliminaire des possibilités d'amélioration des modalités régissant le commerce de matériels de défense entre Alliés.
  10. Nous attendons avec intérêt la ratification et l'application intégrale du traité sur les FCE par toutes les parties, ainsi que la poursuite des négociations dans ce domaine. Précisément, l'application du traité représente pour nous, ministres de la Défense, une responsabilité spéciale qui figurera en tête de nos priorités dans les années à venir. Les plafonds des dotations nationales en équipements ont été calculés, comme il est prévu dans le traité, et nous nous félicitons du consensus auquel les Alliés sont parvenus sur ce point. La nécessité de détruire d'énormes quantités d'armes et le respect d'un régime de vérification d'une minutie sans précédent vont bientôt poser de nouveaux défis qui, pour concerner essentiellement les gouvernements des pays membres, n'en exigeront pas moins de l'Alliance une coopération sans faille, par exemple au sein du Comité de coordination de la vérification récemment créé.
  11. Cette coopération pourra également s'exercer sous la forme de transferts de matériels modernes devenus excédentaires que des pays alliés céderont à certains de leurs partenaires, en remplacement de matériels plus anciens. Ceci donnera à l'OTAN un moyen supplémentaire d'atteindre l'un de ses objectifs traditionnels: aider la Grèce, le Portugal et la Turquie à mieux équiper leurs armées. Nous avons marqué notre accord de principe sur l'imputation partielle au budget commun existant du coût des opérations de transfert et de destruction liées au traité.
  12. A la réunion du Groupe des plans nucléaires, nous avons fait un premier bilan des activités relatives au développement de notre politique et de notre dispositif nucléaires, qui subiront des changements substantiels dictés par l'engagement pris à Londres quant à la modification de la taille de nos forces de dissuasion nucléaire et à l'adaptation de leurs missions, dans une Europe présentant des paramètres de sécurité différents.
  13. Nous réaffirmons que, pour sauvegarder la paix, l'Alliance doit conserver, à échéance prévisible, une combination appropriée de forces nucléaires et conventionnelles basées en Europe et maintenues à niveau, là où ce sera nécessaire. Notre politique nucléaire reposera sur des principes gardant toute leur validité: ainsi, les armes nucléaires, stratégiques comme préstratégiques, jouent un rôle déterminant dans la prévention des conflits et la sauvegarde de la stabilité; les arsenaux nucléaires installés sur le continent européen assurent l'indispensable couplage avec les forces stratégiques de l'OTAN; en outre, une large participation à la fonction nucléaire et à la formulation de la politique qui la sous-tend atteste la cohésion des Alliés et l'existence d'un réel partage des responsabilités, en même temps qu'elle apporte une contribution de poids à notre dispositif nucléaire.
  14. S'il n'est pas question de remettre en cause ces principes, le nouveau contexte politique et militaire a cependant permis à l'Alliance d'entamer un profond remaniement des niveaux et des structures de ses forces nucléaires, pour traduire cette dépendance réduite à l'égard de l'arme atomique qu'annonçait la Déclaration de Londres. Nous constatons avec satisfaction que des mesures sont prises à cet effet, qui déboucheront, une fois de plus, sur un abaissement spectaculaire du nombre d'armes nucléaires que l'OTAN conserve sur le territoire européen. Les forces nucléaires résiduelles, que nous souhaitons ramener au niveau le plus bas et le plus stable qui soit compatible avec nos impératifs de sécurité, devront avoir une souplesse de réaction, une efficacité, une aptitude à la survie et une répartition géographique qui leur permettent de demeurer une composante crédible de la stratégie générale de l'OTAN, dont l'objectif est d'empêcher la guerre. Nous mettrons au point notre dispositif nucléaire futur conjointement avec notre nouveau concept stratégique, en suivant les principes et les orientations définis pour les forces nucléaires dans la Déclaration de Londres.
  15. Il existe un lien indéniable entre, d'une part, l'élaboration de la politique et du dispositif nucléaires et, d'autre part, les consultations engagées à l'intérieur de l'Organisation pour l'établissement d'un cadre se prêtant à des négociations américano-soviétiques sur la réduction des forces nucléaires à courte portée. Par conséquent, nous réaffirmons notre volonté de maintenir, dans l'Alliance, l'étroite coordination qui s'impose.
  16. Nous saluons les progrès accomplis dans les pourparlers relatifs à la réduction des armements stratégiques, exprimons notre appui aux efforts des Etats-Unis dans ce domaine et appelons de nos vœux la conclusion d'un traité. Par ailleurs, nous avons discuté de l'évolution des forces nucléaires soviétiques, dont la modernisation n'a pas cessé, et du débat que le rôle des armes nucléaires suscite en URSS. Nous pensons que l'ouverture d'un dialogue avec ce pays au sujet de la dissuasion nucléaire - proposition récemment avancée par les Américains - pourrait aboutir à une concordance de vues sur les concepts stratégiques, améliorant ainsi les garanties mutuelles et la stabilité.
  17. L'Alliance est entrée dans une ère qui offre des perspectives encourageantes de consolidation de la stabilité et de la liberté en Europe. Grâce aux structures approuvées au sommet de Paris, la CSCE pourra la seconder dans sa recherche d'une sécurité européenne qui doive davantage à une coopération dont les limites auront été repoussées. A ce sommet, des résultats non négligeables ont été obtenus dans d'autres domaines, comme en témoigne l'adoption d'un nouveau train de mesures de confiance et de sécurité. Parallèlement, les dispositions prises par l'OTAN pour assurer une défense collective fiable et solide sont toujours nécessaires. La sécurité de tous les pays alliés est et restera indivisible. A partir de notre concept stratégique futur, nous modifierons les niveaux et les structures de nos forces, ainsi que nos doctrines opérationnelles, de façon qu'ils s'adaptent mieux au nouvel ordre européen. Comme par le passé, notre objectif fondamental est la prévention de la guerre. Nous ne renoncerons donc pas à conserver des moyens de dissuasion et de défense efficaces et crédibles. En même temps, nous poursuivrons plus activement encore le processus constructif de dialogue et de contacts politiques et militaires que l'apparition d'une sécurité nouvelle en Europe a rendu possible. Nous apporterons notre pleine contribution à l'édification d'un monde plus sûr et plus solidaire, où les valeurs qui sont les nôtres seront désormais plus largement partagées.