Communiqué final
Président : M. J. Luns
- French
- English
<p>L'indivisibilité de la détente - La Pologne - Berlin - L'Afghanistan - La guerre entre l'Irak et l'Iran - Renforcement du potentiel du Pacte de Varsovie - Aide économique envers les pays membres moins avancés - Le flanc sud-est - CSCE - Conférence sur
I.
- Le Conseil de l'Atlantique Nord s'est réuni en session ministérielle à Bruxelles les 11 et 12 décembre 1980, en des temps d'incertitude et de tension croissantes dans les relations internationales.
Les Ministres ont déclaré ce qui suit:
- Le renforcement incessant du potentiel militaire de l'URSS, sa volonté manifestée en Afghanistan, de faire usage de la force au mépris des principes de la Charte des Nations Unies, de l'Acte final d'Helsinki et du droit international et les menaces soviétiques qui pèsent sur la Pologne sont des sujets de grave préoccupation pour les membres de l'Alliance et pour l'ensemble de la communauté internationale.
La force et la cohésion de l'Alliance sont donc essentielles au maintien de la stabilité et de la paix. Unis par un même idéal, les Alliés sont résolus à relever tout défi à la liberté et au bien-être de leurs peuples et à consentir les efforts et les sacrifices nécessaires à la dissuasion et à la défense. De cette fa篮, ils contribuent à préserver les fondements de la détente.
La détente véritable doit être de dimension mondiale et indivisible. Elle ne peut réussir que si l'Union soviétique respecte strictement, en Europe et ailleurs, la Charte des Nations Unies et les principes de l'Acte final d'Helsinki dans leur totalité. Les efforts des Alliés visant à persuader l'Union soviétique de renoncer à sa politique d'intervention dans les affaires des autres Etats pour désormais respecter leur souveraineté servent l'intérêt général de la communauté internationale. Les Alliés maintiendront les contacts et seront prêts à répondre positivement à toute mesure concrète prise par l'Union soviétique pour cesser ses actes d'agression et rétablir les bases de relations constructives entre l'Est et l'Ouest. A cet égard, les Alliés restent engagés à rechercher des mesures efficaces, équilibrées et vérifiables en matière de désarmement et de limitation des armements.
- La détente a apporté des avantages appréciables dans le domaine de la coopération et des échanges Est-Ouest. Mais elle a subi de graves atteintes du fait des actions de l'Union soviétique. Elle ne pourrait pas survivre si l'URSS devait à nouveau violer les droits fondamentaux de tout Etat à l'intégrité territoriale et à l'indépendance. La Pologne doit être libre de décider elle-même de son avenir. Les Alliés continueront de respecter le principe de la non-intervention et invitent instamment les autres pays à faire de même. Toute intervention signifierait une altération fondamentale de l'ensemble de la situation internationale. Les Alliés seraient obligés de réagir de la manière qu'exigerait la gravité d'un tel développement. En conséquence, la Conseil continuera de suivre attentivement la situation. Cependant, tout effort véritable de l'Union soviétique pour rétablir la confiance nécessaire à la détente trouvera les Alliés prêts à y répondre.
- Il est important, particulièrement dans les circonstances actuelles, que la situation calme régnant à Berlin et alentour soit maintenue et que les effets positifs de l'accord quadripartite du 3 septembre 1971 ne soient pas altérés par des mesures unilatérales. La situation internationale dans son ensemble ne peut manquer d'être affectée par la situation à Berlin.
Les mesures prises récemment par la RDA ont entraîné une réduction substantielle de la circulation interallemande. Elles ont eu un effet particulièrement défavorable sur les visites et voyages des Berlinois et ont marqué un recul dans les relations entre les deux Etats allemands. Les membres de l'Alliance soutiennent les efforts de la République fédérale d'Allemagne visant à obtenir le retrait de ces mesures, permettant ainsi aux rapports entre la République fédérale d'Allemagne et la République démocratique allemande de continuer à progresser dans l'intérêt de la stabilité et de la coopération en Europe et dans celui des personnes concernées.
- L'occupation de l'Afghanistan par l'Union soviétique est inacceptable. Un an après l'invasion soviétique, le peuple afghan continue de subir la répression exercée par des troupes étrangères occupant son territoire. L'utilisation de la force militaire par le gouvernement soviétique pour imposer sa volonté au peuple d'un pays neutre et non aligné dément ses protestations d'amitié prodiguées à l'égard des pays du Tiers monde, suscitant la défiance quant à ses intentions futures. L'Assemblée générale des Nations Unies a de nouveau demandé à une écrasante majorité le retrait immédiat des troupes étrangères d'Afghanistan. En dépit des efforts de la Conférence islamique, la recherche d'un règlement politique n'a pas progressé, à cause de l'intransigeance soviétique. Un tel règlement doit comporter le retrait de la totalité des troupes soviétiques et permettre au peuple afghan d'exercer pleinement ses droits à l'indépendance et à l'autodétermination.
Plus d'un million d'Afghans ont été contraints par l'occupation soviétique à fuir leur patrie, ce qui a causé de grandes souffrances humaines et imposé un lourd fardeau à des pays voisins. Dans l'esprit des résolutions des Nations Unies, les gouvernements alliés participent, de même que de nombreux pays neutres et non alignés, à l'aide humanitaire destinée à atténuer la détresse de ces réfugiés.
- L'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique a d'importantes incidences pour l'ensemble de l'Asie du Sud-Ouest, région d'intérêt primordial pour la communauté internationale et la sécurité des Alliés. Les membres de l'Alliance sont prêts à contribuer activement à la réduction de la tension dans cette partie du monde et, individuellement, à oeuvrer pour la paix et la stabilité de la région, tout en protégeant leurs intérêts économiques et stratégiques vitaux.
Les Alliés déplorent la guerre entre l'Irak et l'Iran qui ajoute aux préoccupations pour la stabilité de la zone concernée. A cet égard, ils soulignent l'importance qui s'attache au maintien de la liberté de navigation.
Rappelant les prises de position précédentes du Conseil, les Alliés réaffirment la nécessité de parvenir rapidement à un règlement juste, durable et global du conflit israélo-arabe.
- L'énorme accroissement, depuis un certain nombre d'années, des moyens militaires du Pacte de Varsovie, et en particulier de l'Union soviétique, suscite une légitime inquiétude en Europe et dans le monde. Il est en contradiction avec les déclarations répétées dans lesquelles les pays du Pacte de Varsovie assurent qu'ils ne recherchent pas la supériorité militaire.
Dans les circonstances présentes, il importe d'accorder une attention particulière à la dissuasion et à la défense. Aussi les Alliés prendront-ils individuellement ou collectivement, les mesures de défense nécessaires pour répondre à l'accroissement des moyens du Pacte de Varsovie et pour dissuader toute agression.
- La force de l'Alliance réside non seulement dans sa capacité de défense, mais aussi dans sa cohésion et dans la disposition effective de ses membres à s'apporter mutuellement un soutien politique et économique. En particulier, les Alliés ont tiré grand profit de la pratique de consultations intenses, franches et menées en temps opportun sur une large gamme de problèmes. Ils poursuivront résolument cette pratique pour souligner leur solidarité sur toutes les questions touchant leurs intérêts communs. Ils continueront les programmes qu'ils ont entrepris, dans l'esprit de l'Article 2 du Traité de l'Atlantique Nord, en vue de renforcer l'économie des pays membres moins avancés et qui revêtent une importance et une urgence accrues.
La détérioration de la situation en Asie du Sud-Ouest met en relief l'urgente nécessité d'accroître le potentiel de défense du flanc sud-est et de maintenir la stabilité ainsi que l'équilibre des forces dans l'ensemble de la région méditerranéenne.
La cohésion du flanc sud-est a été nettement renforcée par les récentes décisions positives concernant cette région et la capacité de dissuasion et de défense de l'Alliance s'en est trouvée considérablement améliorée. Ces développements peuvent aussi être considérés comme un progrès bienvenu dans la voie du rétablissement de la confiance mutuelle entre la Grèce et la Turquie et ils accroissent les perspectives de succès des efforts bilatéraux des deux gouvernements.
- Les Alliés attachent de l'importance au processus amorcé par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), qui constitue un cadre tout indiqué pour améliorer la sécurité et développer la coopération en Europe sur la base de la mise en oeuvre intégrale des engagements pris à Helsinki. Ils restent attachés à la continuation du processus de la CSCE au-delà de la réunion en cours à Madrid. Celle-ci est assombrie par l'invasion de l'Afghanistan et par la persistance des atteintes aux droits de l'homme en Union soviétique et ailleurs, qui constituent des violations flagrantes des principes proclamés dans l'Acte final d'Helsinki. En condamnant ces violations, comme ils le font au cours de l'examen complet de la mise en oeuvre, les Alliés cherchent à préserver l'intégrité de l'Acte final, auquel ils restent attachés.
Dans le même esprit, ils ont présenté et présenteront de nouvelles et importantes propositions concernant tous les domaines couverts par l'Acte final, y compris ceux des droits de l'homme, des contacts entre les personnes et de l'information. S'agissant de la sécurité, les Alliés sont fermement en faveur du développement et du renforcement des mesures de confiance dans un cadre assurant qu'elles seront significatives au plan militaire, vérifiables et applicables à l'ensemble du continent européen, c'est-à-dire notamment à toute la partie européenne de l'Union soviétique. A cet égard, rappelant leur précédente déclaration à Ankara, les Alliés ont pris note du fait que la proposition présentée par le gouvernement français d'un mandat pour une Conférence sur le désarmement en Europe, sous l'égide de la CSCE, avait été enregistrée à Madrid où elle a été favorablement accueillie par de nombreuses délégations.
- Partageant la large préoccupation que suscite au niveau international l'accroissement constant des forces armées et des armements à travers le monde, les gouvernements alliés ont présenté des propositions dans diverses enceintes s'occupant de limitation des armements et de désarmement. Ces efforts sont rendus plus difficiles si les accords déjà en vigueur ne sont pas pleinement respectés. A cet égard, les Alliés accueillent favorablement tous les efforts constructifs faits par les parties contractantes pour assurer l'efficacité des accords existants. La négociation de nouveaux accords doit prévoir une vérification adéquate. Les Alliés continueront de rechercher, dans le cadre des Nations Unies et ailleurs, des accords établissant une plus grande sécurité pour tous les pays à des niveaux réduits de forces et d'armements.
- Les Alliés participant aux négociations sur les réductions mutuelles et équilibrées de forces restent déterminés à établir un rapport de forces plus stable et plus équitable dans la région centrale de l'Europe par des réductions en deux phases conduisant à une parité authentique des effectifs militaires sous la forme d'un plafond collectif commun, sur la base de données agréées. La proposition occidentale de décembre 1979 offre un cadre réaliste pour un accord de première phase mutuellement bénéfique, prévoyant des réductions à mettre en oeuvre par les Etats-Unis et l'Union soviétique ainsi que des mesures associées. Bien qu'ils aient récemment fait quelques progrès limités en direction d'un accord intérimaire de première phase, conformément à la proposition de l'Ouest, les pays de l'Est n'ont malheureusement toujours pas fourni les informations nécessaires à un accord sur l'importance numérique des forces de l'Union soviétique dans la région centrale de l'Europe, qui est une condition essentielle à la conclusion d'un accord de première phase. Les pays de l'Est n'ont pas non plus donné de réponse satisfaisante aux propositions occidentales concernant des mesures associées destinées à assurer la vérification des réductions et des limitations de forces ainsi qu'à accroître la stabilité.
- Assurer l'équilibre stratégique entre les Etats-Unis et l'Union soviétique est essentiel pour la sécurité de l'Alliance. Celle-ci est favorable à de nouvelles négociations et attache toujours un intérêt fondamental au processus SALT en tant que moyen de parvenir à des limitations mutuelles significatives des forces nucléaires stratégiques américaines et soviétiques de nature à renforcer la sécurité de l'Ouest et à préserver la stabilité des relations Est-Ouest.
II
- Les Alliés qui ont participé à la décision du 12 décembre 1979 concernant les forces nucléaires de théâtre (TNF), ayant re絠du Groupe consultatif spécial un deuxième rapport sur l'avancement des travaux relatifs à une limitation des armements englobant les TNF, se sont félicités des consultations étroites et fructueuses tenues au sein de ce groupe. Ils ont noté avec satisfaction le caractère sérieux et concret des conversations qui se sont déroulées récemment entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. Ces Alliés ont déclaré soutenir la position de négociation des Etats-Unis, qui a été élaborée au cours de consultations intensives entre eux, sur la base de la décision de décembre 1979. Une date pour la reprise, l'année prochaine, des conversations américano-soviétiques sera fixée à l'issue de consultations.
Il a été noté que la mise en oeuvre de la décision de décembre 1979 en ce qui concerne la modernisation des forces se poursuivait. La prépondérance de l'Union soviétique en matière de déploiements de TNF à longue portée (LRTNF) constitue toujours un sujet de grave préoccupation. Les bases déjà identifiées de systèmes SS-20 pourraient, à elles seules, recevoir un nombre d'ogives supérieur à celui qui est prévu pour l'ensemble de ce programme de modernisation. La solidarité interalliée au bénéfice à la fois de la modernisation des forces et d'une limitation des armements englobant les TNF demeure essentielle à l'accomplissement de progrès vers une limitation agréée. Les besoins de TNF à longue portée de l'OTAN seront examinés en fonction des résultats concrets obtenus par la négociation.
Le retrait d'Europe de 1.000 ogives nucléaires des Etats-Unis dans le cadre de la décision de modernisation des LRTNF et de limitation des armements a été mené à terme.
Passages du proces-verbal du Conseil en session ministérielle destinés à la publication
En plus du Communiqué, les Ministres des affaires étrangères ont décidé de publier les passages suivants du procès-verbal de leur réunion des 11 et 12 décembre 1980:
La coopération et l'aide économiques au sein de l'Alliance
Réaffirmant leur attachement à l'esprit de l'Article 2 du Traité de l'Atlantique Nord, les Ministres ont examiné les problèmes particuliers auxquels sont confrontés les pays membres dont le développement économique est moins avancé, en tenant compte des difficultés mondiales actuelles. Ils ont pris note d'un rapport du Secrétaire général sur les progrès accomplis jusqu'à présent par les voies bilatérales et multilatérales appropriées dans l'amélioration de la situation économique de ces pays. Les initiatives politiques prises depuis 1978 ont abouti à des résultats substantiels, mais les Ministres ont souligné qu'il était indispensable de maintenir un tel appui politique pour résoudre les problèmes économiques à long terme de ces pays, ce qui contribuerait à la consolidation de la force et de la solidarité de l'Alliance.
"La science au service de la stabilité"
Les Ministres ont noté que des propositions concrètes ont maintenant été élaborées pour la mise en oeuvre du programme intitulé "La science au service de la stabilité", dont ils ont approuvé l'établissement en juin dernier et qui a pour objet de renforcer les potentiels scientifiques et technologiques des pays membres moins développés; ces propositions exigeront l'apport d'un financement adéquat au cours des cinq années à venir.
La situation en Méditerranée
Les Ministres ont pris note du rapport sur la situation en Méditerranée préparé sur leurs instructions et ils ont souligné à nouveau la nécessité de maintenir l'équilibre des forces dans l'ensemble de la région. Ils ont prié le Conseil permanent de continuer ses consultations à ce sujet et de leur présenter un nouveau rapport à leur prochaine réunion.
Coopération en matière d'équipement
Les Ministres ont examiné un rapport de la Conférence des directeurs nationaux des armements et ont pris note des progrès encourageants accomplis en ce qui concerne la planification périodique des armements et les projets menés en coopération pour le développement et la production de matériels de défense. Ils se sont félicités de l'action entreprise dans le cadre du dialogue transatlantique pour lancer des projets de production jumelée et favoriser l'étude et l'adoption de familles d'armements. Un tel dialogue transatlantique suppose aussi le développement de la coopération entre pays européens de l'Alliance. Soulignant l'importance que revêt la normalisation à la fois pour l'efficacité militaire et pour l'amélioration de l'emploi des ressources, ils ont accueilli comme un élément positif la normalisation établie pour les calibres des armes portatives d'infanterie.
Notant que l'accent est actuellement mis sur l'utilisation la plus large du potentiel technologique des membres de l'Alliance pour le développement de matériels de défense, les Ministres ont insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts d'aide aux pays membres moins industrialisés. Dans ce contexte, ils ont pris note avec satisfaction de la cession récente par les Etats-Unis de matériel industriel militaire à la Turquie.
Reconnaissant l'importance que revêt pour la défense des Alliés l'établissement d'un programme coordonné de défense aérienne, les Ministres ont accueilli avec satisfaction la création à cet effet d'un Comité de la défense aérienne de l'OTAN relevant du Conseil.
Plans d'urgence dans le domaine civil - navires marchands et avions civils qui font l'objet d'un engagement de la part de pays membres
Les Ministres ont pris note des progrès accomplis dans ces domaines et ont approuvé l'action visant à améliorer les plans de circonstances.
Le Comité sur les défis de la société moderne
Les Ministres ont pris note du Rapport d'activité annuel du Secrétaire général relatif aux travaux du Comité sur les défis de la société moderne (CDSM). Ils ont re絠un compte rendu de la réunion de haut niveau tenue à Bruxelles le 24 novembre 1980, au cours de laquelle sept ministres de l'environnement et d'autres hauts responsables ont échangé des vues sur l'environnement et la planification nationale, sur les problèmes posés par l'utilisation de sources d'énergie diversifiées et sur la gestion environnementale des substances chimiques.
Les Ministres ont pris note de l'achèvement d'un grand projet pilote concernant la réduction des émissions d'anhydride sulfureux dans l'atmosphère. Ils ont souligné la nécessité de donner une large diffusion aux rapports sur les projets du Comité et ont exprimé l'espoir que les recommandations formulées seraient rapidement inscrites dans les politiques nationales de l'environnement. En outre, ils ont noté avec intérêt qu'il a été décidé de tenir, à l'automne prochain, des colloques sur l'évaluation de la technologie et sur l'élimination des déchets dangereux, et aussi de développer le programme de bourses du CDSM.
Les Ministres ont noté que, dans le contexte d'un examen général des projets en cours, la récente session plénière du Comité avait consacré une attention particulière à la sismologie et la limitation des dommages causés par les secousses telluriques. Ils se sont accordés à considérer que la tragédie qui vient de frapper l'Italie donne une importance d'autant plus grande à ce dernier projet.