Un message de paix venu du ciel

  • 17 Mar. 2011 -
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  • Mis à jour le: 24 Mar. 2011 16:31

À bord d'un taxi roulant en direction du stade Gazi de Kaboul, la capitale tentaculaire de l'Afghanistan, grouillante de quelque trois millions d'habitants, on observe facilement les signes du retour à la normale. Faisant toujours sourire les Occidentaux, habitués à la circulation ordonnée de leurs grandes villes, les routes chaotiques sont encombrées de véhicules.

Les rues sont bordées de petites boutiques qui proposent aussi bien des fruits et légumes que de vétustes téléviseurs, des morceaux de viande fraîchement découpés ou des téléphones portables.

Toutefois, on est encore loin de la vie idyllique et pacifique à laquelle aspirent les habitants. Pour les Européens, le moyen le plus sûr pour se déplacer est de faire appel à une compagnie de taxi digne de confiance, plutôt que d'emprunter l'un de ces énormes Toyota Land Cruiser que de nombreux étrangers utilisent pour se frayer un chemin dans le trafic. En outre, il est de plus en plus dangereux de porter le gilet pare-balles bleu reconnu internationalement comme la marque des observateurs neutres, vu que les journalistes sont de plus en plus souvent pris pour cibles par les insurgés.

Accro à l'adrénaline

C'est au-dessus de cette ville que le capitaine iraqien Fareed Lafta, pilote et astronaute entraîné que l'on pourrait raisonnablement qualifier d'« accro à l'adrénaline », a sauté en chute libre depuis un hélicoptère volant à une altitude de 5 000 pieds, pour réaliser son « saut de la paix ». En fait, cette cascade publicitaire visait à stimuler l'imagination d'une population habituée à des décennies de conflit, mais aussi, selon les termes de Fareed, à « répandre la paix ».

On peut facilement comprendre pourquoi Fareed a mis à profit ses talents de parachutiste pour réaliser cet exploit : dans un pays déchiré par la violence, comme l'Afghanistan, les messages d'amour fraternel peuvent sonner creux. C'est pourquoi un événement à ce point hors du commun permet de capter l'attention de la population, pour qui les activités de ce type revêtent toujours l'attrait de la nouveauté.

Fareed n'en était pas à sa première initiative fructueuse. En 2009, il a réalisé un saut similaire, avec le même message, au-dessus de la ville de Bagdad, où il est né. Pour la communauté des parachutistes, ces sauts ont également une portée symbolique : c'est le signe qu'une ville est sûre. Le saut réalisé par Fareed était le premier depuis le début des hostilités.

Quand on découvre son parcours, on comprend facilement pourquoi Fareed est considéré comme un modèle pour les jeunes Iraqiens. Premier Arabe à avoir piloté un jet jusqu'à la limite de l'espace, astronaute entraîné, plongeur en haute mer et parachutiste plusieurs fois recordman (il faisait partie de l'équipe qui a réalisé le premier saut en chute libre au-dessus de l'Everest) : la liste est longue. Dès lors, lorsqu'il atterrit au centre du stade de Gazi, acclamé par une foule de sympathisants en délire, on est surpris de constater que ce personnage charismatique est en fait un homme de petite stature à l'humilité touchante.

Il explique : « C'est juste un symbole. Je ne peux pas venir ici et me contenter de dire « OK, on s'est assez battu ». Je veux simplement donner de l'espoir aux gens ; c'est tout. ». Fareed donne une impression de sincérité désarmante, voire de naïveté. Un mental qui pourrait expliquer comment il peut se livrer à des exploits que d'aucuns jugeraient totalement terrifiants.

« J'espère que les Afghans entendront cette invitation à s'aimer les uns les autres et à reconstruire leur pays, sans terrorisme et sans violence ».

Il a choisi le cadre idéal pour faire cette déclaration : en effet, c'est dans le stade Gazi que les talibans lapidaient les adultères à l'issue des matches de football. Pour la plupart, les Afghans souhaitent désespérément laisser ce passé derrière eux. Chaque petit pas sur la voie d'un retour à la normale, comme le saut de Fareed, est donc accueilli avec enthousiasme.

L'hélicoptère de Fareed tourne au-dessus de nos têtes, larguant dans le stade des tracts ornés des célèbres anneaux olympiques et portant la devise selon laquelle le sport peut faire tomber toutes les barrières. Pendant un moment, les spectateurs dirigent tous leurs appareils photo vers le ciel en direction de la scène, ils applaudissent en signe d'assentiment, puis ils reportent rapidement leur attention sur l'Iraqien timide et souriant, autour duquel ils se pressent.

Une source d'inspiration pour tous

Cet événement fait toutefois prendre conscience à la population de ce qu'elle a raté pendant toutes ces années. Ayant observé la scène avec le regard critique propre à leur âge, un groupe d'adolescentes afghanes, loin d'être terrorisées, veulent savoir quand elles pourront essayer elles aussi.

« C'est une bonne expérience pour moi », déclare l'une d'entre elles. « On devrait apprendre aux femmes à en faire autant », explique une autre. « Les femmes peuvent faire de la chute libre comme les hommes. Nous sommes égaux. Si quelqu'un nous apprenait à le faire, nous pourrions sauter en parachute nous aussi. »

Quelle confiance et quelle assurance dégage ce groupe. On est loin des remarques flatteuses de respect mêlé de crainte que l'activiste taliban moyen aimerait entendre face à de tels exploits masculins.

Des jours plus tard, les témoignages de l'événement sont toujours visibles : les tracts lancés par Fareed sont en effet affichés fièrement dans toute la ville. Fareed est venu pour « répandre la paix ». Ce message, bon nombre d'Afghans ne sont que bien trop prêts à y souscrire.