Communiqué final

Président : M. J. Luns

  • 10 Dec. 1981 - 11 Dec. 1981
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  • Mis à jour le: 04 Nov. 2008 17:41

<p>Protocole d'accession de l'Espagne au Traité de l'Atlantique Nord - La maîtrise des armements et le désarmement - Activités déstabilisatrices de l'URSS - l'Afghanistan - Equilibre des forces à des niveaux plus bas d'armements - Discours du 18 novembre

Le Conseil de l'Atlantique Nord s'est réuni en session ministérielle à Bruxelles les 10 et 11 décembre 1981. A cette occasion, les Ministres ont signé le protocole d'accession de l'Espagne au Traité dé l'Atlantique Nord, qui va maintenant être soumis à ratification selon les règles constitutionnelles de leurs pays respectifs. Ils ont accueilli avec satisfaction la décision de l'Espagne de demander son adhésion à l'Alliance et ainsi de jouer son rôle dans la sécurité collective alliée conformément aux principes du Traité de l'Atlantique Nord. Cette décision est une nouvelle preuve que l'Alliance garde toute sa vitalité.

Résolus à oeuvrer pour la paix et la sécurité en les fondant sur un équilibre stable des forces, une réduction des tensions et des relations plus constructives entre l'Est et l'Ouest, les Ministres ont déclaré ce qui suit:

  1. L'Alliance a pour vocation de préserver la paix et de permettre ainsi aux peuples de ses membres de sauvegarder les valeurs et le mode de vie qui leur sont communs. Dans l'intérêt d'une paix durable, les Alliés continueront inlassablement à en vue d'établir dans les relations Est-Ouest, grâce à un dialogue constructif, l'indispensable climat de confiance et de modération réciproque, afin de parvenir à une détente authentique et à des progrès substantiels dans le domaine de la maîtrise des armements et du désarmement. Mais étant donné que l'Union soviétique n'a pas cessé de renforcer son potentiel militaire, et tant que la confiance n'aura pas été établie sur des bases solides, les Alliés n'auront d'autre choix que de dissuader tout agresseur éventuel en faisant clairement comprendre qu'ils ont la force et la volonté de résister. La paix dont bénéficie l'Europe depuis trente-six ans donne la mesure du succès de l'Alliance et de sa politique de dissuasion et de défense. Une dissuasion adéquate ne compromet pas la paix, elle la rend plus sûre. L'unité et la force de l'Alliance sont la meilleure garantie que les peuples qui la composent pourront continuer à vivre sans crainte de la guerre.

    Le rôle des armes nucléaires est un thème qui retient une grande attention dans le débat politique qui se déroule à l'Ouest, et ce, particulièrement chez les jeunes. Le fait est cependant que les armes nucléaires ont été jusqu'ici un élément essentiel de la prévention de la guerre, face aux déploiements massifs de forces classiques et nucléaires du Pacte de Varsovie. L'Alliance doit maintenir une capacité nucléaire, le désarmement n'ayant pas atteint un niveau satisfaisant. Elle ne pourrait pas réduire le risque de guerre en renonçant unilatéralement aux armes nucléaires. L'Union soviétique a considérablement accru ses forces pendant toute la période de la détente. Un désarmement nucléaire unilatéral donnerait un avantage militaire écrasant à l'Union soviétique, sur qui l'on ne saurait compter pour suivre cet exemple. Le seul moyen sûr de réduire l'intimidation et la guerre est d'assurer un équilibre stable entre les forces de l'Est et de l'Ouest. Cela devrait être fait au niveau le plus bas possible.

  2. La modération et le sens des responsabilités sont indispensables à la conduite des relations internationales. Mais l'URSS persiste à mener dans différentes parties du monde des activités déstabilisatrices de tous ordres qui jettent le doute sur sa volonté de rechercher une réduction authentique des tensions. Si l'Union soviétique est portée à exagérer les besoins de sécurité qu'elle invoque pour justifier son vaste programme de développement et de production d'armements, elle dénonce en revanche comme illégitimes les mesures défensives que prennent les pays occidentaux. Cependant, elle s'efforce d'exploiter à ses propres fins les inquiétudes souvent exprimées dans les pays de l'Ouest, tout en prohibant chez elle tout libre débat de même nature.

    L'Union soviétique s'efforce d'autre part de promouvoir ses propres intérêts en recourant à la force. L'occupation de l'Afghanistan se poursuit, malgré la résistance de plus en plus acharnée du peuple afghan, et au mépris des appels répétés de la communauté internationale au retrait des troupes soviétiques. Le refus de l'URSS de répondre à ces appels constitue une menace pour la stabilité de la région, met en danger la paix et la sécurité internationales et représente un obstacle sérieux à l'amélioration des relations Est-Ouest.

  3. Dans ces conditions, sans rechercher la supériorité militaire, l'Alliance est résolue à renforcer les moyens dont elle dispose pour décourager l'agression et défendre la paix. Les améliorations apportées à l'état de préparation de la défense alliée et à ses capacités militaires vont dans ce sens. Les Ministres ont déclaré soutenir la détermination des Etats-Unis de maintenir le potentiel de dissuasion de leurs forces stratégiques. Une défense adéquate est aussi la base essentielle de négociations fructueuses sur la maîtrise des armements et le désarmement.
  4. Les Alliés demeurent résolus à poursuivre dans toutes les enceintes appropriées des efforts vigoureux pour parvenir à des limitations et réductions substantielles, équilibrées et vérifiables des armements. Rappelant le discours historique prononcé le 18 novembre 1981 par le Président Reagan, ils ont marqué leur plein appui au programme vaste et constructif que celui-ci a proposé en vue d'établir la paix sur des bases stables. Ils partagent la résolution des Etats-Unis d'oeuvrer pour l'instauration d'un équilibre des forces à des niveaux plus bas d'armements et ils ont pris note avec satisfaction du plan en quatre points que le Président Reagan a transmis au Président Brejnev.

    Sur cette base, et également sur une base de modération et de responsabilité, les Alliés proposent à l'Union soviétique d'engager des négociations globales visant à la réalisation d'un contrôle des armements et d'un désarmement efficaces.

    L'acceptation de cette offre par l'Union soviétique serait à l'avantage des peuples de l'Est comme de l'Ouest, ainsi que des peuples du Tiers Monde et contribuerait à la paix et à la sécurité dans le monde entier.

    Les entretiens américano-soviétiques sur la réduction des armements stratégiques (START), que les Etats-Unis ont proposé d'engager dès que possible en 1982, constitueront un nouveau pas important vers le renforcement de la sécurité et de la paix. Ces négociations devraient conduire à des réductions substantielles des arsenaux stratégiques des Etats-Unis et de l'URSS. Les Alliés ont également accueilli avec satisfaction les négociations sur les forces nucléaires à portée intermédiaire américaines et soviétiques qui viennent de s'ouvrir à Genève le 30 novembre 1981, à l'initiative des Etats-Unis; ils ont exprimé l'espoir qu'elles aboutiront à un résultat positif dans le cadre des START. Ils attendent avec intérêt les consultations étroites qui doivent se poursuivre sur ces questions avec les Etats-Unis au sein du Conseil.

    Ceux des Alliés qui participent aux conversations de Vienne sur les réductions mutuelles et équilibrées de forces continuent de chercher à établir une parité authentique des effectifs sous la forme d'un plafond collectif commun, sur la base de données agréées et de mesures de vérification adéquates. Ils appellent de nouveau les participants de l'Est à contribuer de façon constructive à la clarification de ces problèmes.

  5. L'établissement de relations de confiance et de coopération en Europe dépend du plein respect par tous les signataires des dispositions et principes de l'Acte final d'Helsinki de 1975. Ces principes, auxquels les Alliés sont fermement attachés, sont de la plus haute importance en ce qui concerne la Pologne; le peuple polonais doit être libre de résoudre ses problèmes à l'abri de toute ingérence ou pression extérieure. Les Alliés restent profondément attachés à la dimension humaine de la détente et aux avantages tangibles que celle-ci doit ainsi entraîner pour les individus.

    Les Alliés poursuivront leurs efforts afin d'obtenir, à la réunion qui se tient à Madrid dans le cadre de la CSCE, des résultats substantiels et équilibrés revêtant la forme de progrès dans tous les domaines couverts par l'Acte final, y compris dans ceux des droits de l'homme, des contacts entre les personnes et de l'information. Ils appellent l'Union soviétique à se conformer à l'Acte final et l'engagent vivement à s'associer à la convocation d'une conférence sur le désarmement en Europe et à accepter dès à présent un mandat précis pour des négociations sur des mesures de confiance applicables à l'ensemble de l'Europe.

  6. Ceux des Alliés qui sont membres du Comité du désarmement contribueront aux travaux réalisés dans ce cadre en vue de l'adoption d'accords équilibrés et vérifiables sur des questions spécifiques. Les Alliés réaffirment l'importance qu'ils attachent à la deuxième session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le désarmement, en 1982, et comptent prendre une part active à ses travaux.
  7. L'accord quadripartite du 3 septembre 1971 a contribué de façon déterminante, depuis sa signature il y a dix ans, à stabiliser la situation à Berlin. Les Alliés soulignent l'importance qu'ils continuent d'attacher au maintien d'une situation calme dans la ville et alentour.

    Les Alliés notent avec satisfaction la prochaine rencontre entre le Chancelier de la République fédérale d'Allemagne et le Président du Conseil d'Etat de la République démocratique allemande. Ils rappellent leur déclaration du communiqué de Rome du 5 mai 1981 et expriment l'espoir que cette rencontre contribuera au développement ultérieur des relations entre les deux Etats allemands.

  8. Conscients du rapport étroit qui existe entre la situation de leur défense et leur situation économique, les Alliés continueront d'accorder un soutien plein et entier aux programmes destinés à renforcer les économies des pays membres moins favorisés, dans l'esprit de l'article 2 du Traité de l'Atlantique Nord.
  9. La stabilité internationale est vitale pour les intérêt occidentaux. Les crises ou les conflits doivent faire l'objet d'un règlement politique. Le non-alignement authentique peut apporter à cet égard une contribution importante. Les Alliés continueront de se consulter entre eux et d' avec d'autres nations pour encourager le maintien de la stabilité et de l'indépendance de pays souverains, auxquelles ils attachent une très grande importance, et pour réduire les risques de crise dans le Tiers-monde. Ils prendront les mesures politiques et économiques nécessaires afin de soutenir les efforts faits par ces nations pour défendre leur souveraineté et leur intégrité territoriale et afin d'accroître la stabilité à l'échelle mondiale. Dans leurs consultations, les Alliés chercheront à déterminer des objectifs communs en tenant pleinement compte de la situation politique, économique et militaire dans la région en cause. Ceux des Alliés qui en ont les moyens seront prêts à prendre en dehors de la zone du Traité des mesures propres à décourager l'agression et à aider les Etats souverains qui le souhaiteraient à faire face à des menaces dirigées contre leur sécurité ou leur indépendance.
  10. De plus en plus, la paix et le développement économique et social deviennent interdépendants. Les Alliés oeuvreront avec d'autres nations pour venir en aide aux pays qui luttent contre la faim, la pauvreté et le sous- développement.
  11. La prochaine réunion du Conseil de l'Atlantique Nord en session ministérielle se tiendra à Luxembourg les 17 et 18 mai 1982.

En plus du communiqué, les Ministres des affaires étrangères ont décidé de publier les passages suivants du procès-verbal de leur réunion des 10 et 11 décembre 1981:

La coopération et l'aide économiques au sein de l'Alliance

Les Ministres ont pris note d'un rapport du Secrétaire général sur les problèmes économiques particuliers auxquels doivent faire face les pays membres moins avancés et qui tiennent pour une large part à la gravité de la situation économique internationale. Ils ont reconnu qu'il importe de donner suite à l'action entreprise ces dernières années afin d'accorder une aide à ces pays, tant sur le plan bilatéral que part l'intermédiaire des organisations internationales directement intéressées. Une telle action contribuerait à la stabilité et à la cohésion des pays membres dont les économies ne sont pas aussi fortes que d'autres pour résister à l'impact des développements économiques actuels.

"La science au service de la stabilité"

Les Ministres ont pris note avec satisfaction des progrès substantiels enregistrés depuis un an dans la mise en oeuvre du programme quinquennal intitulé "La science au service de la stabilité", qui a fait l'objet d'un financement initial en 1981. Ils ont noté que des travaux de planification et des études de faisabilité concernant un certain nombre de projets étaient en cours en Grèce, au Portugal et en Turquie et ont souligné que, selon l'objectif principal du programme, ces projets devaient aller dans le sens d'un renforcement des relations de coopération qui étaient établies entre les organismes de recherche du secteur public et du secteur industriel en vue de résoudre des problèmes importants liés à la promotion du développement économique. Les Ministres ont invité le Secrétaire général à leur présenter à leur réunion suivante un rapport sur l'état d'avancement du programme "La science au service de la stabilité".

La situation en Méditerranée

Les Ministres ont pris note du rapport sur la situation en Méditerranée préparé sur leurs instructions et ils ont souligné à nouveau la nécessité de maintenir des forces suffisantes dans l'ensemble de la région. Ils ont prié le Conseil permanent de continuer ses consultations à ce sujet et de leur présenter un nouveau rapport à leur prochaine réunion.

La coopération en matière d'équipement

Les Ministres ont examiné un rapport de la Conférence des directeurs nationaux des armements; ils se sont félicités du niveau des échanges d'information destinés à conduire à des projets en coopération et ils ont pris note avec satisfaction des exemples de coopération effective en matière d'équipement qui sont cités dans ce rapport. Ils ont pris note de l'intérêt que la Conférence porte au dialogue transatlantique et notamment à une production jumelée, réciproque et équilibrée, ainsi qu'à la mise en du concept des "familles d'armes" et ont exprimé l'espoir d'aboutir à des résultats concrets. Ils ont relevé avec satisfaction la mise en récente au sein de l'Alliance d'un système global de planification périodique des armements qui sera désormais un instrument utile contribuant à l'établissement de projets d'équipement en coopération. Soulignant qu'il importe de parvenir à une coopération industrielle effective dans le domaine des programmes d'équipement, les Ministres se sont également félicités que la Conférence ait appuyé certaines mesures de nature à permettre au Groupe consultatif industriel OTAN d'élargir son rôle de conseiller.

Transfert de technologie

Les Ministres ont reconnu que des transferts, à des pays du Pacte de Varsovie, de technologies susceptibles d'applications militaires pouvaient avoir des incidences sérieuses sur la sécurité de l'Alliance. Ils ont décidé de faire mettre cette question à l'étude.

Comité sur les défis de la société moderne

Les Ministres ont pris note du rapport d'activité annuel du Secrétaire général relatif aux travaux du Comité sur les défis de la société moderne (CDSM). Ils ont noté que le Comité avait lancé, dans le courant de l'année, deux nouvelles études pilotes portant, l'une sur le "plus léger que l'air" et l'autre, sur les terrains contaminés. Trois études ont été achevées concernant respectivement la récupération des déchets de matières plastiques, l'amélioration des services médicaux d'urgence et le traitement des déchets dangereux; à titre de suite à cette dernière étude, un colloque mondial sur le même sujet a été organisé au mois d'octobre à Washington par les gouvernements de l'Allemagne et des Etats-Unis. En conclusion, les Ministres ont noté que le Comité avait renforcé les procédures de suivi de ses travaux, en vue d'assurer la plus large diffusion possible aux résultats des études pilotes.