Communiqué

Président: Lord Carrington

  • 11 Dec. 1987
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  • Mis à jour le: 04 Nov. 2008 20:04

Le Conseil de l'Atlantique Nord s'est réuni en session ministérielle à Bruxelles, le 11 décembre 1987. Les Ministres ont entendu un compte rendu détaillé du Secrétaire d'Etat américain sur les conservations qui ont eu lieu entre le président Reagan et M. Gorbatchev, à l'occasion de leur rencontre au sommet à Washington. Ils ont ensuite procédé à un échange de vues portant notamment sur la conclusion d'un traité sans précédent dans l'histoire de la maîtrise des armements, qui vise l'élimination de tous les missiles nucléaires à portée intermédiaire, bases à terre, des deux parties, ainsi que sur les progrès appréciables enregistrés dans d'autres domaines.

Les Ministres ont déclaré ce qui suit:

  1. Nous accueillons avec satisfaction le traité de Washington sur les FNI. Ce traité a démonté avec succès la solidarité et la détermination dont l'ensemble de l'Alliance a fait preuve. Il est parfaitement compatible avec ses impératifs de sécurité. Il répond à un objectif important et de longue date de l'Alliance: l'élimination d'une catégorie d'armes nucléaires soviétiques qui menacent les Alliés européens et d'autres régions du monde. Il fixe de nouvelles normes significatives en matière de procédures de vérification et de réductions asymétriques pour remédier au déséquilibre actuel. Les consultations suivies et la coopération intense au sein de l'Alliance, en vue de soutenir cet effort, ont rendu manifestes et consolidé les liens étroits et les intérêts communs entre l'Europe et l'Amérique du Nord, qui sont l'essence même de l'Alliance de l'Atlantique Nord. Nous considérons que le traité sur les FNI sera d'autant plus important qu'il ouvrira la voie à l'accomplissement de progrès dans d'autres domaines de la maîtrise des armements. Nous le soutenons pleinement et nous souhaitons vivement qu'il puisse entrer en vigueur à bref délai.
  2. Nous sommes convaincus que ces développements ont été rendus possibles grâce à la poursuite constante et réaliste de la politique de l'Alliance en matière de sécurité, énoncée dans le rapport Harmel dont nous célébrons cette année le vingtième anniversaire. Nous reconnaissons l'importance de la cohésion et de la solidarité de l'Alliance et d'un potentiel militaire adéquat, qui restent un fondement essentiel de notre politique de dialogue et de coopération et qui, combinés à la maîtrise des armements, visent à éliminer les tensions qui affectent les relations entre l'Est et l'Ouest. A cette occasion, nous réaffirmons la validité de cette approche équilibrée et complémentaire, qui a permis de garantir la sécurité de l'Alliance, de prévenir la guerre et d'instaurer un dialogue constructif entre l'Est et l'Ouest.

    Malgré les différences fondamentales qui subsistent entre les Etats de l'Est et de l'Ouest, nous notons l'adoption, par l'Union soviétique, d'une attitude plus ouverte, qui pourrait conduire à une nette amélioration des relations Est-Ouest, en particulier dans le domaine de la maîtrise des armements. Nous sommes prêts à étudier, avec réalisme et dans un esprit ouvert, toutes les possibilités qui s'offrent ainsi à nous. Nous veillerons donc à rechercher les domaines d'intérêt commun et nous déterminerons notre action en fonction du comportement de l'Union soviétique et des autres pays du Pacte de Varsovie ainsi que d'une évaluation sérieuse des répercussions pour notre sécurité. C'est la seule façon d'effacer la division artificielle de l'Europe. Comme il est dit dans le rapport Harmel, le but politique ultime de l'Alliance est de parvenir a un ordre pacifique juste et durable en Europe, accompagné des garanties de sécurité appropriées.

  3. L'engagement auquel nous avons souscrit de partager a la fois les charges et les avantages de notre effort commun est un élément fondamental de l'Alliance. La sécurité collective exige une contribution soutenue et adéquate de la part de tous. Nous reconnaissons qu'il demeure nécessaire de répondre solidairement à la menace militaire persistante de l'Union soviétique, entretenue par les programmes actuels de ce pays en matière d'armements.

    Il n'existe pas 'à échéance prévisible' d'autre solution que l'approche adoptée par l'Alliance pour prévenir la guerre, c'est-à-dire la stratégie de dissuasion fondée sur une combinaison appropriée de forces nucléaires et conventionnelles adéquates et efficaces, ces deux éléments étant indispensables. C'est à ces conditions que les pays de l'Alliance seront en mesure de continuer à apporter la contribution essentielle qui est la leur à la paix et à la sécurité, ainsi qu'à la prévention de la guerre et de la menace d'agression ou d'intimidation.

  4. La maîtrise des armements fait partie intégrante de cette politique de sécurité. Nous continuerons à rechercher des mesures de maîtrise des armements effectivement vérifiables conduisant à un équilibre plus stable et plus sûr, à des niveaux de forces moins élevés. Conformément aux décisions qu'ils ont prises à la réunion ministérielle qui s'est tenue à Reykjavik au mois de juin dernier, les quinze Alliés concernés considèrent que le traité sur les FNI tient une place importante dans un concept cohérent et global de maîtrise des armements et de désarmement, respectant la doctrine alliée de la riposte graduée, qui prévoirait:
    • une réduction de 50% des armements nucléaires offensifs stratégiques des Etats-Unis et de l'Union soviétique;
    • l'élimination totale des armes chimiques;
    • l'instauration de niveaux de forces conventionnelles stables et sûrs, par la suppression des disparités, dans l'ensemble de l'Europe;
    • parallèlement à l'établissement d'un équilibre des forces conventionnelles et à l'élimination totale des armes chimiques, des réductions sensibles et vérifiables des systèmes américains et soviétiques de missiles nucléaires à courte portée basés à terre, devant conduire à des plafonds égaux.
  5. Nous notons également que le Conseil de l'Atlantique Nord en session permanente poursuit activement, en collaboration avec les autorités militaires compétentes, ses travaux de mise au point d'un concept global de maîtrise des armements et de désarmement. Nous reconnaissons que l'Alliance rencontre, dans le domaine de la maîtrise des armements, des problèmes complexes et interdépendants qu'elle doit évaluer simultanément, en tenant compte du progrès général des négociations sur la maîtrise des armements dont il est question ci-dessus, ainsi que des impératifs de sécurité de l'Alliance et de sa stratégie de dissuasion.
  6. Nous tenons à voir s'accomplir de nouveaux progrès en vue de la conclusion rapide d'un accord dans le cadre des START, dans le sens de l'objectif retenu à Reykjavik d'une réduction de 50% des arsenaux stratégiques soviétiques et américains.
  7. Nous espérons que la reconnaissance récente par l'Union soviétique de la nécessité d'une vérification complète de l'élimination des armes chimiques se traduira bientôt par l'acceptation d'obligations juridiques prévoyant une vérification efficace, et qu'il sera possible de parvenir rapidement à la mise au point d'une convention sur l'élimination totale de ces armes et l'interdiction de leur production ultérieure. Nous réaffirmons notre souhait de voir s'engager les deux négociations futures en matière de sécurité, dans le cadre du processus de la CSCE, qui concernent, d'une part, la stabilité conventionnelle _ visant à un équilibre global et stable des forces conventionnelles qui se situe à des niveaux moins élevés et qui soit vérifiable _ et, d'autre part, de nouvelles mesures de confiance et de sécurité en Europe, de l'Atlantique à l'Oural. Nous espérons également parvenir à des accords sur les mandats de telles négociations, qui soient conformes à nos objectifs, afin que celles-ci puissent s'ouvrir prochainement, contribuant ainsi à donner un résultat équilibré à la réunion de Vienne sur les suites de la CSCE.
  8. Ceux d'entre nous qui participent aux négociations sur les MBFR réaffirment qu'ils souhaitent parvenir rapidement à un accord substantiel et vérifiable, et ils appellent les participants du Pacte de Varsovie à adopter, dans des négociations, une attitude plus constructive.
  9. La réalisation de progrès sur la voie d'un accroissement de la sécurité et de la paix exige non seulement l'adoption de mesures spécifiques dans le domaine de la maîtrise des armements, mais aussi des changements profonds dans l'ensemble des relations Est-Ouest, conformément aux principes de l'Acte final d'Helsinki. Les Alliés soutiennent donc fermement la poursuite et le renforcement du processus de la CSCE, qui constitue un instrument capital pour développer et promouvoir des relations stables et constructives entre l'Est et l'Ouest, à long terme. La lenteur des progrès à l'actuelle réunion de Vienne sur les suites de la CSCE est pour nous un sujet de préoccupation, et nous jugeons indispensable que l'Union soviétique et ses alliés améliorent sensiblement la mise en oeuvre des dispositions des documents de la CSCE, en ce qui concerne plus particulièrement la dimension humaine. Les résultats de cette réunion ne doivent pas se limiter aux aspects militaires de la sécurité; c'est essentiel pour que des progrès équilibrés soient enregistrés dans tous les domaines de l'Acte final d'Helsinki. Nous rappelons les propositions que les Alliés occidentaux ont présentées en la matière. A cet égard, nous accordons une importance particulière à la proposition occidentale sur la dimension humaine. Nous continuerons à oeuvrer en vue de l'adoption, dans les meilleurs délais, d'un document de clôture substantiel qui prévoie des améliorations concrètes permettant de poursuivre l'application de l'Acte final et du document de clôture de Madrid, en respectant un équilibre entre tous les éléments de la CSCE.

    Nous notons avec satisfaction la mise en oeuvre, au stade actuel, des dispositions du document de Stockholm.

  10. Nous notons avec satisfaction que les Ministres des Affaires étrangères et de la Défense des pays membres de l'Union de l'Europe occidentale ont, dans leur déclaration faite à La Haye le 27 octobre 1987, souligné certains de nos principes fondamentaux et affirmé l'existence d'une identité dans le domaine de la sécurité européenne, au sein de l'Alliance atlantique, à même de contribuer au resserrement des liens transatlantiques et à la consolidation de l'Alliance dans son ensemble.
  11. Le maintien d'une situation calme à Berlin et alentour, y compris l'absence d'entraves sur toutes les voies d'accès, demeure d'une importance fondamentale pour les relations Est-Ouest. La viabilité de Berlin et l'attrait exercé par la ville ont été soulignés de façon exemplaire pendant l'année du 7S0e anniversaire de Berlin. Les membres de l'Alliance sont favorables aux efforts menés actuellement pour améliorer et étendre les services aériens de Berlin, pour accroître le rôle de la ville comme centre de manifestations internationales et pour y renforcer les échanges humains.

    L'Alliance apporte son soutien aux efforts de la République fédérale d'Allemagne pour promouvoir une coopération et un dialogue permanents avec la RDA, au bénéfice du peuple allemand divisé, en incluant Berlin dans ce processus. Ces efforts contribuent à faire progresser la coopération Est-Ouest et à renforcer la paix et la stabilité en Europe.

  12. Nous déplorons l'occupation de l'Afghanistan par l'Union soviétique et lançons un appel en faveur d'un retrait rapide et complet des forces soviétiques et de la mise en place d'un gouvernement de transition acceptable par tous, conformément aux nombreuses résolutions des Nations Unies à ce sujet.
  13. Nous avons approuvé l'application, à titre d'essai, d'un plan d'orientation des armements conventionnels (CAPS) de l'OTAN, sous réserve de la mise au point des lignes directrices nécessaires. Ce nouveau plan incitera les pays à tirer un meilleur parti des ressources qu'ils consacrent aux acquisitions d'équipements de défense et donc à mieux soutenir l'Alliance, en donnant un cadre dans lequel il sera possible d'analyser les objectifs d'armement à long terme des pays membres, d'examiner dans quelle mesure les plans nationaux répondent aux besoins de l'Alliance et de favoriser la coopération en matière d'armements entre les pays membres.

    Nous poursuivrons activement nos efforts pour intensifier la coopération en matière d'armements entre tous les pays de l'Alliance. Les travaux du GEIP apportent une importante contribution au dialogue transatlantique dans ce domaine.

  14. Dans l'esprit de l'article 2 du Traité de l'Atlantique Nord et compte tenu des écarts qui subsistent entre les niveaux de prospérité des divers pays membres, nous réaffirmons qu'il est important d'accroître le niveau actuel de l'aide et de la coopération mutuelles dans le cadre de l'Alliance.
  15. Nous condamnons le terrorisme sous toutes ses formes. Nous réaffirmons que nous sommes résolus à le combattre et qu'une coopération internationale plus étroite reste un moyen essentiel pour éliminer ce fléau.
  16. Les Ministres ont pris note avec regret de l'intention du Secrétaire général Lord Carrington de quitter son poste. Ils ont invité M. Manfred Wörner à assumer les fonctions de Secrétaire général de l'Organisation à dater du 1er juillet 1988 et ont pris note avec satisfaction de la réponse positive de M. Wörner.
  17. La réunion du printemps de 1988 du Conseil de l'Atlantique Nord en session ministérielle se tiendra à Madrid les 9 et 10 juin.

    En plus du communiqué, les Ministres des Affaires étrangères ont décidé de publier les passages suivants du procès-verbal de la réunion qu'ils ont tenue à Bruxelles le 11 décembre 1987.

Problèmes hors zone

Les Ministres ont réaffirme que des événements se produisant en dehors de la zone du Traité peuvent affecter les intérêts communs vitaux de leurs pays en tant que membres de l'Alliance. Des consultations seront organisées en temps opportun sur de tels événements s'il est reconnu que ces intérêts communs vitaux sont affectés. Des moyens militaires suffisants doivent être disponibles dans la zone du Traité pour maintenir un dispositif de défense adéquat. Tout en reconnaissant que les politiques suivies par les pays en dehors de cette zone relèvent de décisions nationales, les Alliés qui en ont la possibilité s'efforceront d'apporter un soutien aux Etats souverains demandant une aide face à des menaces dirigées contre leur sécurité et leur indépendance. Ceux des Alliés qui sont en mesure de faciliter le déploiement de forces hors de la zone du Traité pourront le faire sur la base de décisions nationales.

Conflit Iran-Irak

S'agissant du conflit entre l'Iran et l'Irak, les Ministres ont souligné l'importance qu'ils attachent à la mise en oeuvre rapide et intégrale de la résolution 598 du Conseil de sécurité. Ils rappellent par ailleurs l'importance de la liberté et de la sécurité de la navigation dans le Golfe. Ils demandent l'adoption de mesures de suivi appropriées, afin de résoudre ces problèmes.

Coopération et aide économiques au sein de l'Alliance

Les Ministres ont réaffirmé que la sécurité alliée ne dépend pas seulement de la dissuasion militaire et de la cohésion politique, mais aussi de la bonne santé de l'économie de tous les membres de l'OTAN, et ils ont insisté sur le fait que l'interdépendance entre la politique économique et la politique de sécurité n'est pas à négliger. Dans l'esprit de l'article 2 du Traité de l'Atlantique Nord et compte tenu des écarts importants qui subsistent entre le niveau de prospérité des pays membres les plus riches et celui des pays membres dont le développement est moins avancé, et prenant note, par ailleurs, du rapport personnel du Secrétaire général sur la coopération et l'aide économiques au sein de l'Alliance, nous réaffirmons qu'il est important d'accroître le niveau actuel de l'aide et de la coopération mutuelles dans le cadre de l'Alliance. Le Secrétaire général s'est également déclaré préoccupé de la baisse qui affecte le niveau global de l'aide offerte par les Alliés ces deux dernières années. Constatant néanmoins que les Alliés les plus prospères ont une conscience de plus en plus vive des difficultés que connaissent la Grèce, le Portugal et la Turquie, il demeure convaincu qu'ils continueront à prendre en considération les besoins spécifiques de ces trois pays.

Comité sur les défis de la société moderne (CDSM)

Les Ministres ont pris note du rapport annuel pour 1987 du Secrétaire général concernant les travaux du Comité sur les défis de la société moderne et ont exprimé leur satisfaction de voir se maintenir les activités du CDSM à un haut niveau. Ils ont pris note de l'achèvement, au cours de cette année, de l'étude sur les incendies de forêt, ainsi que de la décision d'en lancer deux nouvelles: la sensibilisation des forces armées à l'environnement et la conservation des édifices historiques en briques, ce qui porte à 15 le nombre de projets en cours. Un rapport intérimaire sur la réduction des nuisances sonores provoquées par les aéronefs a également été publié, et ses recommandations feront l'objet d'une large publicité au sein de l'Alliance.

La science au service de la stabilité

Les Ministres ont noté avec intérêt que la deuxième phase du programme "la science au service de la stabilité", qui vise à développer le potentiel technologique de la Grèce, du Portugal et de la Turquie, a été lancée avec succès: plus de 70 propositions ont été reçues et une trentaine ont été retenues, pour lesquelles 80% environ des crédits attendus ont déjà été affectés.

La situation en Méditerranée

Les Ministres ont pris note du rapport sur la situation en Méditerranée. Compte tenu des répercussions qu'ont et que peuvent avoir sur la sécurité de l'Alliance les événements se produisant dans cette région, ils ont prié le Conseil permanent de continuer ses consultations à ce sujet et de leur présenter de nouveaux rapports lors de leurs futures réunions.

Commerce Est-Ouest

Rappelant de précédentes déclarations, les Ministres ont réaffirmé que des échanges menés sur une base commercialement saine et mutuellement avantageuse, de façon à éviter d'accorder un traitement préférentiel à l'Union soviétique, concourent à l'établissement de relations Est-Ouest constructives. Dans le même temps, il convient que les rapports économiques bilatéraux avec l'Union soviétique et les pays d'Europe de l'Est demeurent compatibles avec les préoccupations générales des Alliés en matière de sécurité. Celles-ci comportent la nécessité d'éviter de créer une dépendance à l'égard de l'URSS ou de contribuer à son potentiel militaire. Afin d'éviter que l'Union soviétique continue d'utiliser certaines formes d'échanges pour renforcer sa puissance militaire, l'Alliance demeurera vigilante dans son examen régulier des aspects de sécurité des relations économiques Est-Ouest. Ses travaux contribueront ainsi à éclairer les gouvernements alliés dans la conduite de leur politique dans ce domaine.