En 2004, l’OTAN a franchi une étape décisive dans ses relations avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (GCC) grâce au lancement de l’Initiative de coopération d’Istanbul (ICI), une structure qui a contribué à favoriser la coopération et la compréhension entre ses membres.
À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les pays de l’Alliance ont unanimement décidé d’invoquer, pour la première fois dans l’histoire de l’OTAN, l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, qui stipule qu’une attaque contre un Allié sera considérée comme une attaque contre tous. L’Organisation a déployé sept de ses avions radar AWACS, qui ont aidé à assurer des patrouilles dans l’espace aérien des États-Unis, et elle a lancé une opération de sûreté maritime en Méditerranée. Simultanément, plusieurs pays ont réagi à l’attaque, perpétrée par Al-Qaida, en lançant l’opération Enduring Freedom, venue compléter en Afghanistan la Force internationale d’assistance à la sécurité puis la mission Resolute Support.
L’événement a aussi marqué un tournant dans les relations entre l’OTAN et les pays du Golfe. Les pays du Conseil de coopération du Golfe ont en effet participé étroitement à la réponse aux attentats : Bahreïn a déployé des membres de ses forces de sécurité spéciales en Afghanistan ; le Koweït a accordé des permissions de stationnement et de survol pour toutes les forces participant à l’opération ; le Qatar a permis aux Alliés d’utiliser sa base aérienne d’Al-Udeid ; et les Émirats arabes unis (EAU) ont mis à disposition des troupes spécialisées ainsi que la base aérienne d’Al-Minhad, qui a servi de plateforme logistique. Le soutien tangible, rapide et substantiel apporté par ces pays a permis d’accomplir un effort concerté en faveur du renforcement de la stabilité.
Formalisation des partenariats
Le sommet de l’OTAN à Istanbul, en juin 2004, a marqué le début d’une nouvelle ère pour les rapports avec le Moyen-Orient. Les Alliés avaient depuis longtemps compris l’intérêt de collaborer avec les pays de la péninsule Arabique, et le lien qui existe entre leur sécurité et la nôtre ; à l’occasion de ce sommet, leurs dirigeants ont donc officiellement invité Bahreïn, le Koweït, Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite et les EAU à établir des partenariats avec l’OTAN dans le cadre de l’Initiative de coopération d’Istanbul.
« Cette initiative est proposée par l’OTAN aux pays de la région qui sont intéressés, à commencer par les pays du Conseil de coopération du Golfe, en vue de promouvoir des relations bilatérales mutuellement bénéfiques et d’accroître ainsi la sécurité et la stabilité », ont déclaré les dirigeants des pays de l’Alliance dans leur communiqué, précisant qu’à l’instar du Dialogue méditerranéen (le cadre de partenariat réunissant l’OTAN et sept pays du pourtour méditerranéen), dont on célébrait alors les dix ans, l’ICI serait développée dans un esprit de coresponsabilité avec les pays concernés, et indiquant que leur réussite passerait par des consultations permanentes et un engagement actif durable.
Ce jour-là, les liens purement pratiques qui unissaient l’OTAN à ces pays se sont mués en une relation stratégique : il ne s’agissait plus seulement de coopérer sur le plan opérationnel, mais également d’intensifier le dialogue politique et les efforts de diplomatie publique en vue de renforcer la compréhension mutuelle. Quatre des six pays du GCC sont devenus membres de l’ICI : le Koweït en 2004, Bahreïn, le Qatar et les EAU en 2005. Oman et l’Arabie saoudite, qui ont préféré conserver leur statut d’invités, coopèrent avec l’OTAN au cas par cas.
Les accords conclus dans le cadre de l’ICI donnent aux pays membres un accès au menu de coopération partenariale de l’OTAN, un vaste ensemble de possibilités de formation, d’entraînement et de consultations que l’Organisation propose à son réseau de pays partenaires. Les pays de l’ICI ont par ailleurs ouvert des missions diplomatiques auprès de l’OTAN, à Bruxelles, et accrédité des représentants militaires partenaires auprès de son Commandement allié Opérations (également connu sous le nom de Grand quartier général des puissances alliées en Europe, ou SHAPE), à Mons (Belgique).
Pour ce qui est des activités d’ouverture, l’ICI a adopté une approche proactive , en invitant les ambassadeurs des pays de l’OTAN à des conférences à Bahreïn, au Koweït, au Qatar et aux EAU. Elle a également acquis une dimension multilatérale lorsque les ambassadeurs de tous les pays de l’OTAN et des pays de l’ICI se sont réunis pour aborder des questions d’intérêt commun.
Ouverture du Centre régional OTAN-ICI
Lorsque le Koweït a avancé l’idée d’accueillir un « Centre régional OTAN-ICI », les Alliés ont immédiatement cerné l’immense potentiel de la proposition. Au sommet de l’OTAN à Chicago, en mai 2012, les dirigeants des pays de l’Alliance, soucieux de renforcer le dialogue politique et la coopération pratique dans le cadre de l’Initiative de coopération d’Istanbul, ont donné leur accord à la création de cet établissement – que le secrétaire général de l’Organisation, Jens Stoltenberg, qualifierait plus tard de « point d’ancrage de l’OTAN dans le Golfe » –, afin d’aider à mieux comprendre les enjeux de sécurité communs et à examiner la manière d’y faire face ensemble.
Cinq ans plus tard, l’OTAN et le Koweït signaient l’accord permettant au Centre d’ouvrir officiellement ses portes. Sa mission – renforcer la coopération au moyen de stages et d’activités ouverts à l’OTAN, au GCC et à leurs membres – a été confiée à une équipe multinationale, petite mais dynamique. Celle-ci a donné corps à la vision énoncée en 2012 à Chicago par les dirigeants de l’Alliance, qui déclaraient « encourager les membres de l’ICI à tirer parti de manière proactive des possibilités offertes par leur partenariat avec l’OTAN » et « demeurer prêts à accueillir de nouveaux membres au sein de cette Initiative ».
Le Centre régional OTAN-ICI se focalise sur les domaines qui présentent un intérêt stratégique et où il est possible de procéder à des échanges réciproques approfondis : sécurité énergétique, cyberdéfense, sûreté maritime, défense chimique, biologique, radiologique et nucléaire, gestion de crise, etc. Il permet à l’ICI et à l’OTAN de disposer, pour la première fois, d’un centre régional permanent pour la coopération à caractère pratique et multilatéral. Depuis son ouverture en 2017, le Centre a accueilli plus de 1 000 représentants, experts et professionnels de l’OTAN et de tous les pays du GCC, qui ont pu y partager leurs expériences et y nouer des liens plus étroits d’amitié et de compréhension mutuelle.
Approfondissement de la coopération
Les pays de l’Alliance et les pays partenaires membres de l’ICI ont célébré le quinzième anniversaire de l’Initiative en tenant une réunion du Conseil de l’Atlantique Nord (la plus haute instance politique de l’OTAN) au Centre régional OTAN-ICI, au Koweït, les 15 et 16 décembre 2019.
Les raisons de se réjouir ne manquent pas : les interactions régulières entre l’OTAN et ses partenaires dans le Golfe ont créé une base solide pour l’avenir, les pays de l’ICI disposent maintenant des outils nécessaires pour profiter pleinement des opportunités de formation et d’entraînement proposées par l’Organisation, et ils ont adopté des programmes individuels de partenariat et de coopération et signé des accords sur le partage des informations et sur le transit transfrontalier. Les partenaires ont également pu accéder aux normes et programmes OTAN, qui sont autant de vecteurs de croissance pour l’expertise et les capacités locales.
Le partenariat est en outre réciproque et mutuellement bénéfique. Le Koweït a détaché un officier militaire qui fait maintenant partie intégrante du personnel enseignant du Collège de défense de l’OTAN. De par leur statut de partenaires, le Qatar et les EAU ont pu fournir des effectifs et des aéronefs dans le cadre de l’opération Unified Protector, menée en 2011 en Libye sous l’égide de l’OTAN. Les pays de l’Alliance et de l’ICI ont, ensemble, lutté contre la piraterie et préservé la sûreté maritime dans le Golfe au sein des forces maritimes combinées. Le plus grand bienfait de l’Initiative réside toutefois dans le climat de confiance mutuelle qui caractérise désormais les relations. Celui-ci constitue un terreau fertile pour un approfondissement de la coopération dans des domaines tels que les opérations, les efforts de non-prolifération ou encore le renforcement et la réforme des secteurs de la défense et de la sécurité.
Plus forts ensemble
Les pays de l’OTAN et du Golfe se sont également engagés dans une collaboration pratique et militaire à des moments où l’environnement stratégique a eu pour effet de catalyser l’adaptation et la coopération, par exemple durant et après l’invasion du Koweït par l’Iraq en 1990. Depuis 2001, le terrorisme continue de frapper, sous diverses formes, de nombreuses villes et communautés des pays du Golfe et de l’OTAN, touchant nos sociétés en plein cœur. Les victimes de ces attentats tragiques sont toutes des êtres humains. Comme le disait très justement Son Altesse Cheikh Sabah Al-Ahmad, l’Émir du Koweït, à propos des victimes de l’attentat terroriste perpétré par l’EIIL/Daech contre une mosquée chiite le 26 juin 2015, « ces victimes sont toutes mes enfants ».
Tous les pays du GCC et de l’Alliance, ainsi que l’OTAN elle-même, sont membres de la coalition mondiale contre l’EIIL conduite par les États-Unis. Dans une allocution prononcée au Koweït lors de la célébration du quinzième anniversaire de l’ICI, le secrétaire général de l’OTAN a souligné que « malgré les progrès significatifs accomplis par la coalition, Daech demeure une menace, capable de commettre des attaques terroristes ici, dans la région, comme dans le reste du monde ».
Plus que jamais, l’OTAN et les autres organisations et cadres multilatéraux ont le devoir de renforcer les liens qui les unissent et de coopérer afin de prévenir l’instabilité et la violence. À cet égard, les Alliés et les membres de l’ICI partagent une conviction intime, celle qu’il est indispensable de dialoguer, d’innover et de collaborer toujours plus étroitement pour protéger la trame même de nos sociétés.
« Nous vivons dans un monde de plus en plus imprévisible, et le meilleur moyen de se prémunir contre l’incertitude est la préparation. Nous devons donc continuer à resserrer les liens entre nos forces et améliorer leur aptitude à travailler ensemble. Mais nous devons aller au-delà de la coopération militaire, et continuer à approfondir nos consultations politiques, » a souligné le secrétaire général.