Deux hommes pour renforcer les relations transatlantiques
En prenant ses fonctions, en 1968, Pierre Trudeau, le successeur de Pearson au poste de premier ministre, était sceptique vis-à-vis de l'OTAN. Lors d'une conférence de presse organisée à la suite de sa première victoire aux élections, il a ainsi affirmé que l'Europe s'était remise de la guerre et qu'elle n'avait plus besoin de « la puissance militaire du Canada pour se défendre ». L'année suivante, il prenait la décision de réduire de moitié la présence canadienne en Europe, ramenant les effectifs de quelque 9 800 soldats à 5 000. S'adressant à son cabinet, Trudeau fit valoir que l'intérêt du Canada se trouvait en Amérique du Nord et non en Europe :
Nous devrions veiller à notre sécurité intérieure et défendre nos trois mers avant d'éventuellement envisager d'autres engagements internationaux. Il n'était ni logique ni rationnel de protéger ce qui n'est pas à nous.
Trudeau n'était pas le seul à douter de l'avenir de l'OTAN. Dans un contexte de tensions croissantes entre les États-Unis et les Alliés européens, de nombreux Canadiens estimaient que leur pays était totalement laissé pour compte. Tant les États-Unis que le Royaume-Uni avaient annoncé leur intention de redéployer, voire de réduire, leur présence militaire sur le continent. La France venait de se retirer de la structure militaire intégrée, insistant pour que les bases et les forces de l'OTAN soient retirées de son territoire. De manière générale, à la fin des années 1960, l'utilité voire l'existence même de l'OTAN étaient largement remises en question, et le Canada était tout aussi sceptique que d'autres Alliés.
Trudeau au Conseil de l'Atlantique Nord, 1974.
Dans la première moitié des années 1970, les capacités militaires du Canada avaient atteint leur niveau le plus bas, avec seulement 78 000 hommes et des équipements vieillissants, voire obsolètes. En 1974, Trudeau changera cependant d'avis au sujet de l'OTAN et décidera de maintenir le contingent canadien de chars blindés lourds le long du rideau de fer plutôt que de les remplacer par des véhicules blindés légers comme il l'avait promis. On doit cette volte-face à Helmut Schmidt, d'abord ministre de la Défense puis chancelier d'Allemagne de l'Ouest, qui éprouvait « une tendresse toute particulière pour le Canada ».
Peu à peu, Schmidt et Trudeau se lieront d'amitié. Lors de chacune de leurs rencontres, Schmidt soulignera l'importance symbolique de la présence de troupes canadiennes le long de la frontière entre l'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest. En tant que ministre de la Défense, il enverra également des troupes allemandes dans la province du Manitoba aux fins d'exercices conjoints et fera en sorte que les forces armées de son pays achètent davantage d'équipements de fabrication canadienne. Au fil de ses contacts avec Schmidt, Trudeau en viendra à reconnaître l'importance politique et stratégique du maintien de la présence militaire du Canada au sein de l'OTAN. Il continuera de défendre la participation du Canada aux activités de l'Alliance jusqu'à la fin de son mandat de premier ministre, cherchant par ailleurs à resserrer les liens économiques et culturels entre le Canada et ses Alliés européens.
Que s'est-il passé à la fin de la Guerre froide ?
Après avoir pris ses fonctions de premier ministre en 1984, Brian Mulroney a commandé une revue des capacités militaires du Canada et de ses engagements au sein de l'OTAN. Il en est ressorti que, bien que les forces canadiennes affectées à l'OTAN aient bénéficié d'un soutien important durant les dernières années Trudeau, la majeure partie des équipements militaires du pays devenaient vétustes et risquaient de perdre toute utilité. En 1987, le gouvernement Mulroney promit donc, dans son Livre blanc sur la défense, d'augmenter les dépenses de défense, d'acheter des sous-marins nucléaires, de moderniser les systèmes de défense aérienne du pays et de placer l'ensemble des forces canadiennes basées en Europe sous un commandement unique, en Allemagne de l'Ouest.
Brian Mulroney au sommet de l'OTAN tenu à Londres en 1990.
La fin de la Guerre froide, en 1989, et la désintégration de l'Union soviétique, en 1991, provoquèrent un changement de la dynamique de sécurité en Europe, amenant le Canada à revoir ses priorités en matière de défense. La récession économique et l'explosion du déficit public auxquelles le pays était par ailleurs confronté contraignirent le gouvernement à repenser son projet d'expansion militaire. Sans pour autant renoncer à développer les capacités maritimes du pays, Mulroney annulera ainsi le projet de renforcement de la présence militaire du Canada en Allemagne de l'Ouest et finira par rapatrier les dernières unités terrestres canadiennes encore présentes en Europe. Le 10 juillet 1993 marquera la fin de la présence des forces armées canadiennes sur le territoire européen.
Qui fut la première femme ministre de la Défense d'un pays de l'OTAN ?
La Canadienne Kim Campbell fut la première femme à occuper un tel poste dans un pays de l'Alliance. On la voit ici lors d'une réunion de l'OTAN, en 1993. Au terme de ce mandat, elle deviendra la première femme première ministre du Canada.